Event/news

Exposition les fusains du maestro en hommage à Franco Zeffirelli à la cinémathèque de Tunis

À partir du 20 septembre 2023 à la Cinémathèque Tunisienne 

Organisée par la Cinémathèque Tunisienne, à partir de documents ayant pour origine le fonds légué par la famille de Kalthoum Bornaz, cette exposition donne à voir des travaux singuliers de Franco Zeffirelli (1923-2019) tout en célébrant le centenaire de la naissance de ce cinéaste italien. Il s'agit d'esquisses ayant pour rôle d'harmoniser le plan de travail des différents assistants du réalisateur lors du tournage en Tunisie, de son œuvre "Jésus de Nazareth", un film réalisé en 1977 et initialement diffusé en quatre épisodes à la télévision italienne.

Zeffirelli distribuait ces représentations virtuelles des plateaux de tournage afin que l'ensemble de son équipe soit au diapason de ses attentes. Ces fusains sont entrés dans le patrimoine de la Cinémathèque Tunisienne avec le fonds Kalthoum Bornaz. Lorsque la famille de la regrettée réalisatrice avait fait don à la Cinémathèque Tunisienne, des archives de Kalthoum Bornaz et de plusieurs autres documents, une copie de ces esquisses de Zeffirelli se trouvait dans l'ensemble transmis à la Cinémathèque.

Cette copie de travail était celle de Kalthoum Bornaz qui l'avait reçue en sa qualité d'assistante sur le film "Jésus de Nazareth". De son vivant, la réalisatrice tunisienne avait précieusement conservé ce document qui, transmis à la Cinémathèque Tunisienne, est désormais à la disposition des cinéphiles et du public. Ainsi, cette exposition vient à la fois valoriser le fonds de la Cinémathèque et révéler des travaux originaux dont la teneur ne manquera pas d'interpeller les professionnels du cinéma, les étudiants dans ce domaine et ceux tournés vers des disciplines comme l'Architecture et les Beaux-arts. In fine, cette exposition offre un exemple éloquent de la mise en cohérence d'archives avec un cycle de projections de films. De même, ces archives retrouvées et exposées soulignent le potentiel qu'induit une politique méthodique de collecte et de valorisation des documents épars, compris dans des collections personnelles, sur la mission globale de la Cinémathèque Tunisienne.

L'intérêt de ces planches est multiple. On peut en effet se plonger dans ces œuvres impromptues de diverses manières. Le caractère pratique de ces esquisses en fait aussi bien des planches de décor que des feuilles de service voire une manière de story board mis à la disposition de l'équipe de tournage.

On y décèle la précision graphique du maestro Zeffirelli, sa calligraphie toute en déliés ainsi qu'un admirable jeu de l'ombre et de la pierre. La grande rigueur et les exigences du réalisateur sautent aux yeux et s'avèrent une authentique leçon de cinéma. Entre exactitude du détail et ampleur graphique, ces esquisses évoquent le processus créatif chez Zeffirelli et induisent que le produit final - autrement dit le film - sera une restitution des plans du réalisateur.

Bien sûr, il est possible de regarder ces esquisses comme des œuvres autonomes, avec leurs évidentes qualités plastiques. Perspectives fuyantes, profondeur de champ, équilibres d'ensemble et présence des personnages : tout confère à ces dessins, la dimension esthétique de tableaux et parfois de bandes dessinées. En voyant ces esquisses, il vient à l'esprit, une boutade : celle d'un critique italien qui avait qualifié Zeffirelli de "descendant de Léonard de Vinci". Il revient aussi à la mémoire que le maestro italien avait suivi des études d'architecture puis, à ses débuts, travaillé comme décorateur. Limpides, aériens, exécutés avec justesse et netteté, ces tracés vont déterminer les reconstitutions à venir et sont un préalable à la mise en scène, un décor en puissance né à la confluence de la documentation et de l'imaginaire du cinéaste.

Cette exposition offre un contrepoint idéal à la programmation cinématographique du cycle Zeffirelli. Elle prolonge en effet les films au programme avec une série de croquis qui sont autant de portes ouvertes sur l'imaginaire d'un cinéaste rigoureux dont les reconstitutions historiques obéissent à la précision d'un ciseleur de l'image filmique.

Ce story-board est enfin une manière singulière de revisiter le film "Jésus de Nazareth" tourné en Tunisie en 1975, une œuvre dans laquelle Franco Zeffirelli relate les grandes étapes de la vie du Christ, de manière très sobre et avec des images qui imprègnent les mémoires. Avec leur caractère brut, le bleuté qui renvoie aux plans d'architectes, leur agencement qui conjugue les mentions des personnages et le contexte de chaque séquence, ces documents sont d'autant plus précieux qu'ils nous renseignent sur le modus operandi du réalisateur et sa capacité à projeter des paysages mentaux d'une précision inouïe dans une image cinématographique qui devra rester fidèle à sa vision artistique.

Dans le village de Nazareth, aux portes de Jérusalem ou au Tribunal de Ponce Pilate, chaque planche est un condensé qui renseigne tous les techniciens impliqués dans le tournage. Ces esquisses se succèdent et sont rigoureusement numérotées et indexées les unes aux autres. Plateau virtuel, elles précèdent la mise en scène et décryptent chaque plan y compris par des didascalies qui, complétant les dessins, permettent de saisir en un seul regard, l'intention du réalisateur.

De l'enfance de Jésus à l'ultime scène, du Temple de Jérusalem au palais d'Auguste, chaque planche fourmille de détails techniques et consigne la démarche à suivre au moment du tournage. Ce sont de véritables prolégomènes qui ont valeur de bréviaire et de référent pour les assistants de Zeffirelli, premiers destinataires de ces croquis.

Aujourd'hui, le public peut à son tour s'approprier ces œuvres censées être utilisées pendant la durée éphémère d'un tournage. La patine d'un demi-siècle érode et sublime dans un même mouvement ce qui peut aujourd'hui s'apparenter à un "making of" à rebours. Éminemment artistiques, ces œuvres deviennent ainsi des témoins incontournables et aussi, à l'image de tesselles ou de fragments qui seront ultérieurement assemblés par le réalisateur.

C'est enfin un Zeffirelli intime, aux prises avec le processus créatif, dans les secrets de son atelier, que ces planches nous font découvrir. À la fois esquisse rêvée et partition silencieuse, schéma initial et échafaudage sur le chemin de la création, ces œuvres sont aussi le filigrane invisible de "Jésus de Nazareth", la trame secrète d'un film dans les méandres de sa genèse.