Un parcours entre deux rives
Artiste plasticienne, écrivaine et enseignante en arts visuels, Sana Hichri incarne une figure singulière du paysage artistique belgo-tunisien. Formée à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, elle développe depuis plus de vingt ans une œuvre à la croisée de la peinture, de la matière et du langage.
Partagée entre la Tunisie, la Belgique et les Émirats arabes unis, sa trajectoire témoigne d’une même constance : faire de l’art un espace de liberté, de mémoire et de transmission. Membre de l’Union des artistes plasticiens tunisiens, elle a exposé et enseigné dans plusieurs pays, tout en s’engageant dans la diffusion de l’art contemporain.

Une écriture picturale de la matière
Chez Sana Hichri, la peinture n’est jamais décorative. Elle est vivante, dense, et parfois presque sculptée. La matière y prend une dimension charnelle, traduisant la force intérieure de l’artiste.
Sa technique repose sur l’accumulation volontaire de couches de peinture, créant des reliefs profonds et expressifs.
« Je ne gaspille pas la peinture, je lui donne une voix. Chaque couche épaisse est une respiration, chaque relief une trace de vie » confie-t-elle.
Cette approche audacieuse repousse les frontières entre peinture et sculpture. Elle révèle une artiste habitée par la matière, mais surtout par l’émotion. Ses œuvres explorent des thèmes universels : la condition féminine, la résilience, la mémoire et la lumière intérieure.

Mémoire féminine et transmission
Dans ses portraits et ses compositions organiques, Sana Hichri tisse un dialogue entre les générations. Ses figures féminines incarnent à la fois la mère, la grand-mère et la petite-fille, trois symboles de la continuité et du renouveau.
Chaque toile devient un hommage à cette mémoire transmise, un langage silencieux où la matière parle là où les mots se taisent.
Son travail exprime une conviction profonde : l’art peut réparer, relier et transmettre.

Du pinceau à la plume
La créativité de Sana Hichri ne s’arrête pas à la toile. L’artiste s’exprime aussi par les mots. En 2022, elle publie Nidhal min Alwan, un ouvrage qu’elle dédie entièrement à une cause humanitaire. L’intégralité des ventes est reversée aux orphelinats.
Un geste symbolique de son engagement : mettre son art au service de la dignité humaine.
Son intérêt pour la langue arabe s’est affirmé lors de son séjour aux Émirats arabes unis, où elle a dû apprendre à s’exprimer dans la presse culturelle locale. Ce défi est devenu une passion. Elle s’est plongée dans la littérature arabe, créant sa propre méthode d’apprentissage et intégrant peu à peu les lettres et les mots à son œuvre plastique.
« Je suis une artiste qui écrit avec la couleur comme d’autres écrivent avec l’encre » résume-t-elle.
L’artiste écrit comme elle peint, avec la même attention à la texture et au rythme. Ses recueils Femme entre deux toiles, Racines jumelles, De la plume au pinceau et Quand les couleurs prennent la parole prolongent sa démarche artistique, abordant les mêmes thèmes que ses œuvres plastiques : la mémoire, la transmission et le lien entre les cultures.

L’art comme respiration du monde
Pour Sana Hichri, peindre, écrire et enseigner sont trois gestes d’un même mouvement. Dans ses ateliers d’art, elle encourage ses élèves à exprimer leur monde intérieur, à peindre comme on respire, à écouter la couleur avant de la poser.
Ses cours privilégient la liberté, la découverte de soi et la curiosité, une pédagogie fondée sur la création comme exploration personnelle.

