Musique

Férid Férid El Extranjero, symbole d'une génération

« 3bed fi tarkina », « War9a stylo » sont des titres qui ont marqué les Tunisiens, même ceux qui ne s’intéressent pas au rap. Férid El Extranjero (l'étranger) est parmi les premiers rappeurs tunisiens, c'est un symbole de toute une génération. Il a contribué avec beaucoup d'autres, bien évidement, à la propagation de la culture Hip Hop en Tunisie. Après un parcours de 20 ans, sa musique  n'a pas perdu de son éclat. Interview.

 

Si on commençait par les débuts, pouvez-vous nous parler de votre adolescence?

La vérité c'est que mes premiers pas n'étaient pas avec le rap mais avec le raï et le mézoued. A Djebel Lahmer, il y avait beaucoup de musiciens et je chantais souvent du raï. D'ailleurs, j'étais un grand fan de Cheb HasniJe garde vraiment de très bons souvenirs de cette époque. J'ai écrit mon premier texte à l’âge de 13 ans et c'était une sorte de révolte sur les conditions défavorables dans mon quartier. Je me souviens jusqu’à aujourd’hui de l’ambiance et des groupes de musiciens qui chantent le mézoued. C'était magnifique.


Des genres musicaux comme le raï et le mézoued aident-ils le rappeur à créer son propre style ? 

Bien sûr, personnellement, je m’intéresse à tous les genres musicaux de l’Afrique noire à l’Asie et à l’Amérique latine. Pour créer son propre style, il faut vraiment avoir une vraie culture musicale. Nombreux sont ceux qui s'enferment dans un seul genre, sous prétexte que le mézoued, par exemple, ne peut pas aider à améliorer leur style.  Je ne suis pas du tout de cet avis. 

Depuis votre premier texte à 13 ans, vous avez continué avec le rap. Racontez-nous votre parcours en tant que jeune rappeur.

Il n’y avait pas beaucoup de rappeurs à l'époque. Fin des années 80 et début des années 90, j'écoutais du rap français, essentiellement MC Solar (l'un des piliers du rap français) et en Tunisie, il y avait seulement Sélim El Arnaout. Depuis les années 90, le mouvement Hip Hop s'est imposé dans le pays et les rappeurs bénéficiaient de peu d'importance. Il est vrai qu'on s'adressait à un public bien déterminé, vu la violence des textes, mais on a réussi à participer à un concert en 1993, c'était à Tunis. Le rap avait pris sa place et attirait les jeunes qui étaient fascinés par cette nouvelle musique. Pour résumer, les rappeurs habitaient tous les quartiers de la capitale, il y avait le groupe Awled Bled de Balti et le mien, Filozof. En 1994, un concert a été diffusé en direct sur la chaîne Al Oufo, c'était dans une salle à l'avenue de Paris, à Tunis.


Après les années 90, vous avez choisi de quitter le pays et beaucoup de choses ont changé, depuis...

Oui, c'est vrai. Je n’avais aucune idée de ce qui m'attendait en Europe. Je voulais changer d'air et surtout avoir de nouvelles opportunités. La musique était ma seule compagne de route. Je me suis concentré sur mes objectifs et je me suis préparé à lutter pour les réaliser. L'Italie puis la France, après je me suis installé en Espagne et dernièrement j'ai déménagé en Allemagne. 


C'est en Espagne que votre expérience avec Delahoja va commencer. N'est-ce pas ? 

C'était du pur hasard. En 2000, je travaillais sur un chantier et un ami m'a dit connaître un groupe de rap. Sans hésiter, je me suis lancé avec eux et on a commencé à faire du bon travail. A cette époque, je me suis concentré sur les chansons de Section d'Assaut et Explicit Samouraï.


Aviez-vous des problèmes de communication avec eux ? 

Oui, surtout au début mais après on s'habitue. C'est le secret de la musique, c'est un langage universel. J'étais sur la même longueur d'onde que tous les membres du groupe.


Parlons un peu du morceau « 3bed fi tarkina ». 

Je considère le rap comme une arme contre la répression. C'est pour cela qu’en 2006, lorsque j'ai eu des problèmes en Tunisie, j'ai écrit ce texte qui était pour moi un défoulement et un message pour dire non à la violence policière. J'ai pris le risque puisque j'avais une famille mais j'avais pris ma décision à l'époque et c'était vraiment une aventure.


Avez-vous une idée de la scène du rap en Tunisie ? 

Non, je n'écoute pas beaucoup de rap tunisien, je connais quelques rappeurs Balti, Phénix, Vipa et Klay BBJ. Comme vous le savez, maintenant tout le monde fait du rap, après la révolution, la culture Hip Hop s'est transformée en industrie. Mon rap à moi, c'est celui des années 80 et 90, le rap audacieux qui était contre le pouvoir. La majorité des rappeurs tunisiens sont fascinés par les egotrips.    


Etes-vous en contact avec des rappeurs tunisiens ? 

Balti est un ami. Comme je l'ai déjà évoqué je le considère comme l'un des piliers du rap tunisien, maintenant il fait du "rap commercial" mais c'est son choix je ne peux que l'encourager.


Votre dernier vidéo-clip "Soumék fi jibék" est un featuring avec  Black Tunisi, c'était votre idée ? 

Oui, l'idée du clip est la mienne, le Beatmaker Kamikazi a préparé la musique et j'ai écrit le texte. On a contacté un réalisateur allemand qui s'appelle Roman et on a commencé le tournage.

NDLR: Le clip est un duo avec Black Tunisi mais Férid a écrit tout le texte et a choisi les lieux de tournage. La musique et le rythme sont inspirés du groupe français NTM.


Quels sont vos projets ? 

Ce sera une surprise. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'il y aura du nouveau prochainement.

Dhia Bousselmi