Théâtre/danse/littérature

Québecabad ! ou La bonne foi au bon pays

« Je n’ai pas remis les pieds dans ce théâtre depuis un quart de siècle !mon dernier spectacle ici, c’était Les Trois Hyènes » lançait Nabila Ben Youssef, comédienne Tunisienne originaire de Sfax résidente au Canada.

Nabila, ressortissante de l’Institut Maghrébin de Cinéma de Tunis, et figure emblématique du théâtre Tunisien des années 80-90, dont Sherazade en tant que protagoniste en 1989, Lisa la juive dans Les Glas (Nwakez) de Lassaâd Ben Abdallah avec le théâtre Cith’art en 1991, spectre de Caligula dans Caligula de Hichem Rostom en 1993, avant de partir au Québec à ses 30 ans où elle a continué à se battre pour sa passion qui est le théâtre et entamé une carrière d’humoriste avec des « one woman show », notamment « Drôlement libre » en elle même dans Juste pour Rire entre 2011 et 2014.« (…) C’était très difficile mais j’ai persévéré » nous confie Nabila. Faisant d’elle, la seule comédienne Tunisienne en Amérique du Nord (on est pas certain mais adjugé pour la seule au Canada !)


En effet, le Théâtre Municipal de Tunis a reçu l’une des plus belles pièces de théâtre en tournée au Québec depuis le printemps 2018. Simon Boudreault, est comédien, metteur en scène et marionnettiste dont l’œuvre n’a pas laissé unanime un public Québécois pourtant ouvert et multiculturel, parmi lesquels on cite « Sauce brune » en 2010, « D pour un Dieu ? » en 2012 et « En cas de pluie aucun remboursement » en 2015.

Le metteur en scène écrit lui-même ses textes et se base sur le vécu et le partage de l’expérience humaine pour fondre les comédiens dans la peau de ses personnages, notamment dans « Comment je suis devenu musulman », où Simon s’est inspiré de sa propre histoire et invité la troupe à Marrakech afin de se familiariser avec la culture Marocaine et soulever les différences idéologiques et autres aspects de désaccord, éléments de fond sur lesquels l’auteur pose une problématique pourtant dramatique (mariage forcé, islamisation, rejet de l’autres, problèmes d’identités) d’une manière comique et d’une légèreté inouïe.


L’histoire porte sur un mariage des cultures, imposé par les familles respectives d’un couple de québécois attendant un bébé, le jeune homme étant catholique de naissance mais athée et la jeune femme d’origine marocaine de confession musulmane mais non pratiquante. Le couple se retrouve entre les mains de leurs familles qui veulent sauver tantôt l’honneur, tantôt l’amour, une mère agonisante, un père conservateur. Une performance piquante à l’orientale, fraîche à l’occidentale, hétéroclite, ouverte et abondante à la Canadienne, et drôlement honnête, sincère et chaleureuse à la Québécoise. Pour nombreux d’entre nous les spectateurs, c’est du jamais vu !


« (…) Il y a encore du chemin à faire…Au Canada il y a différents acteurs d’origines multiculturelles, le Québec est ouvert à toutes ces collaborations, d’ailleurs c’est le désir de Simon Boudreault de chercher des comédiens arabes et québécois pour les rôles. C’est son histoire à lui, on a été invité pour un souper chez lui à Marrakech et on a beaucoup échangé…Même Nabila nous a reçu chez elle avec des plats typiques de sa culture, ainsi l’idée de venir jouer ici vient d’elle ». Nous livre dans les coulisses Benoît Drouin-Germain (rôle du garçon), acteur professionnel depuis plus de 14 ans.

« Comment je suis devenu musulman », une pièce produite par Simoniqaue Théâtre en coproduction avec la Manufacture, texte et mise en scène de Simon Boudreault, avec Sonia Balha, Nabila Ben Youssef, Benoît Drouin-Germain, Michel Laperrière, Marie et Michaud et Manuel Tadros, encadrés par le coach Marocain(e) Houda Rihani.

Asma Haddouk