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Le documentaire et la question démocratique

Le Ciné-club de Oued Ellil et Sentiers organisent, en partenariat avec la maison des jeunes de Oued Ellil, Archipels Images, Wakalet Bahna, Echos cinématographiques, le CinéMadart et avec le soutien de EED et de l’Institut français de Tunisie, une manifestation cinématographique – « Le documentaire et la question démocratique » – du 17 au 27 mars 2020 à la maison des jeunes de Oued Ellil.

Quel rapport y a-t-il entre le documentaire et la question démocratique ?

Les deux se rejoignent d’abord sur les questions de la représentation et de l’invisibilité, autrement dit de la prise en compte de celles/ceux qui se sentent exclu(e)s de la sphère de la représentation publique. Dans le documentaire, la prise de risque est sans doute plus grande que dans la fiction, parce que le réalisateur n’a pas à diriger des corps, même si la question de la présence à l’image est fondamentale et même si dès qu’on pose sa caméra devant un sujet, on ne peut l’empêcher d’être en représentation et ceci participe en partie à brouiller les limites entre documentaire et fiction. La prise de risque est aussi plus grande parce qu’il va falloir faire avec les aléas du réel. Par ailleurs, aller à la rencontre de l’invisibilité ou de l’incompréhension face au réel dans le documentaire n’est pas sans faire écho au statut de ce genre originel dans l’histoire du cinéma, relégué très tôt dans une sorte d’invisibilité et devenu minoritaire sur le plan du financement, de la production et de la diffusion. C’est cela qui fait à la fois sa fragilité et son intérêt.

Notre programmation est susceptible d’éclairer de diverses manières le rapport entre le  documentaire et le principe de la représentation démocratique comme une question à penser à partir de l’invisibilité et de l’exclusion. C’est l’une des raisons pour lesquelles les œuvres de documentaristes femmes occupent une place importante dans cette programmation. Et notamment de documentaristes égyptiennes. Indépendamment de l’indéniable intérêt de leurs œuvres, Ateyyat El-abnoudy et Nadia Kamel se sont intéressées, dans le seul pays du monde arabe ayant une industrie cinématographique et dans lequel la fiction est particulièrement hégémonique, aux anonymes et à celles/ceux que l’histoire officielle a exclu(e)s. A côté de ces cinéastes à faire (re)découvrir, nous avons choisi des films très peu ou pas du tout montrés en Tunisie. Nofinofy de Michaël Andrianaly est filmé pour l’essentiel dans un salon de coiffure, minuscule espace qui se fait l’écho du dehors et de ce qui s’agite dans le pays. Sans cinéma, de Lamine Ammar-Khodja relie la question de la représentation à une « radiographie » de l’Algérie à partir de la rue et de la place publique. Pastorales électriques d’Ivan Boccara explore des zones reculées du Haut-Atlas et scrute les effets d’une tentative de réduire le désenclavement par l’électrification. Quant à Une rose ouverte, de Ghassan Salhab, outre la singularité du parti pris de l’essai poético-filmique et de la représentation d’une facette intime d’une grande figure du marxisme – Rosa Luxembourg –, il induit un déplacement du regard : du monde arabe, traversé par un élan démocratique qui le porte à secouer un ordre ancien et traversant des épreuves difficiles, vers la démocratie occidentale et ses dérives passées. 

A côté des projections-débats, toutes ouvertes au public, et qui font partie aussi de l’atelier d’analyse filmique animé par Hajer Bouden, Ali Hussein Al-adawi destiné à des jeunes participant(e)s de Oued Ellil et d’ailleurs, il y aura deux autres ateliers : un atelier de photographie animé par Ivan Boccara et un atelier de montage animé par Nadia Kamel et Peter Adel. Ces deux derniers ateliers suivent l’atelier d’analyse filmique et occuperont les cinq derniers jours de la manifestation qui sera clôturée par une projection-débat autour  de Salata bladi de Nadia Kamel et d’une présentation de son livre Al-mawlouda (Née. Histoire de Naela Kamel née Marie Elie Rosenthal).

 

Programme

Mardi 17 mars : journée consacrée à Ateyyat El-abnoudy

De 10h à 13h : projection de courts métrages

Le Sandwich  (12min, Egypte, 1975)

Une journée de la vie des enfants d’Abnoud, un village de la Haute-Egypte.

Rêves de filles (24min, Egypte, 1995)

Portraits de jeunes femmes ayant été privées de mener une vie normale en raisons de restrictions sévères.

Des Femmes responsables (30 min, Egypte, 1994)

Des femmes racontent devant la caméra leur vécu en mettant l’accent sur les responsabilités qui pèsent sur leur quotidien.

Des rêves possibles (30 min, Egypte, 1983)

Chronique de la vie de Aziza où il y a très peu de place pour le rêve.

De 15h à 17h.30 : projection d’un moyen métrage suivie d’un débat sur tous les films programmés de Ateyyat El-abnoudy

Les Mers de la soif (44 min, Egypte, 1980)

La vie quotidienne des pêcheurs dans un village du delta du Nil au bord du lac Al-Barlis.

Mercredi 18 mars

De 10h à 13h : séance d’analyse filmique consacrée à Ateyyat El-Abnoudy

De 15h à 17h.30 : projection de Nofinofy de Michaël Andrianaly suivie d’un débat

Nofinofy (1h.13, Madagascar/France, 2019)

Une bicoque délabrée en guise de salon de coiffure. Regard intime et attentif sur la vie quotidienne malgache et sur un homme qui se bat pour sa dignité.

Jeudi 19 mars

De 10h à 13h : séance d’analyse filmique consacrée à Nofinofy

De 15h à 17h.30 : projection de Sans cinéma de Lamine Ammar-Khodja suivie d’un débat

Sans cinéma (82 min, Algérie/France, 2014)

Campé face à une salle de cinéma fraîchement rénovée mais totalement désertée, un cinéaste aborde les gens dans la rue pour parler avec eux de cinéma.

Vendredi 20 mars

De 10h à 13h : séance d’analyse filmique consacrée à Sans cinéma

De 15h à 17h.30 : projection de Pastorales électriques d’Ivan Boccara en présence du réalisateur

Pastorales électriques (93 min, France/Maroc, 2017)

Le film suit le long processus d’électrification de zones enclavées du Haut-Atlas et scrute les changements inhérents à l’entrée de l’électricité.

Samedi 21 mars

De 10 à 13h : séance d’analyse filmique consacrée à Pastorales électriques en présence du réalisateur

De 15h à 17h.30 : projection de Une rose ouverte de Ghassan Salhab suivie d’un débat et de l’analyse d’un extrait

Une rose ouverte (72 min, Liban, 2019)

Portrait intimiste et poétique de Rosa Luxembourg fondé sur ses lettres de prison qui servent de colonne vertébrale à un film-essai.

De dimanche 22 à jeudi 27 mars (matin et après-midi)

Atelier de photographie documentaire animé par Ivan Boccara et atelier de montage animé par Nadia Kamel et Peter Adel

Vendredi 27 mars

De 10h à 13h : finalisation des travaux des ateliers

De 15h à 17h : projection des travaux de l’atelier de montage et de photographie à la maison des jeunes de Oued Ellil

A 19h.30 au CinéMadart :

Projection des travaux des ateliers de photographie et de montage au CinéMadart

Projection de Salata Bladi suivie d’une rencontre avec la réalisatrice et écrivaine Nadia Kamel autour de son film et de son livre Al-mawlouda (Née. L’histoire de Naela Kamel née Elie Mary Rosenthal) animée par le critique égyptien Ali Hussein Al-adawi.

Salata baladi (105 min, Egypte/France, 2007)

Portrait de Naëla Kamel née Mary Rosenthal : un mélange d’origines diverses. Elle est juive, catholique et musulmane. Elle est italienne et égyptienne. Elle est communiste, féministe et pacifiste.