Théâtre/danse/littérature

Le cauchemar de Bathyscaphe ou le Sisyphe des temps modernes…

                                                                 Crédit photo: Kaoula Hosni officiel

Ce serait un leurre que de croire que le dernier livre de Khaoula Hosni n’est qu’une reprise des codes fantastiques d’un monde 

« Lovecraftien ». En effet, le fantastique n’est qu’une toile de fond sur laquelle cette auteure tisse une histoire profonde, quasi 

« existentielle ». Il s’agit certes de « monstres », de kidnapping, de torture mais tous ces éléments sont réunis pour, et paradoxalement, servir le « réel ». Ce livre jongle aussi avec différents tons. On passe d’une situation « tragique » à un humour presque noir en un tour de passe-passe ! Ainsi, Sarah, l’un des personnages principaux du livre, nous lance presque à son insu un «Restez donc Dr Frankenstein. Oprah et Dr Phill étaient sur le point de partir. » Et les formules de ce genre ne manquent pas, peut-être pour alléger la lourdeur d’une situation inextricable, un fatum digne des meilleures tragédies antiques en plein XXIème siècle. 

Pourquoi Sisyphe ? Pourquoi choisir pour « cible » ce personnage qui a fasciné Camus ? Parce qu’avant la page soixante-dix, on se croirait presque dans une dissertation habile sur le poids du quotidien, sur notre capacité à nous complaire dans cette passivité morbide. Et si on était tous de potentiels « Sisyphe(s) heureux » ?

Coup de théâtre donc et chambardements après la page soixante-dix : le chapitre six donnera ainsi au livre une autre tournure, une bifurcation inattendue que seule Khaoula Hosni sait le faire. 

Le poids de la monotonie donnera le la au poids du chagrin, à la problématique du deuil qui était au cœur de D.A.B.D.A, le second livre de Khaoula Hosni. Ce chagrin est justement une soudure qui permettra à un couple, deux « monster lovers » d’avancer « nous étions toujours un « nous » maintenant ». Vous l’avez compris : ce livre cache une magnifique histoire d’amour aux allures shakespeariennes, presque impossible, mais avec une cristallisation et une montée de désir inégalées ! Toutefois, la subtilité de ce livre réside dans le fait de mélanger les genres, de diversifier les styles sans jamais tomber dans la catégorie du « pot-pourri ». Ainsi, on trouve même le double d’une Lilith, une sorte de savant fou, qui tourne autour de nos amoureux transformant ce duo en un trio amoureux. Un triangle amoureux mené (et peut-être miné) par les dilemmes, les secrets de famille, les questionnements et les innombrables mises à nu… 

Le Cauchemar de Bathyscaphe ressemble étrangement à l’un des derniers livres de Stephen King, Mr Mercedes, par un début déconcertant. On ne comprend pas ce qui se passe, un peu comme les personnages du livre, jusqu’à ce que Khaoula nous confie ses cartes (vraiment ?), une à une, en levant le voile, en filigrane, sur bon nombre de nos questionnements… ce livre est intelligemment mené du début jusqu’à la fin, le suspense y bat son plein et on ne peut manifestement pas le lâcher. La révélation ultime viendra, tel un couperet, « achever » le lecteur, un lecteur convié lui aussi à réfléchir, comme les personnages du livre, si ce n’est plus. Or, il tombera indéniablement de haut, au moment où il s’y attend le moins…

Et si c’étaient nous les vrais monstres ? L’être humain est arrivé à faire tellement de choses, en prétextant la bienveillance alors que cette même bienveillance cache souvent une sournoise perfidie…

Courrez vite acheter Le Cauchemar de Bathyscaphe, un livre qui ravira aussi bien les fans de Stephen King que les nostalgiques de l’époque victorienne… 

Le Cauchemar de Bathyscaphe par Khaoula Hosni, Arabesques Editions, 339 pages.

Prix :15Dt

Fatma Souiri Garbi