Polina danser sa vie est l’histoire d’une renaissance et l’odyssée d’une femme qui s’est longtemps cherchée dans la souffrance.
La danse contemporaine, insaisissable, mystique et envoûtante à la fois n’a que, hélas, trop peu d’alter ego cinématographiques. Bien que ce n’est certainement pas par manque de volonté mais plutôt par peur de toucher à un art si beau et si complexe, dont les codes ne sont pas forcément à la portée du commun des mortels, aussi férus d’arts et de beauté soient-ils. Le dernier en date étant l’œuvre de Wim Wenders où il rendait hommage à la fameuse chorégraphe allemande Pina Bausch en mettant en scène ses collaborateurs dansant ses œuvres les plus connues.
Mais comme rien ne paye mieux que l’audace, on a eu l’agréable surprise de découvrir ‘’Polina, danser sa vie ‘’réalisé par Valérie Muller et Angelin Preljocaj, une belle fiction grand public sur la danse contemporaine qui, de plus est, une adaptation de la bande dessinée à succès ‘’Polina’’ de Bastien Vivés réussissant au passage le double défi de vulgarisation d’un art pas si accessible tout en étant fidèle à l’œuvre de Vivés.
Polina, issue de la classe moyenne moscovite, s’est toujours entraînée en tant que danseuse étoile pour faire partie du célèbre théâtre du Bolchoï. Depuis son enfance, ce qui a été en partie le rêve de ses parents s’est associé à ses propres envies et projections jusqu’à ce qu’un jour elle décide de tout laisser tomber pour s’essayer à la danse moderne.
Du théâtre du Bolchoï aux salles de répétition d'Aix-en-Provence, Polina trimballe les rêves préfabriqués d'avant et les désirs de demain.
Trois mouvements : soumission, remise en cause et éclosion.
Comment se défaire de tout ce que l’on a appris dans la douleur et l’obstination ? Au-delà du sujet central qu’est la danse contemporaine, le film s’interroge sur la prise de contrôle de soi-même, cette maîtrise de soi qui est forcément fonction de l’écoute de soi, connaître ses limites pour les surpasser et surtout savoir ce que l’on désire le plus au monde et partir à sa conquête nonobstant la réussite qu’on puisse avoir à l’instant T. Les metteurs en scène ont posé ce constat qu’est de dire que peu importe à quel point vous avez galéré pour être aussi bien dans ce que vous faites, sachez bien qu’il n’en est rien d’autre qu’une énième « Comfort zone » qu’il faudrait quitter, non pas par entêtement et prise de risque non nécessaire mais parce que si vous vous êtes posé la question ne serait-ce qu’une fois, c’est que c’est déjà assez pour quitter votre bulle dorée.
Montage nerveux, chorégraphies enchanteresses et la grâce d'Anastasia Shevtsova font de ce film une belle fiction sur la danse, accessible aussi bien aux amateurs qu'aux avertis.
Toutefois, ce qui fait la force du film pour certains est un tue-l’amour pour d’autres, cette accessibilité pourrait être assimilée à un scénario simpliste et réducteur de la complexité et du vrai fond et message véhiculé par l’art qu’est la danse contemporaine car oui, le film se perd un peu en quelque sorte. En voulant relater deux aspects du personnage de Polina, les deux parties qui composent le film manquent énormément en substance, on nous présente toujours la chose et l’on nous renvoie directement à son achèvement sans trop s’attarder sur les événements pour autant.
En voulant juxtaposer le contexte social à ce qui n’est rien d’autre qu’un manifeste d’une révolution intra-personnelle d’ordre purement artistique, le film perd un peu en cohérence et risque de décevoir tous ceux pour qui la danse contemporaine est bien plus qu’un vague concept.
Mais heureusement que les scènes de danse improvisée ainsi que la magnifique chorégraphie de fin, embellie par les notes minimalistes de Philip Glass, sont là pour essorer toute forme de contestation intellectuelle que vous pourriez avoir (ils ont bien essayé en tout cas !).
Issam JEMAA