Théâtre/danse/littérature

Ezzedine El Mestiri ou l’art de vieillir dans la joie !

Originaire de Salakta, un petit village de pêcheurs en Tunisie, Ezzedine El Mestiri a toujours rêvé de voyages. Ce rêve est devenu réalité quand il est parti poursuivre ses études de journalisme à Paris en 1972. Rédacteur en Chef pour de multiples publications, il est aussi auteur de divers ouvrages notamment ‘’L’art de vieillir dans la joie’’ qui fait l’objet de notre interview d’aujourd’hui.

Votre dernier ouvrage est un chemin de vie pour vieillir dans la joie. Pensez-vous qu'il soit facile à emprunter ?

Oui parfaitement. Cela passe peut-être par l’acceptation par chacun d’entre nous de sa vieillesse. Le secret du bien-vieillir est d’avoir à chaque âge un objectif, une motivation, une envie et le plaisir de vivre. Je vis chaque matin comme si ma vie venait juste de commencer. « Le temps qui reste à vivre est plus important que toutes les années écoulées », écrivait Léon Tolstoï. Chacun de nous a traversé la vie en faisant de son mieux, et en faisant ce qu’il avait à faire. Alors, faisons de ce grand âge un moment de vie passionnant en gardant une vie sociale vivante, fondée sur l’optimisme et l’attention aux autres. Vieillir, c’est continuer, comme l’écrivait le philosophe Martin Heidegger, à « habiter l’existence ». Et cette existence, c’est notre maison. Vieillir, c’est prolonger sa vie, c’est comme agrandir sa maison.

 ©Ezzedine El Mestiri

Quelle est la personne qui vous a le plus inspiré ?

Chacun de nous est le produit d’une histoire et d’un métissage culturel. Nous évoluons dans la vie en appréciant des personnages et des idéaux. Pour moi, je suis tout ce que les autres m’ont apporté et je leur dois la gratitude. Mon éducation, proche de la nature a forgé mes convictions et ma quête du sens. J’ai toujours placé par-dessus toutes les valeurs, des notions simples comme le respect du vivant et la bienveillance. Aujourd’hui par exemple, face à l’urgence écologique, nous avons besoin d’un sursaut et d’une forme d’engagement. Si j’avais à me définir, j’emprunterai ces mots à Rainer Maria Rilke : « Ne vivez pour l’instant que vos questions. Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses.» Toute ma vie, j’ai toujours essayé d’observer le monde à travers une vision humaniste et poétique.

Quand écrivez-vous ? Avez-vous un rituel d'écriture, des horaires?

Ecrire, c’est m’imposer une certaine discipline. Le temps de la pensée est souvent assez long. J’ai la chance de ne dormir que 4 heures par jour. J’écris le matin entre 4 h 30 et 8h 30. Cela est devenu un rituel. J’aime le silence et la disponibilité infinie de ce moment. Me réveiller au lever du soleil, être vivant et décider que chaque jour est une nouvelle page. A travers le temps, au fil des années, au rythme des saisons, on finit par apprendre à vivre harmonieusement et sagement avec tout ce qui nous entoure. Je veux que chaque jour de.ma vie soit un moment plein de promesses. « Transformer la qualité de la journée est le suprême art », notait Henry David Thoreau. Oui, chaque instant qui vient mérite d’être vécu et peu importe la distance du chemin qui reste à parcourir.

Lorsque vous écrivez, pensez-vous constamment au lecteur ou êtes-vous indépendant de lui?

Ecrire en tant que journaliste, il faut certainement avoir la préoccupation du lecteur. Ce n’est pas une question de dépendance ou de complaisance, c’est tout simplement le respect et cette quête journalistique d’être avant tout pédagogique et utile. Mais pour l’écrivain, la question se pose différemment car nous sommes là dans le domaine de l’expression des idées et le partage de l’imaginaire. Ecrire avec exigence, certes, mais à distance des désirs supposés du lecteur qui jugera la pertinence du propos et décidera de ce qui pourrait lui plaire.

Qu'éprouvez-vous avant la sortie d'un ouvrage?

L’attente et puis la naissance comme une grande joie ! J’ai remarqué que souvent l’écriture d’un ouvrage dure 9 mois. 

C’est un signe ! C’est comme un heureux accouchement. J’éprouve à chaque fois ce sentiment heureux.

Votre prochain livre s'intitulera "Ommi". Pouvez-vous nous en parler?

Oui. C’est un roman consacré à tout ce que le féminin tunisien m’a apporté. Une ode, une gratitude pour ma mère.

Sarra Bouzidi