Cinéma/Série/Geek

Swiss Army Man

Lorsqu’il a été projeté lors du dernier festival de Sundance , Swiss Army man n’a pas seulement divisé la critique, il l’a complétement déglinguée !  Le genre de division qui lui a valu, une fois dispersée sur les réseaux sociaux ,  canalisations bien connues  de la pensée, une étiquette de comédie scatophile , ratée , de mauvais gout et qui sent surtout le « pet ».  Car oui, nous sommes bien ici en présence d’une comédie méthanique. Et si les « farting-jokes » n’ont pas été au gout de tout le monde, le film s’en moque royalement ! Ce dernier se propulse quelque part entre la fantaisie, le bizarre et le WTF pour un résultat qu’on a trouvé, extrêmement brillant, drôle et subversif !   

Hank, joué par Paul Dano,  perdu quelque part sur une ile déserte, s’apprête à se suicider quand il remarque un cadavre échoué sur la plage. Le cadavre n’est autre que Manny (Daniel Radcliffe). On le pense mort - et il l’est!-  jusqu’à ce que ce dernier nous fasse la joie de nous initier à son mode de communication qui se révèlera être le salut de Hank : le pet !

Répugnant et de mauvais gout ? Absolument pas : c’est surtout loufoque et décalé !  L’histoire qui lie les deux protagonistes est celle d’un vivant mort à l’intérieur et d’un mort qui ne rêve que de vie. Le dernier se trouve être le sauveur du premier, car ce cadavre parlant possède des pouvoirs extraordinaires… Il utilise son excès de gaz pour se propulser dans l’eau à la manière d’un jet ski ; un bon coup sur son abdomen et de l’eau potable sort de sa bouche. Quant à son sexe, on n’a pas à ce jour découvert meilleur GPS! 

Swiss Army man est une bromance qui met en scène l’aventure de deux personnes en perpétuel questionnement -pourquoi leurs vies vaudraient-elles la peine d’être vécues ? L’absurdité du contexte se révèle être un gimmick des plus efficaces pour pousser à la réflexion sur tout ce qui régit la société contemporaine, et ses codes de « normalité ». Il existe néanmoins deux façons de voir ce film :  une qui verrait  le rapport entre les deux protagonistes comme une sorte de monologue ou en réalité il n’existe qu’un seul personnage qui part dans un délire de recherche existentielle ; l’autre serait de tout prendre au premier degré et d’apprécier ce que l’extraordinaire imagination des metteurs en scène (Les Daniels) peut  faire. A chaque fois que l’on pense avoir touché le fond du comico-absurde , les Daniels s’arrangent pour ramener du renfort : certainement une sous-espèce de minions avec des pelles !

La mise en scène est sublime. Rien ne vous prépare à une telle cohérence et beauté dans un chaos de la logique. Le duo installe une atmosphère unique, notamment grâce à un décor très particulier et  haut en couleurs, bouillonnant de petits gadgets artisanaux. La bande son spécialement composée pour le film est quant à elle aussi poétique qu’un Will Ferrel sur une cuvette. 

C’est un peu un mélange entre la déco et les folies visuelles de Michel Gondy et l’univers ultra-décalé de Quentin Dupieux… et encore ! même cette description, aussi flatteuse soit-elle, ne rend pas justice à ce film jubilatoire. 

Issam Jemaa