Mode / Beauté

Fast fashion: Faut-il penser profits ou conditions humaines?

Quand on fait une rétrospective de la mode ces dernières années, on constate un fait indéniable: - la mode évolue à un rythme effréné. Les enseignes enchainent les collections dans les boutiques ainsi qu'en ligne à un rythme ahurissant. On propose toujours plus de vêtements, plus vite et moins chers. Dans une société où la frénésie de la consommation a atteint un niveau alarmant, le shopping est devenu un passe-temps et plus personne n'achète par besoin. Certes, la mode est maintenant accessible à tous et chacun  peut être stylé même avec un petit budget, mais à quel prix pour l’humanité ?

                           

Naissance d'un phénomène, la fast fashion          

La Fast fashion, c'est la création de vêtements bon marché mais branchés, et  qui reprennent généralement les codes du catwalk ou les looks des fashionistas du moment. On les retrouve ainsi dans les grandes surfaces et les enseignes peu chères, où ils sont justement écoulés à une vitesse vertigineuse.

Il faut remonter dans le temps pour comprendre la naissance de ce phénomène. Dans le passé, la mode était lente. La création de vêtements, prenait du temps, que ce soit dans l’acquisition et le traitement des tissus ou dans la confection du vêtement en soi. Comme dans plusieurs autres domaines, la révolution industrielle de 1780 a profondément transformé le monde du vêtement grâce aux progrès techniques. On a assisté à l'introduction de nouvelles technologies - machine à coudre, fabrication mécanique de la dentelle ou encore colorants industriels…-  qui vont permettre la démocratisation du prêt à porter. Ainsi, la mode n'est plus réservée à la bourgeoisie mais devient accessible à toutes les classes sociales. C'est la naissance des ateliers de couture et du commerce de masse. Bien s'habiller devient une préoccupation importante de la société. Au fil des décennies, les vêtements deviennent de plus en plus une forme d'expression personnelle, mais la distinction entre la mode de rue et la grande couture persistera encore quelques temps.

Afin de répondre à la demande grandissante, beaucoup de main d'œuvre était nécessaire. On assiste donc à la création des premiers ateliers clandestins, et aux problèmes de sécurité et d'exploitation qu'on leur connait.

La mode à petit prix atteint son point culminant dans la décennie entre 1990  et 2000. Les marques comme Zara, Topshop ou encore H&M prennent le contrôle du marché et les ventes en ligne explosent. On reproduit à moindre coût le design des grandes maisons de couture, et on le fait rapidement. Le phénomène se répand comme une trainée de poudre, on comprend facilement pourquoi. Tout le monde peut avoir un look qui vaut le détour sans se ruiner, c'est la démocratisation ultime de la mode. Rapidement après leur parution sur les podiums, les dernières tendances sont mises à disposition du grand public dans les boutiques. Ce sont donc la promptitude et les prix trés attractifs qui séduisent les consommateurs.

Quels sont les impacts humains de la fast fashion?

On peut se questionner sur les conditions de travail liées à la production et  au commerce internationaux du textile et de l’habillement. Généralement, les vêtements de la fast fashion sont fabriqués à l'étranger, le moteur de la délocalisation tournant à  plein régime. Cela est également favorisé par des frais de transport relativement minimes.

Cette délocalisation trouve son origine dans le fossé entre les salaires que touchent les ouvriers dans les différents pays. La production se fait là ou la main d'œuvre coûte le moins cher. Le problème, est que ces ouvriers sont presque toujours exploités. Leur salaire n'atteint même pas le seuil minimum et ne leur permet pas d'avoir une vie décente. Les horaires et heures supplémentaires sont insoutenables. Ces ateliers de confection sont tristement connus pour le manque de sécurité sur les lieux de travail et l'insuffisance de conditions sanitaires. Les marques n'ont pas non plus à s'inquiéter de poursuites judiciaires concernant les droits des travailleurs ou leur liberté syndicale, puisqu'ils n'ont en pas.

Mais le plus choquant de toute évidence reste le travail des enfants. L'événement le plus traumatisant qui a marqué le début des remises en questions est le scandale de 2013,  avec l’effondrement du Rana Plaza à Dacca, la capitale du Bangladesh, faisant près de 1200 morts parmi les travailleurs du textile. Depuis, les consommateurs s'indigent et se questionnent. En découvrant les rouages de la production du textile qu'on on a levé le voile sur l'étendue des dégâts.

Des associations essayent depuis de dévoiler la réalité de cette industrie. Le collectif Fashion Revolution a été un des pionniers de ce mouvement avec sa campagne " Who made my clothes?", dont l'impact de la dernière édition de 2017 a été conséquent, vu que deux millions de consommateurs ont pris en photo les étiquettes de leur vêtements sur les réseaux sociaux et ont questionné les marques sur leurs origines. Les enseignes ont donc été obligées de jouer le jeu de la transparence pour ne pas perdre de parts de marché.

Des conséquences alarmantes sur l'environnement

L'impact de la fast fashion sur l'environnement est également très préoccupant. L'insistance des marques pour réduire au maximum les coûts et optimiser le temps de production ne pouvait se faire qu'au détriment de l'écologie. Evidemment, les différences entre les législations nationales sur l’environnement incitent certaines entreprises à choisir des sites de production où la réglementation est moins stricte.

Par exemple, la production de fibres synthétiques qui se fait à base de pétrole, de gaz naturel et de charbon est particulièrement énergivore et très polluante. A cela s'ajoutent les solvants qui interviennent dans leur fabrication et qui s'avèrent nuisibles pour la santé. Malheureusement, même l'utilisation de fibres naturelles et renouvelables comme le coton pose problème, car les engrais, les pesticides et les machines agricoles nécessaires à sa production intensive utilisent des énergies non renouvelables. Ces cultures nécessitent généralement une irrigation intensive qui risque, à long terme, d’épuiser les réserves hydrologiques et de ce fait, détruire des écosystèmes entiers. Exemple frappant : l’assèchement de la mer d’Aral, en ex-Union soviétique, est la conséquence directe de la monoculture du coton.

L'utilisation en masse de pesticides constitue également une grave menace pour les hommes et pour l’environnement. Ces produits toxiques polluent le sol, l’eau et l’air, déciment les insectes utiles, et finissent par se retrouver dans la chaîne alimentaire. Ils s’attaquent également à la santé des hommes et des femmes qui travaillent dans les champs. Selon l’OMS, chaque année trois millions de personnes souffrent d’une intoxication due aux pesticides. La mode est la deuxième industrie la plus polluante d’eau propre au monde après l’agriculture. Il ne faut pas oublier non plus pas les atteintes à l’environnement causées par les incessantes allées et venues des textiles. Face à un tel constat, Greenpeace a fait pression sur les marques pour qu’elles éliminent les produits chimiques dangereux par le biais de sa campagne "Detox The Catwalk".

Quelles sont les solutions?

C'est l'ensemble du système qui doit être changé. La transparence des marques doit devenir obligatoire à tous les niveaux de production, évitant ainsi de bafouer le droit des travailleurs et de l'environnement.

 Pour ne plus être aussi néfaste, la fast fashion se doit d’être plus green. Il faut par exemple investir dans le recyclage et les vêtements écologiques. Les tissus moins polluants à produire comme le lin, le coton ou encore le dénim doivent être favorisés. A ce propos, de plus en plus de détaillants font preuve d'initiative, comme développer une mode durable et éthique, avec des programmes de recyclage en magasin.  Cependant, les marques qui tentent de mettre en place ce système ne sont pas encore assez nombreuses pour lutter contre la culture du "rapide et jetable". Un autre élément clé dans le changement de cette industrie est la prise de conscience du consommateur. Cette robe branchée mais peu chère vaut-elle vraiment la peine d’être achetée pour briller sur Instagram quand on voit les conditions de sa fabrication ?

Comme souligné précédemment,  les grandes enseignes sont pointées du doigt, les associations enchainent les mouvements contestataires, l'indignation gronde. Fort heureusement, les millénials, moteur de l'économie future, semblent de moins en moins adhérer à l'engouement de la fast fashion. La nouvelle génération boycotte le consumérisme irréfléchi et préfère opter pour une consommation mode plus occasionnelle, plus juste, même si forcément plus chère. Pour conclure, on reprendra les sages paroles de la créatrice  Vivienne Westwood qui a :  "Achetez moins, choisissez bien, faites durer."

C.C