Théâtre/danse/littérature

Violence(S) de Jalila Baccar et Fadhel Jaibi

Sur la scène de la salle « le Quatrième Art », sur un décor où les nuances de gris virent au noir, les protagonistes de Violences(s) ont excellé dans l’interprétation de personnages problématiques, déchirées entre réalité et fantasmes, victimes ou bourreaux, rêveurs et désenchantés, mais tous coupables de faits et gestes d’une cruauté indescriptible. Violence(S) est plus qu’un parti-pris, une autopsie d’une société désespérée d’elle-même, de sa réalité et de son avenir pour le moins obscur. C’est le carnet d’une révolution avortée dont les acteurs ont fini par prendre le large, par crainte de l’avenir et par désespoir.

                                                                                                                                                                                                          @JTC

Une mère qui finit par tuer son propre fils en le brûlant vif, le même fils qui jette sa mère en pâture à des ivrognes en guise de règlement d’une dette, des élèves qui assassinent leur professeure par amour ou par vengeance, une épouse qui tue son mari dans un moment de rage, un  homosexuel qui tue son compagnon par aveuglement…autant de trames servant de textures à cette pièce où la violence se décline dans toutes formes abjectes et traumatisantes. La dramaturgie plonge dans les interstices de la conscience humaine à la recherche d’une bribe de vérité susceptible d’aider à comprendre les raisons de tant  de cruauté. Avec un clin d’œil à Camus, les auteurs nous tendent une perche pour nous aider à nous libérer de nous-mêmes et des monstres qui nous habitent comme des maladies silencieuses. Des situations d’une extrême violence nous sont jetées à « la figure » comme pour nous réveiller de notre somnolence à travers des tableaux oscillant entre un  centre de détention, une salle d’instruction, une prison et un hôpital psychiatrique le tout avec un décor sombre et minimaliste. 

Des corps « dévitalisés », des vies de survies, d’individus amnésiques et des hommes et femmes déshumanisés, traînant le lourd fardeau d’un passé qui revient au galop malgré toutes les tentatives de déni. Une psy qui finit par sombrer,  emportée par l’horreur de son quotidien ensanglanté…Mais toute cette violence(s) n’a a été possible esthétiquement parlant que  grâce au jeu combien même intriguant des comédiens. Violence(S) n’est pas une pièce de théâtre ordinaire. C’est un manifeste contre la violence sous toutes ses formes et une réflexion réitèrent l’idée chère à Camus  « être adulte, c’est savoir se retenir », car les démons sont en nous et pas ailleurs. Cette pièce a été présentée dimanche 20 novembre 2016 à la salle du 4e art à 15h devant un public nombreux venu découvrir ou redécouvrir cette œuvre magistrale.