©Emel Mathlouthi
Apres kelmti Hora, Emel Mathlouthi est de retour avec un nouvel album révolutionnaire et artistique à la fois .
Pourquoi avez-vous attendu 5 ans pour sortir un deuxième album ?
Ah non, je n’ai pas « attendu » cinq ans. J’ai beaucoup travaillé. C’est un peu injuste en musique en fait car ça ne m’a pris qu’un an pour faire l’album si je groupais toutes les étapes ensemble. Seulement, dans la réalité il a fallu 2 ans pour réussir à avoir la bonne matière à graver, à trouver la bonne équipe, à mettre ensemble les bonnes conditions. Ensuite, ce qui est compliqué c’est de le commercialiser et le faire naître, et ça, ça a pris presque deux ans. Ma musique ne rentre pas vraiment dans une case bien déterminée, ça ne ressemble pas vraiment à quoi que ce soit d’autre et les labels sont devenus extrêmement frileux et fermés, même les indépendants. J’ai aussi donné naissance à ma fille et déménagé dans un nouveau pays pendant ce temps-là.
- ©Emel Mathlouthi
- De quoi vous êtes-vous inspirée pour faire votre nouvel album ‘Ensen’ ?
En travaillant sur Ensen, je me suis vraiment beaucoup inspirée d’artistes comme Samaris, Lorn, Sohn, Ben Frost, Eskmo, j’ai essayé de faire le tour de tout ce qui était intéressant et stimulant en production électronique du moment pour être confortablement armée pour créer mon propre univers. La musique est la meilleure inspiration pour moi, pour écrire, composer et stimuler tous mes sens. Ce qui est primordial pour moi pour me sentir vivante et pouvoir procréer du son à mon tour.
Je me suis aussi beaucoup inspirée de notre héritage culturel à travers le folklore et la musique populaire, dont des musiques comme el Hadhra son côté soufi et ses percussions tribales ou encore les chants berbères, les chants des montagnes.
Je m’inspire aussi beaucoup de cinéma et de danse contemporaine dans mon travail, dans la narration, l’espace sonore que je crée, le côté très imagé de mes productions. Il y a également beaucoup de théâtralité dans ma façon d’organiser les éléments sonores dans mes chansons et l’écriture des différents mouvements.
- Qu’est-ce qui différencie votre nouvel album du précédent ?
Sur mon premier album « Kelmti horra », il y avait une force révolutionnaire incontestable qui, à mon avis, a parfois fait de l’ombre à la production musicale qui était déjà bien riche, alors dans le second, j’ai préféré laisser la musique parler d’elle-même, contempler disaient les poètes andalous, sans doute un besoin de « transcendance » personnelle, une maturation…
Ce sont des périodes différentes, des voyages différents, où on mûrit d’une étape à une autre, doucement, sûrement. J’aime cette évolution-là, celle qu’on ne voit pas, qu’on n’identifie pas mais qui, le jour où on commence à explorer en studio, éclot d’une manière totalement spontanée et inattendue. C’est ça que j’aime dans la musique, l’évolution permanente du son, de la parole, de la musicalité, de l’idée, autrement c’est le superficiel et la platitude.
Quand on écoute Ensen on ne peut que réaliser que c’est la même personne qui a fait Kelmti horra, le côté planant et un peu psychédélique, le côté post rock sont toujours ressentis dans ma musique mais J’aime aller dans la profondeur, ma mélancolie intérieure ne me fait pas peur.
J’ai ressorti tout ça de manière plus intense et plus réfléchie sur « Ensen ». Il y avait certainement un contexte diffèrent dans « Kelmti horra », il y avait l’effervescence l’utopie, l’urgence, l’innocence, la volonté déterminée de changer les choses mais avec beaucoup de poésie et de musicalité, ce n’est pas un album politique, c’est un album fortement révolutionnaire mais c’est de l’art avant tout.
©Emel Mathlouthi
- Pourquoi ce titre ?
Cet album a été une longue introspection, je me suis rapprochée étroitement de la version la plus pure de moi-même, j’ai exposé beaucoup de choses de mon intérieur qui du coup sont ce que l’on a de plus humain. La fragilité autant que la force, la douleur et la joie, l’espoir et le désespoir, cette bataille constante entre l’ombre et la lumière que l’on a en nous, il était important pour moi de confronter chacun à ses faiblesses et ses dérives, nous avons besoin de reconnaître cela, d’avouer sa défaite face aux circonstances, au quotidien par moments.
Nous passons beaucoup de temps à se faire mal les uns les autres, à détruire nos sensibilités, nos valeurs, la beauté de notre univers, A s’autodétruire finalement, et il était important pour moi d’exposer tout ça mais en essayant d’emmener l’album vers la lumière, parce que l’humain a été aussi capable de créer de la beauté comme l’art et la musique, la solidarité, l’empathie, l’amour.
- Où comptez-vous faire vos prochaines tournées de l’année ?
- Je vais être en tournée dans beaucoup de parties du monde cet été, en Europe mais aussi dans le monde arabe au Liban par exemple, aux Etats Unis et au Canada. D’autres destinations sont prévues pour la rentrée comme L’Australie ou le Bahreïn.
Merci.
©Emel Mathlouthi
Emel Mathlouthi jouera au Festival international de Carthage samedi 12 Août 2017
22.08.17 : Traversées de Tahitou France
24.08.17 : POP KULTUR Allemagne
26.08.17 : Mamm Douar France
28.08.17 Theaterspaktakel Suisse
Ousséma Ben Mahmoud