Théâtre/danse/littérature

Bob Dylan remporte le prix Nobel

 Le verdict est tombé : c’est bel et bien Bob Dylan, artiste à part entière, polyvalent et militant, qui a eu le Nobel de littérature cette année. L’Académie suédoise vient donc de faire un pied de nez à tous les esprits « bien-pensants », classiques et stéréotypés en secouant leurs mièvres croyances. 

Anarchy in « les belles lettres »* ! 

Alors la terreur « robespierriste » des littéraires, ces royalistes des temps modernes est-elle réellement justifiable ? Terreur ou peur viscérale parce que ce prix est la Révolution qu’on attendait depuis l’avènement du mouvement punk voire, un peu avant. Jim Morrison, en fervent adorateur de Rimbaud, n’a-t-il pas écrit des « chefs-d’œuvre » ? Des chansons aussi profondes qu’un Bateau Ivre ? Le tout bercé par une mélodie joliment indécente. Double check.

La littérature se veut –se voulait- choquante et attendait la consécration suprême, à savoir, LE Nobel.

Mais qu’est-ce que la littérature en 2016 ? Qu’est-ce qu’un écrivain ? N’est-il pas préférable que nous parlions de contre-culture ? De revendications ? D’esprit post-soixante-huitard ? De « Liberté, je TATOUE ton nom ? » puisqu’aujourd’hui, on n’écrit plus, mais on se textote. On ne lit plus mais on écoute des poètes maléfiques, dotés d’un maléfice ingénieux nous crier, jusqu’à nous faire exploser les tympans « Never mind the bollocks » ou ironiquement « God save the Queen ».


Nos idoles ont changé en l’espace d’un demi-siècle, passant d’un modèle « parnassien », inaccessible à des jeunes qui nous ressemblent et qui donc, nous représentent réellement. Madame Bovary est ainsi devenue Madame Saloperie, Ovidie ne fait plus bander mais incite à penser. Quant à Benjamin Biolay, il rivalise avec les plus grands à tel point que Gainsbourg passerait pour un « esprit bien propret », bien « rangé » à ses côtés. 

On se réclamerait volontiers d’une « beat generation », la génération « battue », désenchantée mais plus à la Musset. On voue un culte quasi religieux à Kerouac et Sur la Route est incontestablement notre livre de chevet.

Arrêtons de nous voiler la face : aujourd’hui, dans un monde hyper-médiatisé, over-connecté, le mythe du grand écrivain semble risible, caduc. L’écrivain pourrait être vous, moi, du moment qu’on a de la gueule, qu’on a du feu dans la plume, de la rage à revendre, on peut finir par avoir une place dans ce cercle, plus aussi sélect qu’avant, des « écrivains ».

Il ne faut pas oublier qu’avant ce Nobel, une autre « révolte » a ébranlé l’univers des « belles lettres » : l’élection de Virginie Despentes, chienne éclairée, autodidacte, anti-« académicienne », à l’Académie Goncourt. J’ose à peine imaginer la tête d’un Alain Finkielkraut dans l’autre académie, ZE Académie Française…

Alors, au lieu d’user et d’abuser de l’effet de surprise, de dire que Bob Dylan, c’est de la merde, de le comparer à une « canaille » et de dire que le « Nobel s’encanaille », apprécions ses textes et (ré)écoutons sa Poésie. On peut même apprécier le talent d’une Patti Smith, fan inconditionnelle de Rimbaud, ou d’un John Cale, amateur de Sacher-Masoch, ces artistes qui nous injectent un son aussi dérangeant que fascinant. Vous l’avez compris : ce qui est absurde aujourd’hui, c’est le snobisme pathétique des pseudo-intellectuels parce que, sachez-le, la littérature est faite pour tout le monde et que l’éclectisme d’un Bob Dylan était « inconnu » pour « leurs »* i-connes datées, dépassées, impossible à exhumer… 

Anarchy in th UK* : chanson emblématique des Sex Pistols, ces « poètes de l’ombre », ces « trublions de l’art ». La culture punk est donc la rencontre fortuite entre une aigreur de vivre et une frénésie de vivre –paradoxalement-  dans un entrepôt crasseux … 

Fatma Souiri Gharbi