On dit souvent que les jeunes ne lisent pas. Et bien ces jeunes ont voulu démonter le contraire en formant une sorte de « cercle » de lecture. Ce concept n’est pas très récent. En effet, tout a commencé par le fameux « donnez un livre, prenez un autre », une idée toute simple d’échange de livres lancée, presque pour rigoler sur les réseaux sociaux. Mais qui aurait pu imaginer qu’une simple idée deviendrait une rencontre quasi mensuelle, le rendez-vous incontournable pour tous les amoureux du livre, mais pas que… face à un tel engouement, l’échange de livres devient un Book club qui se développera en plusieurs « book club » : Tunis, l’Ariana, Nabeul… les livres envahissent notre quotidien et la mission que s’étaient fixée la jeunesse tunisienne est en train de s’accomplir.
J’avoue qu’au début, j’étais un peu sceptique : moi, allant à la rencontre de ces jeunes que je ne connais pas pour parler de livres. Je sacralisais tellement la littérature que je refusais toute forme de partage, je me disais que les livres étaient mes amis alors, pourquoi les partager ? Tout ça me paraissait absurde et puis, un Book club à Tunis tournerait facilement à un speed dating ! J’y suis pourtant allée à ce book club, trimballant derrière moi une tonne de clichés, arborant un snobisme grotesque et me jurant de faire demi-tour si je me goure d’endroit. Pourtant, quelque chose en moi me poussait à avancer, à aller à la rencontre de ces jeunes qui s’étaient avérés, après coup, comme moi.
11h, un samedi, au club Taher Hadded :
D’emblée, l’ambiance était chaleureuse, Leila Bezzine, l’organisatrice de l’événement, m’avait accueillie avec un sourire qui signifiait la vie, l’amour et le partage. Le concept était audacieux, ambitieux et sérieux : on parle de nos coups de cœur littéraires, dans la langue dans laquelle on se sent le plus à l’aise, on partage nos textes, on parle de nos écrivains préférés…amitié et livres, partage et connaissances, savoir et ambiance bon enfant, tout ce que j’avais volontairement et « connement » dissocié avait formé un magma magnifique… au Book club, il y avait par exemple ce monsieur, assez âgé, qui m’avait marquée par sa « théâtralisation » d’un extrait des Mille et une nuits. J’ai tout de suite compris l’amour qu’il vouait aux femmes et surtout à la jeunesse en venant vers nous, à notre rencontre…
Une autre jeune fille, vêtue d’un t-shirt Iron Maiden nous avait confié qu’elle avait séché ses cours pour pouvoir partager avec nous « son amour des livres », un journaliste nous racontait ses frasques de…journaliste, mais surtout, Leila nous avait parlé d’un projet que je ne pourrais qualifier que de magnifique : elle écrivait une sorte de conversation pour/ avec la fille qu’elle aurait, un jour, peut-être « c’est pour ma fille, une sorte d’héritage intellectuel et la preuve de mon amour inconditionnel… ». Je ne pouvais m’empêcher de sourire et d’être touchée par cet élan de sensibilité et de rêveries presque candides mais ô que belles !
Cette rencontre a réussi, en somme, à dépoussiérer ma petite cervelle en m’insufflant une bonne dose d’espoir et de foi, parce qu’aujourd’hui, j’ai foi en ces jeunes férus de livres, ces jeunes sincères, sensibles. Je dirai pour finir, que j’ai eu la chance de rencontrer des Musset délicats, des Rimbaud rebelles, des George Sand mutines, des Olympe de Gouges révolutionnaires mais je décerne la palme d’Anaïs Nin, cette artiste libre et libérée, à Leila, cette jeune femme qui à elle seule, signifie la vie, « el hayet »…
Le Book club de Tunis se tient une fois par mois, à la Medina. Le lieu de la rencontre est soigneusement choisi par Leila qui met en avant la beauté et la richesse de notre capitale.
Scoop : il y a aussi des ateliers d’écriture pour les écrivains en herbe ou les gribouilleurs à l’inspiration débordante qui se tiennent deux fois par mois, toujours à la Medina, un endroit accessible pour tout le monde, surtout pour les flemmards ! Voilà, vous n’avez plus aucune excuse pour ne pas lire, car, sachez-le, et pour paraphraser François Busnel, la lecture est le meilleur plaisir qu’on puisse avoir en solo ;) !
Fatma Souiri Gharbi