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Fadhel Jaziri, figure majeure du théâtre et du cinéma tunisiens, s’est éteint

Une voix majeure du théâtre, du cinéma et de la musique en Tunisie

Fadhel Jaziri s’est éteint lundi le 11 août 2025. Acteur, metteur en scène, réalisateur et passeur de patrimoine musical, il laisse une œuvre multiforme qui a profondément marqué la scène culturelle tunisienne : du théâtre collectif des années 1970 aux grandes fresques musicales des années 1990 et aux films historiques et engagés qui ont suivi.


Origines et formation

Né à Tunis en 1948, Fadhel Jaziri grandit dans la médina, dans une famille liée aux espaces culturels de Bab Souika. Très tôt, il évolue dans un milieu propice aux rencontres intellectuelles et artistiques. Élève du Collège Sadiki, il fréquente des cercles théâtraux et découvre la scène aux côtés d’acteurs et metteurs en scène contemporains qui marqueront sa trajectoire. Sa formation connaît une dimension politique et intellectuelle : militant étudiant en 1968, il s’inscrit en philosophie avant d’être exclu pour ses prises de position, puis complète sa formation artistique à l’étranger avant de revenir en Tunisie.


Vers un théâtre engagé et collectif 

De retour au pays, Jaziri participe à la création d’expériences théâtrales à forte dimension sociale. En 1972, il cofonde le Théâtre du Sud à Gafsa, projet collectif ancré dans le terrain et les réalités sociales. En 1976, avec Fadhel Jaïbi et Habib Masrouki, il contribue à fonder le Nouveau Théâtre de Tunis, compagnie devenue centrale pour le renouvellement du théâtre tunisien. Avec ce collectif sont produites des pièces aujourd’hui considérées comme des étapes fondatrices du théâtre moderne tunisien, mêlant langue, question sociale et mise en scène innovante.


Au croisement des arts : du jeu à la mise en scène

Acteur à ses débuts, Jaziri joue dans plusieurs films et créations théâtrales des années 1970 et 1980. Progressivement, il se tourne vers la mise en scène et la réalisation. Sa filmographie de réalisateur comprend notamment Thalathoun (titre français souvent rendu « Trente » sorti autour de 2007–2008), une fresque historique qui aborde des figures marquantes du mouvement réformiste tunisien du début du XXe siècle, et Éclipses (2016), polar social qui confirme son intérêt pour les formes narratives mêlant politique, société et destin individuel.


Le chantier des musiques et du patrimoine

À partir des années 1990, Fadhel Jaziri investit la scène musicale et le spectacle de grande ampleur. Il conçoit et met en scène des projets qui revisitent les traditions musicales tunisiennes, en particulier le répertoire soufi et les formes musicales populaires. Parmi ses créations les plus connues figurent Nouba, Hadhra (qui connaîtra plusieurs reprises et réinvestissements au fil des ans), Noujoum, Ezzaza et des versions renouvelées comme Hadhra 2010. Ces spectacles, pensés comme de vastes fresques scéniques, cherchent à réinscrire le patrimoine musical dans une esthétique scénique contemporaine et à le faire entendre devant des publics nombreux, en Tunisie comme à l’étranger.


Une reconnaissance institutionnelle


Son parcours artistique et son rôle dans la promotion du patrimoine culturel tunisien ont été officiellement reconnus : il a reçu les insignes de l’ordre du mérite culturel en 2006. Ce titre distingue une carrière tournée vers la création et la valorisation des formes artistiques tunisiennes.


Engagement civique et positionnements politiques

Parallèlement à son activité artistique, Fadhel Jaziri a brièvement investi l’espace politique en rejoignant Nidaa Tounes ; il démissionne ensuite, exprimant des réserves sur l’évolution politique et sociale. Son engagement a souvent pris la forme d’interventions publiques et d’une parole critique, fidèle à une conception de l’artiste comme acteur social.


Héritage et postérité

Fadhel Jaziri laisse une empreinte multiple  metteur en scène et animateur de collectifs, réalisateur de films historiques et sociaux, concepteur de spectacles musicaux rendant visibles des formes patrimoniales souvent marginalisées. Son travail a contribué à ouvrir des voies nouvelles pour le théâtre et la musique en Tunisie, et a inspiré plusieurs générations d’artistes. La mémoire culturelle qu’il a contribué à préserver et à réinterpréter continuera d’alimenter les scènes tunisiennes.



L’équipe de L’Instant M présente ses sincères condoléances à sa famille, ses proches et à tous ceux qui ont été touchés par son œuvre.

Paix à son âme.