©Omar Sédiri / Younès Ben Slimane
La musique est faite par des gens « du métier » qui l’enseignent, qui la produisent et la reproduisent, qui la diffusent, la commercialisent, etc. Parmi ces acteurs, se dévoilent ceux qui ont leurs règles précises. C’est notamment le cas du collectif Sekay Audio cofondé par le Dj, vidéaste, graphiste, et plasticien Omar Sédiri qui y occupe la fonction de directeur artistique. Partons à la découverte de leur univers.
Ce qu’on attend de la musique électronique version « TN », c’est qu’elle modifie le fond imaginaire, non qu’elle se contente de lui offrir une nouvelle actualisation. Une idée simple en apparence, mais qui va à l’encontre d’un bon nombre de discours qui sont acceptés sans que leur validité ne soit vérifiée.
C’est là un curieux renversement. Le concept Sekay Audio part d’un objectif, celui de provoquer des réactions psychologiques et des courants culturels qui parcourent le corps social. Les membres de Sekay Audio sont tous interpellés par une nouvelle approche de la musique électro. En effet, domaine hypertrophié, peu bavard en discours sur lui-même, le son électro trouve avec Sekay Audio un jeu de strates sonores qui se succèdent, se chassent, se chevauchent dans l’harmonie ou dans le conflit, pour épicer une musique parfois ternie. Le son Sekay exerce sur l’auditeur des effets hypnotiques comparables à ceux que provoquent certaines œuvres d’art visuel cinétique.
©Omar Sédiri / Younès Ben Slimane
Sans tomber dans la dispersion qui enlèverait au propos toute portée, Omar Sédiri et son collectif nous font vivre un moment social où l’on est au bord de la musique. En effet le son électro traditionnellement étroit, s’élargit d’une décoration sonore multiethnique. Elargir considérablement le champ imaginaire (en l’internationalisant, en croisant les genres) pour contrecarrer une certaine standardisation à travers des codes sonores (ou comportementaux) identiques. Les égoïsmes des corps s'épuisent dans un grand collectif, le corps social, bref, un être-ensemble.
En examinant l’organisation de la masse acoustique produite lors des performances Sekay, on voit la recomposition des singularités. L’univers sonore agit comme preuve d’existence, et parce que l’auditeur le plus investi est sans doute le danseur, il réagit corporellement au moindre battement, aux plus infimes variations.
Les sons ont leur espace propre qui nous font naviguer entre l’univers musical et l’univers sonore. Justement, c’est l’espace maintenant qui va nous générer ce dernier en portant le message musical lui-même à une nouvelle dimension, jusqu’à privilégier totalement l’aspect localisation du son comme acte de composition. Ici, la situation de concert, telle qu’elle s’expérimente chez Sekay Audio, met l’accent sur le rôle fondateur de l’écoute dans l’acte musical. En dehors du strict jugement esthétique qu’on peut porter sur le mélange, l’impact émotionnel est garanti grâce à un tempo Deep Ethnic d’une grande dextérité.
Les cadres physiques d’écoute dans lesquels se trouvent leurs auditeurs, avant même de détailler le message musical lui-même, sont des conditions essentielles de la situation.
©Omar Sédiri / Younès Ben Slimane
L’auditeur dépasse vite l’écoute d’ensemble pour être sensible aux différents plans sonores qui se découvrent de plus en plus nettement au fil des écoutes, mais parfois l’écoute est plus agréable lorsqu’elle est floue, globale, ouvrant à un espace sonore plus permissif, plaisir que nous offre Sekay Audio sans restrictions. Ce qui est d’habitude dit sur l’expérience dansante de l’écoute, c’est que l’auditeur préfère la jouissance et l’effet sensoriel immédiat à la compréhension de la forme musicale dans sa totalité, or le concept Sekay Audio inverse la tendance. En effet, on vient pour la musique aussi.
L’expérience Sekay Audio s’agglomère autour d’une tendance esthétique : l’auditeur doit approcher au plus près possible le cœur du son, faire corps avec lui, comme dans un bain qui le maintient en suspension. Dans une tentative de captiver des oreilles souvent saturées, on peut dire que Sekay Audio développe aujourd’hui une musique qui écoute, attentive à ses lieux d’existence, aux autres genres.
Mohsen Ben Hadj Salem