Théâtre/danse/littérature

Êtes vous comparse ?

Le théâtre de la Maison de Culture Ibn Rachik a ouvert ses portes à une pièce tant attendue par le public Tunisien, venu nombreux assister à l’évènement, certains posés à même le sol à « Tu ne dois pas être comparse dans cette pièce ».

Unique en son genre, fidèle à son origine militante et gracieuse, la jeune troupe théâtrale « Rasa’el» (lettres) a su honorer la Palestine et le monde arabe.

« Rire sur ce qui nous fait pleurer » était la devise de la pièce selon le réalisateur Adnen Bilal Al Boubli.

En effet la troupe signe sa première performance dans le cadre des Journées Théâtrales de Carthage et sa troisième au monde arabe après une production au Liban et en Jordanie, sans compter la tournée de la première en Palestine entre Août et Septembre 2018. La troupe a été fondée en 2015 et réalisé trois pièce à son actif dont « Ala Chafa Hofra » au même réalisateur, qui traite de la souffrance des détenus dans les prisons israéliennes, ainsi qu’une autre production de mini sketches ironiques et socio-politiques regroupés dans une seule œuvre.

« L’ironie, ou le sarcasme était le meilleur, le plus honnête et le plus beau moyen de raconter la douleur extrême d’une histoire humaine. C’est triste mais c’est la meilleur manière : rire sur ce qui fait pleurer. C’est aussi l’essence même de la Comédie Noire. Dans cette pièce on a effleuré le théâtre expérimental en essayant de casser le quatrième mur : entre les spectateurs et les acteurs car c’est une manière de s’exprimer plus directement. Pour parler aux gens directement le clown est lui même comparse ainsi il casse le quatrième mur » Nous livre Adnen.

Jordan Egypte Arabie Saoudite Koweït

Une pièce entièrement produite par la troupe Palestinienne dont les membres ne dépassent guère la trentaine, des acteurs entre 20 et 23 ans, un réalisateur de 24 ans, une jeune équipe qui a tout pour plaire. Pourtant, aucun n’est un ressortissant des enseignements artistiques, mais tous bercé dans les coulisses du théâtre, et tous passionnés de la scène.

La pièce regroupe des expériences humaines réelles dans chacun de ses personnages. Ainsi Naqaâ, une fille d’artiste rebelle et romantique, et Chams, la protagoniste militante emprisonnée à tort, sont de vraies personnes de filles en Palestine et au monde arabe. Le rôle du souffleur de théâtre Saber Ajouz est le reflet propre de sa biographie, dont la fatigue et l’usurpation du corps par le théâtre ont fini par lui nouer les chemins, ainsi on observe les difficultés rencontrées dans son domaine.


Quant au clown, il est le personnage contenu en nous tous car on rigole de notre propre malheur. Un personnage important qui se fonde sur l’interaction avec le spectateur en déclenchant l’esprit critique et un processus d’auto dérision avec des monologues dont l’écriture revient à Mahmoud Gamal, scénariste Egyptien de talent qui a accordé l’autorisation de l’usage de son texte « Al Mouharrij » (le clown) au réalisateur pour un acte. « …moi même j’ai rédigé deux actes », poursuit Adnen sur les détails de l’écriture scénaristique de l’oeuvre, « Chams a écrit la majorité des idées et actes y compris celui de son propre personnage et celui de Naqaâ. Et un acte tiré de Nikita de Anton Tchekov mais révisité ».

« Ne Soyez pas Comparse dans cette pièce », le titre dénote la condescendance du monde arabe face à la situation de la Palestine occupée, dénonce le silence complice des hommes face à l’injustice humaine. Une hymne à la résistance, mélancolique mais comique, dramatique mais fort sarcastique, de bonne foie rient ça et là les spectateurs, tout en essuyant les larmes froides du cœur blasé.

On vous le dit, ça en vaut le détour !

Asma Haddouk