Musique

Do you speak jazz?

 ©Souhir HAMROUNI BUONOMO

Avec le Festival de jazz de Tabarka, et plus récemment Sicca jazz et Jazz à Carthage, les manifestations autour du jazz ont plus que jamais le vent en poupe en Tunisie. Ces festivals ont toujours drainé des foules de spectateurs : le jazz fait partie intégrante du paysage musical tunisien avec ses adeptes et son public.

Dans les années 70, tous ceux qui ont vécu cette période se souviennent avec beaucoup de nostalgie des concerts et de l’atmosphère qui régnait lors du Festival de jazz de Tabarka, qui était à l’époque le rendez-vous de tous les passionnés, et qui a permis d’instaurer une tradition de jazz dans le pays. Avec son célèbre slogan « Ne pas bronzer idiot», le festival a vu défiler toute une panoplie de musiciens prestigieux tels que Miles Davis, Charles Mingus et Keith Jarrett pour ne citer qu’eux. Pendant le festival, les soirées se poursuivaient après les concerts avec des prestations dans la rue en dehors des scènes.

Le jazz reste encore aujourd’hui considéré comme une musique élitiste et réservée à une certaine classe plutôt faite d’intellectuels, qui arrivent à la « comprendre » et à l’apprécier. Pourtant, quand on fait un flash-back dans l’histoire du jazz, on apprend que ça n’a pas toujours été le cas, bien au contraire ! À la base, le jazz est une musique qui est née du blues, chez les esclaves aux États-Unis vers la fin du 19e siècle. Quand on se penche de plus près sur les origines et l’évolution de cette musique dans le temps, on remarque que toute son histoire, de sa naissance à l’apparition des différents genres, est étroitement liée à la cause et la condition des Afro-Américains, et aux différents évènements marquants qui ont ponctué leurs vies.

La musique était la seule échappatoire et le seul moyen d’expression et de divertissement qu’avaient les esclaves puis « les esclaves ouvriers » pour survivre et supporter leur condition. Ainsi, ces derniers accompagnaient, leurs travaux pénibles de chants posés sur le tempo produit par les bruits de leurs outils d’un labeur sans cesse répété.

Plus tard, on a vu apparaître le ragtime, considéré comme précurseur du jazz, une musique jouée au piano avec une rythmique surexcitée animant un incroyable maquis harmonique tel qu’en témoigne « Mapple Leaf Rag », l’extraordinaire morceau de Scott Joplin.

L’histoire du jazz se met en mouvement au début du 20e siècle à La Nouvelle-Orléans avant l’éclatante remontée vers Chicago en passant par Saint-Louis. Des orchestres de rue des origines mêlant toutes les influences musicales de cette ville multiculturelle, les groupes migrent vers les cabarets, music-halls et autres lieux festifs.

C’est à ce moment, au début des années 30, que les premières formations jazz ont vu le jour, donc bien après l’abolition de l’esclavage et en concomitance avec l’amélioration très relative de la condition des Afro-Américains qui ont eu accès aux instruments ainsi qu’à l’enseignement musical.

À la même période, on a assisté à l’apparition du swing, joué par de grands orchestres ou big band, qui se sont vite multipliés, revêtant le swing d’un aspect commercial. Parmi les grandes formations du swing, on peut citer celles de Duke Ellington, de Count Basie ou encore de Benny Goodman.

À partir des années 40, Charlie Parker, Thelonious Monk et Dizzy Gillespie ont contribué à l’apparition du bebop qui a mis l’accent sur l’improvisation et les rythmes africains et a éloigné le jazz du swing commercial. Le bebop a permis aux musiciens de laisser libre cours à leur créativité et d’étaler leur virtuosité.

Toujours en mouvement, le bop dérivera rapidement vers d’autres voies : cool jazz, hard bop, latin jazz, pour défricher d’autres terrains d’exploration sonores, le jazz modal qui offre encore plus de liberté dans l’improvisation. Miles Davis, John Coltrane et Bill Evans en sont les figures emblématiques. Le free jazz apparaît naturellement dans cette évolution durant les années 60, en associant le côté expression encore plus libre avec les mouvements revendicatifs afro-américains de cette période.


Vers la fin des années 60, on a assisté à la naissance du jazz fusion ou jazz rock, avec l’introduction des instruments électroniques dans une musique qui a su combiner l’instrumentation électrique des rythmes du rock à l’improvisation du jazz. Avec ses disques « In a silent way » et « Bitches Brew », Miles Davis était le pionnier du jazz fusion au même titre que Franck Zappa et le groupe Weather Report.

Ces dernières décennies, le jazz s’est ouvert à toutes les musiques existantes dans un grand mouvement planétaire, où l’on remarque que toutes les musiques traditionnelles et autres traditions régionales participent à l’édification de cette universalité du jazz.

La scène musicale tunisienne a vu apparaître beaucoup de noms de musiciens, comme Kamel Sallem, Faouzi Chkili, Anouar Brahem et plus récemment Dhafer Youssef, Yacine Boularès, ou encore Mohamed Ali Kammoun qui ont permis de faire connaître leur jazz à travers le monde.

Ces musiciens au talent incontestable que l’amour du jazz réunit, ont tracé leur chemin et percé sur la scène musicale internationale, acquérant une notoriété qui leur a ouvert les portes des opportunités et des collaborations avec des musiciens de renommée, en plus de l’accès aux plus grandes scènes.

Depuis sa création en 2011, Le Jazz Club de Tunis contribue à la formation et à l’encadrement des jeunes musiciens tunisiens, il a permis de démocratiser le jazz et de dynamiser la scène culturelle tunisienne.

Pour l’histoire, la Tunisie figure sur la carte du jazz depuis 1942 grâce au célèbre morceau « A night in Tunisia », une composition de Dizzy Gillespie et Frank Paparelli.

L’enregistrement de ce morceau de 1946 a été inscrit au « Grammy Hall of Fame » en 2004, un Grammy Award créé pour honorer les enregistrements qui ont une signification historique ou qualitative !

Pour écouter Misk cliquez ici

L’article by Misk rédigé par Souhir HAMROUNI BUONOMO