Espaces Culturels

A la rencontre de l’Association L’Art Rue

 "El Warcha" ©Nao Maltese

Les bagages posés à Dar Bach Hamba, cette fabrique d'espaces artistiques œuvre pour la valorisation de la jeune scène artistique contemporaine en Tunisie. Située en plein cœur de la Médina, elle s’efforce à démocratiser l’art en travaillant au plus proche des communautés, participant ainsi au processus d'intégration sociale.

Née autour de Dream City, l’association L’Art Rue  nous fait voyager en mettant en scène des sociétés autonomes rêvées. Ses actions, qui ont débutées en 2006, s’étendent sur 4 grands volets: art et éducation, débat, réflexion et formation, accueil et programmation et résidences artistiques.

De mi-septembre à décembre 2016, l’association L’Art Rue accueille dans son magnifique palais les lauréats de l'appel à résidence 2016 : le collectif Corps Citoyen et Benjamin PerrotAurélie Machghoul, chargée de communication nous en parle...

                                               "Corps Citoyen" ©Nao Maltese


Quels sont les objectifs des résidences artistiques ? 

« L’art Rue » propose cinq résidences artistiques par an; quatre projets qui s'adressent aux artistes de Tunisie et une résidence pour des artistes étrangers.

Nous accueillons actuellement Benjamin Perrot et le collectif Corps Citoyen.

La prochaine session sera programmée pour le premier semestre 2017 (mi janvier - fin mai), avec une phase de candidature qui s’est close le 16 octobre dernier.

Les résidences d’artistes chez l’association « L’Art Rue » ont pour objectifs de soutenir les artistes résidant en Tunisie et de favoriser leur diffusion et leur exercice dans les communautés de la Médina. Nous essayons, à travers nos résidences, de répondre non seulement aux besoins des artistes mais aussi aux contraintes des secteurs culturel et artistique en Tunisie.

Dans ce dessein, deux problèmes majeurs ont été constatés.

Le premier étant le problème de financement rencontré par les artistes résidant en Tunisie. Les artistes n’ont généralement pas la possibilité de vivre de leur art .

En mettant à la disposition des artistes sélectionnés sur dossier un lieu de travail, un hébergement, des per diem, une rémunération ainsi que notre accompagnement artistique et notre expertise en ce qui concerne les processus de travail spécifique de l'Art en espace public ; nous offrons aux artistes choisis des conditions optimales pour la création.

Le second constat concerne les tensions sociales susceptibles d'apparaître dans la société tunisienne. Le corps social, au lendemain de la révolution, est en phase de redécouverte et de reconstruction. Vecteur de développement personnel, l’art permet de se retrouver en dehors de dimensions sociale ou religieuse et permet de faire corps dans une société.

Dans ce contexte, tous les projets éligibles aux résidences artistiques se devront d’aboutir à une création en espace public avec l’aide des gens du territoire. Ils devront avoir un sens pour les artistes résidant en Tunisie mais aussi pour la population de la médina. Nous valorisons le travail collaboratif sur et pour le territoire. Les projets sélectionnés devront obligatoirement pousser l’artiste à s’immerger dans la médina de Tunis et travailler sur une problématique particulière dans un quartier donné. Ils devront, en impliquant les communautés dans différents aspects de leurs travails, développer des liens forts entre art contemporain, société, citoyenneté et patrimoine.

Un assistant, médiateur de la médina, travaille avec les artistes afin de faciliter leurs insertion et la démarche participative et immersive nécessaires aux projets sélectionnés dans le cadre des résidences .

                                                                                 "Corps Citoyen" ©Nao Maltese


Vous accueillez actuellement Benjamin Perrot avec son projet “El warcha”. Pourriez-vous nous exposer son projet ?

La résidence artistique de Benjamin Perrot se retrouve au croisement entre l’art, le design et l’artisanat. Installée à Place Hafsia, l'atelier de design participatif d'El Warcha propose de se questionner sur le mobilier urbain d'un quartier et les besoins de ses habitants.

L’association est ancrée dans une politique du territoire et tous les projets dans le cadre des résidences se doivent de respecter cette vision.

Chaque semaine l'atelier ouvert accueille les gens du quartier pour penser des objets de design urbain qui pourraient améliorer leurs vies.

Contrairement au produit utilitaire, prêt à l’emploi, le design participatif est un processus qui inclut l’utilisateur dans la réalisation du produit. L’idée est de faire du processus créatif un moment privilégié d’échange et d’expérimentation avec les habitants de la Hafsia. Il pousse l’artiste et les habitants à non seulement fabriquer les objets mais aussi à développer une réflexion sur la fabrication de ses objets.

Du mardi au vendredi, les jeunes et les artistes se mêlent pour discuter du thème du processus de création et fabriquer ensemble les objets.

Ils ont commencé avec des thèmes tels que la gestion de déchets, avec des créations de poubelles; ou comme l’embellissement du quartier avec la fabrication de bacs à fleurs. La résidence répond donc au besoin des habitants et du quartier. Nous essayons, encore une fois, de donner un sens au territoire à travers l’art. Cette semaine ce sont les tables de jeux qui sont mises à l’honneur, puis ce sera le tour du thème de la lumière/l'éclairage.

L’atelier Benjamin Perrot est ouvert. Le public peut passer durant la semaine pour observer le processus de création à l’atelier El Warcha. Le samedi après-midi ou dimanche, vous pouvez voir en espace public le témoignage du travail artistique effectué durant la semaine.

 


                                                                      @Raoul Cyril


Qu’en est-il du deuxième projet, « Corps Citoyen »?

« El Aers – The wedding project » est un projet documentaire et imaginaire de recherche théâtrale sur la notion de frontières chez les jeunes vivant de part et d’autre de la Méditerranée. Pour aller au-delà des stéréotypes, Corps Citoyen implique les jeunes en les écoutant, les regardant et en partageant leurs rêves et leurs désirs.

 

Quels sont les vrais rêves des jeunes de la région ? Que désirent-ils pour leur avenir ? En quoi sont-ils similaires et différents de part et d'autre des deux rives?

Il faut savoir que « El Aers » est un projet qui a débuté il y a un an de cela. Après un travail préalable de recherches, avec la réalisation d'ateliers de danse et de théâtre dans différentes zones de la méditerranée et de la Tunisie, le collectif entre dans le processus de création chez « L’Art Rue ».

Avec le choix de Nahj El Mokhtar comme lieu d'expérimentation artistique, ils ont commencé par comprendre le fonctionnement du territoire et présenter leur projet aux jeunes du quartier qui constitue à présent un groupe avec lequel le collectif travaille trois fois par semaine. Ils ont réussi à mobiliser une quinzaine de jeunes en les insérant au cœur du projet à travers différents ateliers.

Par exemple, l’un des ateliers a consisté à suivre les jeunes dans leur quartier pour se faire conter des histoires de vie (réelle ou imaginée) dans des lieux qui leur étaient familiers.

Ils parlent de leurs rêves, de ce qu’évoque pour eux l’espace en lui même, des raisons qui les poussent à partir, et de ce qu’ils pensent recevoir en immigrant.

Le collectif collecte leurs paroles et crée ensuite des petites scènes de théâtre ou de danse.

L’association voit vraiment l’Art comme un vecteur d’épanouissement individuel et de développement social et économique du territoire et pour chaque projet que l’association impulse la notion est fondamentale.

De ce fait, la méthodologie de travail de la résidence « Corps citoyen» est particulièrement intéressante puisqu’elle se base sur une constante analyse du travail effectué. A chaque fin d’atelier, un bilan entre le collectif et le groupe de jeunes se fait sur l’avancement de l’atelier et une projection sur le prochain atelier est réalisée. L’artiste construit en fonction de la réaction des jeunes et les jeunes rebondissent sur ce que les artistes proposent. Une vraie cohésion, suite à la démarche immersive et participative est née entre le groupe et nous avons été très heureux de voir qu’une régularité et une assiduité s’est créée chez eux. Nous sommes fiers de l’intérêt que nous suscitons chez nos jeunes voisins!

Ce projet aboutira à une performance en espace public le 17 ou 18 décembre avec pour objectif final un spectacle qui sera présenté dans les pourtours du bassin méditerranéen. Nous vous informerons du lieu et des informations supplémentaires sur notre site.



                                                                             "El Warcha" ©Nao Maltese

Quels sont vos moyens de financement? Faites vous partie d’un réseau plus vaste de partenariat ?

Travailler en réseau est fondamental pour nous. Nous essayons de nous entourer de partenaires qui ont pour objectif de soutenir le développement d’un art contemporain citoyen en Tunisie. Notre vision est de créer avec eux un réseau solide afin de compenser la politique culturelle souvent absente de l’Etat.

En effet, nous nous sommes investis dans une mission de contribution au développement du secteur culturel en Tunisie et à l'amélioration du statut de l’art dans la société. Ce n’est qu’en travaillant étroitement avec la société civile et le monde culturel tunisien, que nous pourrons comprendre les enjeux et besoins réciproques de chacun.

Dans ce contexte, l’association est soutenue depuis 2016 et pour les quatre prochaines années par nos partenaires de la fondation suisse DROSOS, par l'Open Society Foundations, par MIMETA et par le Ministère tunisien des Affaires culturelles.



Emna  Lakoua