Théâtre/danse/littérature

Le temps se fige à Mascate

 Le Sultanat d’Oman a emporté le théâtre de la Maison de Culture Ibn Rachik dans un espace atemporel. Il était une fois, un village au fin fond de la compagne du sultanat d’Oman (pure spéculation !) perdu et coupé du monde, comme son nom l’indique, « Le village des Bermudes ».

« C’est la première fois qu’on est ici en Tunisie !», nous assure Khaled Al Dhouyani, metteur en scène de la pièce. L’histoire est adaptée du texte « La Famille Tut » de l’écrivain Istaphan Orkini, préparée par Dr. Ajaj Slim Alhafiri.

La pièce nous plonge dans la routine d’une vie de famille paisible composée d’une mère et un père, une fille et un garçon parti au combat, absent pendant toute la pièce. La famille passe ses journées dans un cadre sombre et minimaliste, le père, un pompier qui guette le feu dans la forêt pendant quelques minutes, et dont le seul contact avec le monde extérieur se résume dans la relation entretenue avec un facteur qui n’hésite pas à cacher des parties d’une lettre portant de mauvaises nouvelles de leur fils parti en guerre. Ce dernier annonce l’arrivée de son chef militaire chez ses parents, pour un séjour de vacances.

« Le caïd est venu empiéter la famille et changer leur vie simple et silencieuse en vacarme et chaos. Il va vécu entre les missiles et les ordures, l’odeur du moisi et la guerre. Il est venu dans un village loin de toute tentation et du tracas de la ville, pour prendre plaisir à la vie calme de la compagne, sans communication ni télévision, et il cherchait le bonheur, et pourtant… ». Nous expliquait Ali al Mïamari, dans le rôle du chef militaire, acteur à Mascate de la troupe théâtrale Ar-Rustaq (ville à Oman), Vient interrompre cette douce mélancolie monotone le Caïd aux airs d’un tyran grincheux et grotesque cherchant la sérénité après des années de combat sanguinaire. Il siège dans le cocon familial, et se permet de rompre leur tranquillité, violer leur intimité, critiquer le statut du père, interférer et gronder les membres de la famille jusqu’à leur exiger de travailler à épuisement: découper des petites boîtes en carton, inlassablement, qu’il pense en détenir le contenu : le bonheur. Mais se heurte à une profonde réalité dans ce calme absolu, car il s’ennuyait de leur routine devenue insupportable et abject à ses yeux, lui, un être de guerre, tenace et en perpétuel confrontation, mais irritable face à une vie simple de tous les jours.


Pourtant, il continue à persécuter la famille et cette dernière n’ose le contredire de peur de rendre la situation de leur fils lointain encore plus compliquée. Sauf que le facteur finit par avouer le contenu d’un télégramme qu’il a gardé pour un bout de temps et omis de distribuer à la famille, il finit par annoncer le décès du fils en guerre. Les sacrifices de la famille n’ont plus raison d’être, ils finissent par se venger du dictateur.

La douleur s’empare des cœurs des membres de la famille brisée suite au retour du fils mort, mais garde l’espoir et finit par emballer les affaires et se rend dans un autre village de Bermudes ? Chacun son interprétation.

« Notre pays symbolise la paix mais évoque aussi le mystère, car il ne permet pas les choses nouvelles, les interférents. Certaines personnes trouvent ceci convenable, mais dans cette famille par exemple, ils n’en veulent pas, d’autant plus que leur garçon qui va dans la guerre sans jamais revenir brise leur cœur, tous leur espoirs sont détruits dans le reflet du seul moyen de communication externe, la poste. Ce facteur qui cherche le bonheur pour cette famille et évite de remettre les lettres et les nouvelles en cachant la vérité sur leur fils…


Toute interférence, même dans une famille, entre le frère sa sœur, entre la mère et son fils, ou autre, n’est pas saine ! La pièce repose sur le silence d’où le nom village des Bermudes ». s’exprimait le metteur en scène Khaled Al Dhouyani sur la problématique traitée dans son œuvre.

« Mind your (own) buisness » disent les américains, et «telha fi rouhek!» comme on dit chez nous ! A bon entendeur, salut !

Asma Haddouk