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Rencontre avec Art Solution, ou le HIP HOP dans toute sa splendeur

Ce mois-ci, nous sommes allés à la rencontre d'une association nommée "Art Solution" dont le QG se situe au centre-ville de Tunis. Sa passion ? La danse Hip Hop, break dancing.

L'association a été fondée par Chouaieb Brik, un jeune et dynamique danseur de Hip Hop qui se bat pour la reconnaissance de cet art en Tunisie. Engagé dans ses actions, il est à l’origine de nombreux événements, dont le championnat d'envergure internationale "The UK B-Boy Championships North Africa" organisé par ART Solution et le British Council Tunisia qui a eu lieu le 15 mai 2015 au Whatever Saloon - Kahwet Ellouh, au Centre-Ville de Tunis.

Le Hip Hop naît au début des années 1970 à New York, South Bronx.  Originaire des ghettos noirs et latinos de la ville, c’est un

genre qui se développe en tant que mouvement de revendication culturelle. C’est très rapidement qu’il connaît une ascension fulgurante dans l'ensemble du pays puis à travers le monde, pour finalement devenir tout un symbole de la culture urbaine.

En dépit de nombreux talents tunisiens dans le domaine de la culture Hip Hop, cet art n'est pas très remarqué en Tunisie. Pourtant, le Hip Hop pourrait nous être très bénéfique, tant sur le plan socioculturel qu'économique.

- L'instant M : Présentation d'Art Solution, qui sont ses fondateurs? (une bonne description, nom(s)/prénom(s), âge(s) et parcours individuels). Où êtes vous basés ? Quelle est la nature et le but de ce collectif ?

A.S. : Art Solution a été créé par Chouaib BRIK, jeune break-danseur diplômé en sécurité système informatique, passionné de Hip Hop, de breakdance plus particulièrement, il a choisi d’en faire sa vocation, son parcours, sa vie.

Art Solution est donc une association qui a pour but de promouvoir la culture urbaine Tunisienne et en faciliter l’accès à un large public.

Elle s'engage pour défendre la culture urbaine  auprès des institutions culturelles, tant ses apports et ses influences sont importantes pour la réalité artistique et sociale contemporaine.

Producteur d’événements et promoteur d’initiatives culturelles en Tunisie, Art Solution a toujours le souci de proposer une offre artistique exigeante et adaptée. Soutenir ce mouvement populaire très attractif auprès des jeunes consiste aussi à accompagner les dynamiques territoriales adjacentes. Notre préoccupation reste d’engager des procédures de médiation à travers les compétences d’ingénierie sociale et culturelle.

Depuis sa création en Mai 2011 Art Solution s’est lancée dans un projet de revalorisation de la culture hip hop à travers la Tunisie grâce à des workshops sur tout le territoire ainsi qu'un festival International annuel permettant de promouvoir les artistes locaux, faire émerger les nouveaux talents et mettre en avant les différentes disciplines du hip hop. La Tunisie a en effet grand besoin d'un investissement des pouvoirs publics et d'une mise en avant du hip hop sous toutes ses formes.

Art Solution est en mesure de s’engager sur plusieurs champs de l’intervention sociale et culturelle. Ce que fait concrètement Art Solution :

Concevoir, produire et conduire des manifestations culturelles au niveau local et national, développer des actions autour des pratiques artistiques du Hip Hop, détecter et promouvoir les jeunes talents de notre scène urbaine Tunisienne, mettre en place des modules favorisant des processus de redynamisation personnelle des jeunes artistes en difficulté d’insertion professionnelle, s’engager dans la structuration du réseau Hip Hop à Tunis et au niveau national.

Les ressources proviennent des cotisations et aides de ses adhérents, de subventions de collectivités locales et régionales, fondations, institutions européenne. Elles sont consacrées à la réalisation de projets préalablement définis avec les partenaires tunisiens et étrangers.

- L'instant M : Depuis quand Art Solution existe-t-il et pourquoi avez-vous choisi de le nommer ainsi? Comment vous est venue l'idée et l'envie de le fonder ? Quel bilan pouvez-vous aujourd’hui dresser de son évolution ? Êtes-vous plutôt optimiste ?

A.S. : Art Solution, le nom a été choisi étant donné qu’à l’époque où est née notre association, l’art urbain se trouvait marginalisé et non reconnu. C’était donc la solution pour structurer, défendre et promouvoir l’art urbain en Tunisie.

Chouaib BRICK étant un break-danseur  « B-boy »  appartenant à une Crew Tunisien reconnue à l’échelle internationale « Upper Underground », il a participé à plusieurs battles de Breakdance en Europe et ailleurs et c’est donc ce questionnement : pourquoi nous pouvons nous pas organiser des qualifications de ces événements chez nous, pourquoi ne pas organiser nos propres événements étant donné le potentiel que nous avons en Tunisie ? Pourquoi ne pas faire en sorte que notre scène urbaine soit à son tour reconnue à l’échelle nationale et pourquoi pas internationale ?

C’est ainsi que ce questionnement, cette pensée, cette idée a pris forme, celle de l’association Art Solution.

Nous sommes arrivés à faire d’un rêve une réalité, nous avons évolué au fil des années, nous nous sommes battus pour défendre une cause à laquelle nous croyons malgré tous les obstacles, malgré les défis. 

Il est vrai que l’on a encore du chemin à faire mais à voir ce qui a été accompli, ce qui pourrait être réalisé, la foi est là, la passion, l’espoir aussi. Nous ferons de notre mieux pour aller de l’avant, pour un lendemain meilleur.  

- L'instant M : Nous avons vu défiler sur votre page Facebook des vidéos mettant en avant des danseurs de Hip Hop à l'œuvre dans les trains de la banlieue sud de Tunis. Quelle a été la réaction des passagers ? A-t-elle été encourageante, bienveillante ?

A.S. : On a eu droit à des regards curieux qui ne comprenaient pas ce que nous étions en train de faire, à des regards étonnés par notre «audace» ce qui est tout à fait légitime étant donné que ce genre d’événements ne se produit pas si fréquemment, les gens ne s’y attendent donc pas. Mais il a suffi d’être naturel d’être spontané, d’être respectueux  pour que tout se déroulé bien. On a même eu droit à des encouragements. Beaucoup nous en ont demandé davantage.- L'instant M : Qu'est-ce-qui vous passionne le plus dans la culture urbaine du Hip Hop ? (parlez-nous de certains de ses aspects: le rap (ou MCing), le DJing, le break dancing (ou b-boying), le graffiti, le beatboxing).

A.S. : Ce qui est incroyable dans le Hip Hop c'est que malgré les jugements qui lui sont portés, malgré les obstacles et la marginalisation, cette culture ne cesse d’évoluer, ne cesse de se faire une place et ce dans la quasi-totalité des sociétés et ce n’est autre que grâce aux principes fondamentaux de cette culture qui sont « PEACE LOVE UNITY & HAVING FUN ». C’est une culture de partage, de passage de relais, de passion et c’est ce qui la rend unique. Une culture native des quartiers et c’est principalement de ses quartiers qu’est fondée toute société.

La culture Hip Hop n’est pas cette image médiatique, ces labels de Gangs, de drogue et autres, la culture Hip Hop est un style de vie, c’est une école alternative, une grande famille ou toutes les disciplines sont complémentaires.

- L'instant M : Donnez-nous votre avis sur la place de la dance Hip Hop et de la culture urbaine au sein de la société tunisienne. Quelles sont les difficultés rencontrées ?

A.S. : La  culture Hip Hop a pendant très longtemps été marginalisée et non reconnue et par les structures et par les individus depuis son apparition en Tunisie et malgré les générations auxquelles elle a donné vie.

Un combat a donc été mené dans le but de défendre le Hip Hop en tant que culture qui elle aussi mérite sa place vu sa propagation au sein des communautés de jeunes, vu son apport et artistique et socioculturel. Au jour d’aujourd’hui nous considérons qu’une étape assez importante a été franchie même avec le manque de reconnaissance et de financement  qui lui sont dirigés.

- L'instant M : Quel est selon vous le plus que pourrait apporter cet art au sein de notre société tunisienne? Quelles sont les régions où cet art se pratiquerait le plus ? Parlez-nous de danseurs Hip Hop tunisiens que vous estimez talentueux et passionnés.

A.S. : Nous allons plutôt vous citer ce que cette culture a apporté à la société tunisienne. C’est une culture qui existe en Tunisie depuis 3 à 4 générations.

En Tunisie comme dans tous les pays où cette culture existe le Hip Hop est un moyen d’expression, c’est comme son nom l’indique « une culture » riche en disciplines artistiques, elle a donc et simplement donné l’occasion à des talents de voir le jour et de donner vie a des carrières  professionnelles.

En Tunisie, au fur et à mesure de sa propagation et parallèlement  sa structuration ne cesse de donner des chances à de jeunes talents enfouis un peu partout dans le territoire. Elle a enrichi les autres cultures en potentiels humains.

Il se trouve que cette culture, d’après notre expérience est principalement présente dans les régions suivantes : Sfax, Sidi Bouzid, Sousse, Tunis et  Bizerte.

Étant donné que nous organisons des compétitions de danse Hip Hop, ici la liste des personnes que nous considérons comme talentueuses, de jeunes artistes dont plusieurs qui sont d’une renommée internationale :

Bboy South Eagle (Sfax) , Bboy Ilyes Gharbi (Sidi Bouzid) Bboy Lotfi Ben Sliman (Le Kram) Bboy Hamza Ben Youssef (Mourouj) Bboy Carbon (Ben Arous)  Bboy David (Tunis) Bboy Nintendo (Tunis) Bboy Taz (Sousse)

- L'instant M : Quels sont actuellement vos projets ? Parlez-nous également de vos cours de Hip Hop. Ciblent-ils une tranche d’âge particulière ou peut-on faire du Hip Hop de sept à soixante-dix-sept ans? Est-ce que vous remarquez une forte demande concernant la participation à vos cours? Y-a-t-il autant de filles que de garçons ? Est-ce que les cours sont dirigés par des danseurs professionnels ou par des amateurs ?

A.S. : Nos projets actuels et ceux qui sont en cours sont comme suit :

Barreka Festival International pour son édition 2016 

Des projets Hip Hop en création dont "Rihet Lebled , une création qui réunit les élites en Bboying Nord Africains (Tunisie, Libye, Maroc, Algérie) dont l’avant première a eu lieu au Théâtre Le Mondial Tunis le mois d’août dernier et la première aura lieu à Sadlers Well Londres début février.

"Lamha" dont le Work In Progress a été présenté au Théâtre El Hamra Tunis le 23 Janvier 2016 et dont voici le synopsis :

« Est ce que mon corps est ma propriété ?»

C’est à partir de ce questionnement que notre projet a pris forme. LAMHA Comme le signifie le mot en arabe, est un aperçu, un avant-goût, un "work in progress". Une création chorégraphique HIP HOP qui s'émancipe de l'étiquette du spectaculaire et de la performance qui colle tant à la dance Hip Hop. C’est le passage vers l’expression d’une réalité, d’une opinion, comme un message transmis à travers une forme d’expression corporelle aussi alternative que théâtrale.

Lamha évoque un appel à la protection des libertés individuelles, à la tolérance, au respect de la diversité et des droits humains fondamentaux. C'est une critique puis une note d'espoir jouées par le biais de la création Hip Hop. La représentation sera suivie d'un débat autour des thématiques de la création Lamha ainsi que de l'évolution de la danse Hip Hop en Tunisie et ses besoins imminents.

Aussi sur les cours de Hip Hop qui sont donnés à Art Solution Hip Hop Dance Studio, qui a été monté pour deux objectifs principaux qui sont la création d’un lieu d’échange, de rencontre et de formation  aux jeunes danseurs Hip Hop. Aussi l’exposition de cette culture lui donnant la possibilité d’accueillir toutes les personnes jeunes ou adultes souhaitant partager cette passion Hip Hop qui est évidemment ouverte à tous.

Nous avons en ce moment pu accueillir des élèves de différentes tranches d’âge et ce, de huit à quarante ans et aussi surprenant que cela puisse paraitre nous avons plus de présence féminine que masculine dans les adhérents du studio.


Meriem Aïdoun

Paru le 15 Février