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Fuite des cerveaux : ces métiers tunisiens qui s’expatrient pour un avenir plus stable

Date de publication : 25/10/2025

Le phénomène de l’exode des jeunes Tunisiens qualifiés s’amplifie. Selon le dernier recensement INS 2024, environ 156 500 jeunes Tunisiens ont émigré entre 2019 et 2024, soit plus de 150 000 départs en cinq ans. Ce mouvement touche surtout les diplômés du supérieur. Une récente étude révèle que près de la moitié des jeunes Tunisiens (46 %) envisagent de quitter le pays pour un avenir plus stable. La Tunisie affiche le taux le plus élevé parmi quinze pays arabes dans un sondage régional sur le souhait d’émigrer (46 % des jeunes Tunisiens contre 42 % en Jordanie et 35 % au Maroc). Ce souhait de mobilité s’explique principalement par la volonté d’accéder à de meilleures perspectives professionnelles et à un cadre de vie plus favorable.


Professions les plus touchées par l’exode des talents

Ingénieurs et informaticiens

La Tunisie forme chaque année près de 8 000 ingénieurs, mais en perd environ 20 par jour, soit près de 39 000 sur la dernière décennie. Ce déséquilibre s’explique principalement par l’offre d’emploi locale insuffisante et les rémunérations jugées dérisoires : beaucoup d’ingénieurs tunisiens ne trouvent pas de débouchés adaptés à leurs compétences, et leur salaire (souvent autour de 1 000-1500 TND par mois) reste très en deçà des niveaux proposés en Europe ou dans le Golfe. Parallèlement, l’environnement professionnel souffre de lourdeurs bureaucratiques et de moyens limités (peu de grands projets, budget de recherche réduit), ce qui bride l’innovation locale. Attirés par de meilleures perspectives, des milliers d’ingénieurs (dans l’informatique, le génie civil, etc.) choisissent donc de poursuivre leur carrière à l’étranger, où leurs qualifications sont mieux valorisées.


Médecins et personnels paramédicaux

Le secteur de la santé est profondément touché : selon l’Ordre des médecins et les syndicats, plus de 1 300 praticiens tunisiens ont quitté le pays en 2024, s’ajoutant aux 4 000 déjà partis entre 2020 et 2023. Les hôpitaux publics sont en crise : les effectifs stagnent alors que la population croît, aucun recrutement n’a été opéré depuis 2019, et les personnels sont confrontés à des équipements vétustes. Dans ces conditions, les jeunes médecins et surtout les infirmiers, sages-femmes et techniciens de santé (qui représentent environ 72 % des départs du secteur) optent pour l’expatriation. Les salaires locaux (environ 1 545 TND, soit 460 €, pour un jeune médecin hors primes) ne peuvent concurrencer ceux de l’étranger, surtout en Europe ou au Golfe, où l’on propose de meilleures conditions et une reconnaissance professionnelle accrue.


Enseignement supérieur et recherche

L’université tunisienne voit ses talents s’envoler. Entre 2015 et 2023, près de 100 000 diplômés de l’enseignement supérieur ont quitté le pays. Parmi eux figurent de nombreux enseignants-chercheurs et chercheurs en sciences. Plusieurs experts dénoncent le fait que les compétences tunisiennes évadées contribuent désormais au classement des universités étrangères. Ainsi, les meilleurs esprits préfèrent souvent finir leurs études ou faire carrière à l’étranger, faute de débouchés locaux satisfaisants.


Secteurs financiers

Les métiers de la finance et de la gestion connaissent eux aussi une fuite progressive des talents. Les jeunes banquiers, auditeurs, experts-comptables, gestionnaires et analystes financiers peinent à trouver sur le marché tunisien des postes à la hauteur de leurs qualifications. Le secteur souffre d’un manque d’opportunités, d’une rigidité hiérarchique marquée et de salaires nettement inférieurs à ceux proposés à l’étranger. À cela s’ajoute un environnement administratif souvent figé, où les procédures sont lourdes et les perspectives d’évolution limitées. Cette situation pousse de nombreux diplômés des écoles de commerce et d’économie à rejoindre des banques internationales, des cabinets d’audit européens ou des entreprises technologiques à l’étranger, notamment au Canada, en Allemagne ou en France. Ce mouvement, qui s’accélère depuis quelques années, fragilise non seulement le système financier et administratif tunisien, mais aussi la capacité du pays à assurer sa modernisation économique et numérique.


Artistes et secteur culturel

Le monde artistique tunisien n’échappe pas à l’exode des talents. De nombreux artistes, plasticiens, musiciens ou réalisateurs, choisissent de poursuivre leur parcours à l’étranger afin de développer leur carrière dans des environnements offrant davantage de reconnaissance et de ressources. En Tunisie, l’absence d’un statut clair pour les artistes et la rareté du financement public rendent parfois les parcours plus incertains. Le budget national consacré à la culture demeure modeste, ce qui limite les possibilités de professionnalisation et de création durable. Plusieurs acteurs du secteur appellent à renforcer la place de la culture dans les politiques publiques et à créer davantage d’espaces d’expression et de soutien.


Un bilan préoccupant pour la Tunisie

Ces tendances soulignent les défis que pose la mobilité des compétences pour l’économie et les services publics. Par exemple, dans certaines régions intérieures, la disponibilité de médecins spécialistes reste limitée, ce qui contraint parfois les patients à se déplacer vers d’autres zones pour accéder aux soins. Plusieurs mesures ont été engagées pour renforcer l’attractivité du marché national, notamment à travers l’amélioration des conditions de travail, des salaires et du soutien à la recherche, mais leur impact reste encore progressif.


Des pistes pour inverser la tendance

Pour freiner l’exode des compétences, plusieurs leviers peuvent être renforcés. Le développement d’écosystèmes professionnels stimulants, l’encouragement de l’entrepreneuriat local, ainsi que la valorisation des métiers techniques et scientifiques peuvent contribuer à redonner confiance aux jeunes talents. Le renforcement des partenariats entre universités, entreprises et structures de recherche favoriserait également une meilleure insertion sur le marché national. Enfin, la création de programmes de mentorat et de réseaux professionnels permettrait aux Tunisiens de l’étranger de partager leur expertise et de soutenir les nouvelles générations, tout en maintenant un lien fort avec leur pays d’origine.


Photo de couverture générée par IA.

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