Zoom sur un événement

FIFAK... 2016

FIFAK... Fêtons le cinéma, le notre!


On est ici à 120km de Tunis. Kélibia, cette petite ville paradisiaque, qui vit essentiellement de la pêche et de la menuiserie, accueille chaque été depuis 1964 plus de 1000 cinéastes entre amateurs, indépendants, étudiants des écoles des arts et professionnels du domaine. Le FIFAK, la noce de la mer et du cinéma, résiste depuis son fondement à la stéréotypisation des festivals étatiques. Ici, nous somme sous le règne d’un pouvoir ensorceleur qui nous pousse vers une euphorie sans raison. Ici, on vit pleinement la festivité ! 



La 31ème session du Festival International du Film Amateur de Kélibia démarre fort, avec la projection du documentaire expérimental  Moon In The Sky  du cinéaste syrien refugié Radhouen Ghanoun . Un documentaire décalé où l’absence de  technicité et la maladresse au niveau du cadrage et du montage sont autant de formes  de langage qui appuient la thèse du film : les conditions lugubres des refugiés syriens en Europe. Pas mieux qu’un tel coup de départ pour prouver que les  fêtes cinématographiques, tunisiennes et arabes, tiennent toujours et encore à leur " plateforme culturelle " qui traite par l’image "les interrogations nationales", tout en ouvrant des fenêtres sur des nouvelles expérimentations. 


                                                                                                                                                            la toile en plein air  @ Fifak

Chaque soirée, les sièges en béton armé du théâtre de plein air de Kélibia, dont la conception ne respecte aucune norme d’ergonomie, sont archicombles  - plus de 2000 spectateurs. Le FIFAK est une tradition bien ancrée dans la région. Sur son écran de 40m² et sous son ciel étoilé, les projections se transforment ici en de vrais spectacles, noyés dans les chuchotements des spectateurs, le bruit des klaxons des voitures à l’extérieur du théâtre de plein air, les cris des « Kahwaji », les feux d’artifices des fêtes familiales locales, et les quelques bagarres passagères qui viennent parasiter le charme de ces soirées... 

Quant aux films, on en voit de toutes les couleurs. Ici, n’attendez pas des œuvres classiques et simples. Les Fifakiens nous ont toujours surpris par des récits cinématographiques propres à eux, complexes, certes un peu faibles au niveau de la dramaturgie et de la technicité, mais dont la fraicheur et la sincérité sont les vrais atouts. Loin des chaines de productions qui accablent le cinéma professionnel, les réalisateurs sont ici des amateurs indépendants, vierges, qui crient haut et fort leur engagement, sans aucune autocensure, tout en donnant aux films une touche artistique personnelle. Après une longue soirée qui ne prend jamais fin avant 2h du matin, les festivaliers se lancent dans des « afters » bien arrosés sur le sable de la "Fatha" ou au quartier général du festival. L’odeur de l’orge se mélange aux chants, les sons des guitares, des cajons, du gumbri, et des qreqeb. D’autres préfèrent les tables un peu isolées pour des discussions sans fin autour de l’actualité politique et de la situation de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs dans le paysage culturel du pays. La bière et l'odeur de la mer favorisent l’euphorie, et transforment ces simples débats en des moments éternellement mémorables. 

Cette fête ne prend fin qu’au lever du soleil : au menu, un petit-déjeuner de calamar et de sardines grillés au petit port. 

Le FIFAK, c’est aussi l’occasion de débattre et de céder la parole à l’échange autour des films projetés. Le « Ring » de l’école de pêche regroupe chaque après midi des dizaines de cinéphiles et de cinéastes qui viennent inonder les auteurs  d’un flot de questions et de remarques. Loin des plateaux de cinéma, le programme OFF de cette année marque une richesse inhabituelle. Sur la scène flottante du club nautique, du Stambeli au Rap, en passant par le Mezoued, la musique et la danse viennent comme un pont entre le populaire et l’intellectuel dans un processus de la résistance culturelle. Grâce à l’engagement et l’assiduité de l’équipe essentiellement bénévole et avec une organisation sans faille, la 31eme session du FIFAK a bien remporté les challenges fixés. 

Maher Ben Khalifa