La pièce « Amore » de Pippo Delbono, présentée hier soir au Théâtre des Régions dans le cadre des Journées Théâtrales de Carthage (JTC), a captivé le public par sa profondeur émotionnelle et son exploration sans concession des multiples facettes de l’amour. Ce spectacle, coproduit entre l’Italie et le Portugal, mêle avec brio poésie, musique et chant lyrique, pour plonger dans les recoins les plus sombres et lumineux de l’âme humaine.

Un voyage musical et poétique à travers les émotions
« Amore » n’est pas simplement une pièce sur l’amour, c’est une immersion dans un état d’âme complexe et contradictoire. L’amour, tel qu’il est vécu et ressenti par chaque individu, est ici dépeint sous ses multiples formes : de la tendresse à la haine, de la possession à la folie, en passant par la dictature et la paix. L’utilisation du fado et du chant lyrique, interprétés par des artistes venus du Portugal ou d’Angola, donne à la pièce une dimension mélancolique et intense, parfaitement en phase avec les thèmes abordés.
L'un des aspects marquants de la pièce est l’usage d’une langue poétique, chantée et psalmodiée par le narrateur, le metteur en scène lui-même, qui insuffle des textes de grands poètes comme Carlos Drummond de Andrade ou Eugénio de Andrade. Ces mots, portés par la voix profonde et hypnotique de Delbono, décrivent avec une précision émotive l’ambiguïté de l’amour : cet appel irrésistible que l’on recherche, tout en le fuyant, et la peur qui en découle. Ce paradoxe est magnifiquement traduit sur scène, où chaque mouvement, chaque image, chaque parole semble refléter une quête incessante pour l’amour, tout en en reconnaissant la complexité et la douleur.

Une recherche de paix à travers la douleur
Le texte de Delbono, à la fois poétique et introspectif, nous plonge dans un univers où la douleur de l’amour est inextricablement liée à une quête de réconciliation intérieure. Dans ce voyage musical, les personnages, en proie à des fulgurances émotionnelles, cherchent à comprendre comment l’amour peut exister dans un monde déchiré par la peur, la souffrance et la solitude.
Le spectacle, en abordant ces thèmes avec une grande délicatesse, nous fait vivre cette tension entre le désir de connexion humaine et l’isolement existentiel. Il souligne que même dans la douleur la plus profonde, l’amour reste présent, prêt à émerger sous de nouvelles formes.

« Amore » : un message universel et intemporel
La scénographie de la pièce, baignée dans des tons chauds de rouge glamour et d’ombre, accentue cette recherche de réconciliation. L’arbre, qui évolue tout au long du spectacle, devient une métaphore de la résilience de l’amour, un amour qui, malgré les pertes et les épreuves, finit toujours par refleurir. Ce contraste entre la lumière et l’ombre, entre la joie et la souffrance, fait écho aux contradictions qui existent en chacun de nous et dans notre rapport à l’amour.
Les artistes, dont la chanteuse angolaise Aline Frazão et le guitariste portugais Pedro Jóia, ont su insuffler à la pièce une énergie nouvelle. Leur présence sur scène, au-delà de la simple prestation musicale, a véritablement enrichi la narration et accentué l’intensité émotionnelle du spectacle.
« Amore » est avant tout un spectacle sur l’amour dans sa forme la plus brute, sans filtre ni idéalisation. Il nous invite à affronter l’amour dans toutes ses contradictions, à reconnaître sa capacité à faire souffrir autant qu’à guérir. La pièce nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres de la vie, l’amour reste une force capable de nous réconcilier avec le monde.
« Que peut une créature sinon entre créatures, aimer ? Aimer et oublier, aimer et mal aimer, aimer, désaimer, aimer ? Aimer ce que la mer entraîne sur la plage, ce qu’elle ensevelit, et ce qui dans la brise marine est sel, besoin d’amour pur tourment ? (…) Tel est notre destin : amour sans limite. Aimer notre manque d’amour. »
Rabeb Oueslati
