Musique

Retour sur la culture Musicale de Oussama Gaidi

Rencontre avec un musicien qui s'adresse à un public restreint mais passionné. Oussama nous entraîne dans la culture électronique alternative expérimentale et d'avant-garde en Tunisie

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Oussema Gaidi, aka YnflX (prononcée Inflex), je suis musicien, compositeur, Sound Designer et occasionnellement Dj.

Quand et comment, avez-vous choisi et commencé la musique ? Par quels styles avez-vous commencé ?

J'étais passionné dès mon plus jeune âge, je crée constamment des “beats” et mélodies dans ma tête et j'essayais d’interpréter avec du “beat boxing” quand j’étais gamin, ça a pris un virage hallucinant quand j’ai découvert qu’à travers des logiciels, on pouvait réaliser des sons assez réalistes, des arrangements fous et des possibilités infinies.

Quand j’ai commencé à manipuler mon premier logiciel, j’étais MetalHead fou, du coup mes toutes premières tentatives de productions musicales étaient destinées “Metal”. Un Album Black Metal suivi d’un autre Death Metal Technique ont vu le jour, uniquement sur mon ordinateur, et pour finir le trip j’ai conclu avec un album Post-Rock que j’ai diffusé quelque part sur internet sous le nom de “I Told You So - Brouillard”.

En 2008 et après plusieurs expériences en musique électronique ou électro-acoustique, j’ai pris une déviation vers une musique qui créait un déclic pour ma passion de l’intelligence rythmique et la lourdeur de la bass, c’était l’IDM (Intelligente Dance Music).


Comment décrirez-vous votre musique ?

La musique est le fruit d’une recherche minutieuse dans divers genres, univers musicaux, structures et sons. Mes productions varient du “Dark Ambiant”, au “Rhythmic-Noise”, passant par le “Industrial”. Chaque style comprend des spécificités propres à lui et qui créent son timbre. Certains sont sombres et ambiants, flottants même, d’autres sont violents, lourds et écrasants, non pas une violence rythmique ou sonore, mais plutôt un dérangement psychique et émotionnel.

Pourquoi cherchez-vous à créer ce dérangement ?

Ma création reflète ma perception de cette réalité. Je cherche à déclencher des sensations nouvelles chez les gens, un état autre que le bonheur qu’offre la musique consommée de tous les jours. Je me permettrai de dire que c’est aussi une tentative d’injecter de nouvelles psychoses sur cette planète.

Quelles sont vos influences ? courants, artistes ?

Je suis mélomane, ma liste d’écoute peut varier entre Drone Metal (Sunn o), Psychedelic Rock (Electric Moon), Breakcore (Venitian Snares), Dubstep (Kode 9), IDM (Aphex Twin), Glitch (Alva Noto) etc etc… Je m’inspire de toutes belles sonorités qui puissent refléter une sensation en moi.

Quelle est votre meilleure expérience musicale ?

Ma meilleure expérience musicale était à Beirut en 2012, je participais à un festival de musique électronique intitulé “Ertijel” et qui comprenait des pointures respectables de la scène électronique internationale, et j’y étais pour donner un ciné-concert du film “Europa” de “Lars Von Trier” dans la plus grande salle de cinéma de Beirut “Metropolis”. Durant tout le spectacle, le public était accroché au film et à la musique que j’étais entrain de produire en live d’une façon incroyable. Il était réceptif et attentif au moindre détail jusqu’à la dernière seconde du film, puis incroyablement chaleureux et accueillants.


Parlez-nous de la scène électro en Tunisie ?

Si on ne tient pas en compte la musique “Disco”, “House” ou “Techno”, la scène électro en Tunisie a connu sa prospérité à partir des années 2005, les vétérans de la scène étaient “E!”, SM711, Shinigami San (Zied Hamrouni), SKNDR (Skander Besbes), Heyej (Zein Abdelkefi), YnflX (moi même), étaient tous actifs avec des productions musicales et des concerts locos.
Les premières sessions du FEST (Festival Electro Sonores Tunis) ont ouvert une scène et une opportunité pour des artistes de produire avec plus d'ampleur ainsi que de faire éclater d’autres formes d'événements comme des Rave Parties sous le nom de “Steppers”, des concerts à l’Institut Supérieur des Beaux Arts de Tunis “Rebelion 12”, des soirées destinées “Bass Music” avec “Worlds Full Of Bass” organisés tous par des jeunes artistes en auto-gestion/auto-financement, avant que les bars et les clubs engloutissent le tout vers 2012.

Une anecdote folle lors d’un concert à nous raconter ?

Je me rappelle de cette fois où je jouais au Festival “Sailing Stones”, on était dans une ferme au milieu de nulle part, j’étais en plein milieu d’un set exceptionnel lorsqu’il commence à pleuvoir. C’était un nuage passager d’été avec de grosses gouttelettes d’eau. La musique n’a pas cessé une seconde, le public non plus. Je faisais un Back to Back avec Zein Abdelkafi (Sunzi), et la pluie ne faisait qu’augmenter notre taux d’adrénaline, c'était une expérience complètement folle.

Si vous deviez vous réincarner en une personne célèbre (vivante ou décédée), ce serait qui ?

Je dirais “George Carlin”, l'humoriste américain, décédé d’un cancer en 2005. Je peux dire que c’est la personne qui a l’attitude que j’adore le plus. Il constitue ses propres idées à propos d’un thème et il les pose de la façon la plus subtile et la plus sarcastique qui puisse jamais exister. Aucun tabou, aucune norme, aucune limite, mais de la pure sagesse.


Quels sont vos futurs projets ? y aura-t-il un concert prochainement ?

J’ai plusieurs projets prévus pour bientôt, à commencer par une pièce de théâtre intitulée “ALMN” avec le réalisateur “Bahram Aloui”, je jouerai en live, sur scène, une musique d’accompagnement pendant toute la pièce. Un travail fort intéressant dont l’avant première est prévue pour fin janvier. Sinon, je travaille sur un ou deux prochains spectacles pour ce printemps, ainsi qu’un ciné-concert.

Une dernière chose à ajouter ?

Bah! Si vous entendez l’appel, et que vous êtes presque certains que c’est la Folie qui vous appelle, tentez votre chance et assurez-vous en !

Crédits photos : Mohsen Belcheickh, Aly Bouzouida 

Hella Nouri