Cinéma/Série/Geek

'Ça cartoons'

Il fut un temps où la bande dessinée était considérée comme un art mineur… pour mineurs. Plus tard, l’inventif Morris, père du fameux Lucky Luke lui trouva une filiation dans la liste très fermée du cénacle des arts où elle prit rang et se forgea une notoriété jamais démentie depuis.

De nos jours, la bande dessinée ou neuvième art roule des épaules dans la cour des grands. Rien qu’en France, elle brasse un chiffre d’affaires qui avoisine les 500 millions d’euros en 2016, avec près de 35 millions d’albums vendus. Une sacrée revanche ! Charles de Gaulle ira jusqu’à qualifier Tintin, de « son seul rival international. »

Au Japon, les mangas (bandes dessinées japonaises) représentent 30% de l’industrie éditoriale nippone. « One piece », le titre culte le plus vendu au pays du Soleil-Levant, tire pour chaque tome à plus de quatre millions d’exemplaires. Les États-Unis ne sont pas en reste, et le marché des « comics » avec sa ribambelle de super-héros, flirte avec près d’un milliard de dollars entre imprimé et numérique.

Mais à force d’investir notre quotidien et de cadencer nos rêves, les héros en papier ont fini par intéresser annonceurs, boîtes de communication et créatifs prompts à mêler Astérix ou Spiderman à la sauce réclame. Ainsi le marché des mangas, qui génère une importante activité économique au Japon, anime immanquablement le royaume de la publicité et occupe une place prépondérante dans la communication marketing destinée aux jeunes.

Que ce soit aux États-Unis, Japon, France ou Hong Kong, il est de ce fait assez naturel que la publicité s’approprie tout personnage, héros, mythe ou phénomène porteurs, et en récupère les dividendes de sa popularité.

Mais pour comprendre le phénomène bandes dessinées, il est nécessaire d’évoquer « l’image » qui est à la base de ce puissant outil de divertissement, ou encore, de communication. Cette image qui fait atrocement défaut dans nos contrées, et qui est le centre d’enjeux cruciaux, tant culturels, qu’économiques, politiques ou stratégiques. Les pays du sud privilégiant le verbe à l’image.

Pourtant nous sommes submergés par un flot d’images quotidien aussi vrai que notre compréhension du monde ne peut plus se passer de l’image, cette image qui véhicule et nous fournit par ailleurs l’interprétation de son producteur. Maîtriser l’image, c’est tout simplement maîtriser l’information. Une lapalissade sans cesse vérifiable sur le terrain et qui décide souvent et à notre insu, de nos choix tant matériels qu’intellectuels.

Les personnages fantastiques de Marvel se substituent aux héros que nous sommes incapables de produire, et Superman en glorifiant les valeurs d’une Amérique profonde et schématisée en nation-providence, occupe la place du héros local que nous n’avons pas réussi à inventer.


Insoutenable constat.

Une génération de jeunes créatifs tunisiens aux velléités artistiques certaines hante les couloirs d’un marché malheureusement insouciant et incapable d’envisager le vide pourtant béant à combler, et les opportunités à saisir. Question de culture, sans doute.

La bande dessinée représente chez nous le chaînon manquant d’une nouvelle culture émergente, cette culture dont on perçoit les relents prometteurs, chez une jeunesse dont l’effervescence créatrice et novatrice préfigure des lendemains propices à tous les genres de représentation.

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                                                                                              Habib Bouhaouel  / Misk