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The Revenant

« La douleur est temporaire, mais un film est pour toujours », disait Iñárritu en collectant son golden Globe. Depuis, plusieurs choses ont changé : l'Oscar rend son sacre total - quoique pas forcément unanime.  Il est cependant clair que ce film est comme touché par la grâce, et ce, bien au-delà de cette immense vague de sympathie pour Dicaprio.  Cette statuette tant convoitée, c’est l’accomplissement extraordinaire d’un metteur en scène qui a su imposer son cinéma très particulier dès ses premières œuvres (Amour Chiennes en 2000 et Babel en 2006). Puis Iñárritu se métamorphose complètement à travers une nouvelle approche et vision de son cinéma . Aussi, après un décollage un peu difficile avec Biutiful (2010), on assiste à une montée en puissance surprenante avec Birdman (2014), pour enfin atteindre cette maestria avec The Revenant .

Laissé pour mort dans une nature hostile, Hugh Glass défie cette dernière en entamant une longue quête de survie afin de venger le meurtre de son fils.

Telle une odyssée à la Werner Herzog, Iñárritu nous plonge directement dans un contraste étrange et beau à la fois : celui de l’humain face à la nature, comme si cette dualité était éternelle .

La nature telle que dépeinte dans The Revenant est d’une beauté saisissante, mais elle est surtout violente et impitoyable. Ceci explique peut être l'omniprésence de la violence quand il s’agit d’humains.  En superposant le malheur de certains (trappeurs) à celui des autres (Pawnee), Iñárritu dresse un portrait grandiose du clash entre l’humain et son environnement, plus précisément la nature.

Cette fresque du désespoir emprunte certains codes du western : la vengeance y est le fil conducteur, et bien que le réalisateur l’ait clairement nié à plusieurs reprises, on ne peut s’empêcher de voir l’énorme impact du cinéma de Terrence Malick sur The Revenant.  Cette inspiration est d'ailleurs tout à son honneur, car Iñárritu a peut être ici fait mieux que La Ligne Rouge en terme d’extraction brute et clinique du lyrisme.

Comment ne pas évoquer cette superbe scène avec l’ours ? En trois mouvements, comme une symphonie de Stravinsky, ce passage est un pur régal, frappant de réalisme. On en oublierait presque le travail phénoménal qui a été fait pour que cette scène soit réussie. La scène est tellement réaliste qu’on a envie d’y croire! Le souffle de la bête brouille carrément la lentille de la caméra, et le spectateur a un mouvement de recul… l’immersion est plus que totale !

On vous épargnera les louanges à Dicaprio et à sa formidable prestation.  On n’a cessé de le dire un peu partout pré et post-Oscar :  Leo est au top de sa forme - bien que ce ne soit pas sa meilleure prestation. Il transcende cette légende qu’est Hugh Glass et la porte totalement vers d’autres cieux de perfection .

The Revenant, c’est aussi la consécration d’un grand Monsieur, légende à juste titre lui aussi :  Emmanuel Lubezki, le maestro de la photo sans qui rien de tout ceci n’aurait été possible. N’hésitez surtout pas à consulter la liste des films sur lesquels il a travaillé pour avoir un aperçu de l’ingéniosité de ce magicien .

Certains y ont vu un mysticisme ennuyeux, beaucoup trop de plans larges et une amplification absurde des choses.  Nous, on a beaucoup aimé, et on vous conseille fortement de vous faire votre propre avis.  Le film est actuellement dans nos salles obscures, alors faites vous plaisir ! 

Bonne toile .

Issam Jemaa