Théâtre/danse/littérature

Le Dortoir : Une pièce noire qui célèbre la féminité et la jeunesse

Vendredi 4 et samedi 5 novembre, Marwen Errouine a présenté la première de son spectacle, « Le dortoir » (El Bayyeta) à El Teatro. Devant un public d’amis, amateurs de danse et de théâtre, la performance de danse a duré 60 minutes entre émerveillement, sourires et gênes. 

À l’Aire Libre, quelques minutes avant le spectacle,  où étaient accrochées les affiches, et exhibés certains décors de la production de ce théâtre indépendant, une petite foule attendait l’appel à la salle. Ça chuchotait, ça souriait de temps en temps, et ça échangeait quelques mots d’encouragement à Marwen, qui fumait tranquillement une cigarette, à l’air libre, entouré de quelques amis, venus découvrir la nouvelle écriture de “El Bayeta, Le Dortoir”, un spectacle de théâtre danse, qui passait en première, le 4 novembre à El Teatro.

Scène peu commune est celle de voir le metteur-en-scène ou le chorégraphe avant son spectacle, mais Marwen Errouine était là, essayant de cacher son trac.


Dans les loges, les danseurs acteurs se détendaient et s’amusaient en publiant leurs photos sur la page Facebook de l’évènement. Mariem Bouajaja, Synda Jebali, Emna Mouelhi, Amel Laaouini et Kais Boulares étaient à quelques minutes de l’instant T.


Le dortoir, un spectacle féminin, un spectacle oppressant

La pièce “El Bayeta”, est l’histoire de quatre filles qui vivent ensemble dans un dortoir. Dans un décor réaliste, quatre lits, une douche, un lavabo, et des toilettes, les danseurs succèdent en solos. Les tableaux défilent sur un fond sonore obsessionnel, imposant et dérangeant.

Les thèmes que j’aborde dans cette pièce sont les frustrations auxquelles font face les femmes en général, et les étudiantes dans les foyers universitaires en particulier… la crainte de rentrer après couvre-feu, et se retrouver sans abri, les règles strictes du pensionnat, le harcèlement sexuel et le viol, l’obsession sociétale qu’est celle de considérer les filles comme “bayra” vieille fille, quand l’âge considéré comme convenable d’être mariée est dépassé…” explique le metteur en scène. 

La pièce est une ode à la féminité et un récit féministe, pas du tout étranger ni nouveau pour ce chorégraphe qui en est à sa sixième création. Le récit regorge d’œstrogènes, bien que le personnage masculin interprété par Kais Boularès soit l’axe principal de la pièce.

L’histoire est le pur résultat de l’imagination du personnage du concierge. Tout se passe dans sa tête. Les personnages féminins sont sa création et sa vision de la féminité.” affirme Marwen avant d’ajouter que cette vision est celle d’un autisme propre à la relation homme-femme dans notre monde arabo-musulman. Une vision qui pourrait être aussi universelle  à quelques détails près.

Le concierge est renfermé sur soi. Agressif, il bouge avec des mouvements imités et son jeu évoque la suffocation, l’incompréhension et l’incapacité et ses passages bien que brefs et peu nombreux, sont l’axe principal du drame.


“La thématique principale est celle de l’emprisonnement et de la mort, au sens propre comme figuré. Le suicide, la dépression, la limitation dans la liberté de circulation sont toutes des morts, chacune à sa manière. Privés de notre liberté, la vie n’a pas lieu d’être” continue l’artiste à déchiffrer son œuvre.

Le dortoir, un porte parole d’une génération en manque de liberté

Le dortoir s’inscrit dans les craintes et les préoccupations de toute une génération. Le besoin de partir, le rêve de libération et de liberté et autres frustrations qu’engendre une réalité peu clémente avec cette jeunesse assoiffée de rêves et de reconnaissance. 

Différents tableaux se succèdent dans une scénographie recherchée. Certains moments sont même surprenants tellement inattendus dans la narration et l’interprétation des danseurs. 

L’interprétation des danseuses  était convaincante pour la plupart. La beauté de Synda, la fraîcheur de Emna, l’interprétation juste de Amel, mais surtout, le naturel et  le génie de Mariem en solo font du « Dortoir » une pièce évolutive et pleine de potentiel. 

Le dortoir est un spectacle en gestation avec des danseurs prometteurs et un chorégraphe ambitieux.

Le dortoir est un spectacle à voir, à apprécier ou à critiquer dont les thématiques sont au centre même des préoccupations d’une jeunesse assoiffée de beauté, de spiritualité et d’encouragements…


Fiche artistique

EL BAYETA ( le dortoir) 

Chorégraphie et mise en scène: Marwen Errouine 

Interprètes par: Mariem Bouajaja Synda Jebali Emna Mouelhi Amel Laaouini Kais Boulares 

Compositeurs musique: Mohamed Seddik Kekli & Jihed khmiri 

Concepteur lumière: Sabri Atrous 

Décor: Racyl Khatib 

Régisseur plateau: Mohamed Ziden Mahrez

Hazar Abidi