Musique

Gottayti: Harmonie dans la cacophonie des genres

La troupe de Raoudha Abdallah ouvre les festivités des JMC avec son spectacle inédit intitulé « Gottayti », signifiant une tresse de cheveux.

Dès le départ, le symbolisme du titre renvoie à un certain sens de nostalgie qui caractérise la musique de Raoudha Abdallah.

En effet, elle oppose aux sonorités jazzy des mélodies issues du folklore tunisien.

La musique combine avec brio influences orientales et occidentales, ce qui donne au final un son éclectique, original et manifestement fidèle à l’image du tunisien, ce citoyen du monde dont l’identité est hybride, multiculturelle et surtout malléable.

Raoudha Abdallah entame la soirée de suite avec son titre « Eli Fét». Ici, point besoin de parole pour saluer son public. Quoi de plus convenable qu’un salut en musique.

D’emblée, le clash de style et d’influences est audible.La voix de Raoudha Abdallah oscille entre le murmure amplifié et le chant puissant et imposant. Aux contretemps de la batterie s’associent les mélodies de l’oud, saupoudré d’un ingénieux jeu de piano auquel répond une chorale non intrusive, le tout sur un fond d’accords de guitare jazzy, de sons de guitare basse gutturaux mais mélodieux et d’un jeu de flûte décidément tunisien.  

Gottayti n’est pas un simple concert musical. C’est toute une œuvre aussi bien auditive que visuelle. 

On peut très bien se limiter à écouter la musique à la télé mais cela serait causer grand tort non seulement à l’artiste mais aussi à nous en tant que spectateur. Associé à la musique, on apprécie également la diffusion de divers plans psychédéliques sur un projecteur prévu à cet effet. L’effet est instantané : chaque motif s’harmonise naturellement avec les notes musicales qu’on perçoit et le plaisir n’en est que doublé.

A un certain moment, la silhouette de deux danseurs, d’un design résolument minimaliste, est projetée sur l’écran, reflétant deux danseurs en chair et en os, homme et femme, se déhanchant sur scène selon un rythme qui leur est propre. 

L’homme se lance dans une chorégraphie endiablée, frénétique.On ne peut parler de pantin désarticulé mais plutôt d’une figure qui puise son rythme dans la musique. En face se trouve une femme qui dresse un contraste saisissant. Elle oppose à la frénésie de son homologue un rythme plus calme où se mêlent ondulation gracieuse et déhanchement discret. Entre les deux, une scène se joue avec la musique en arrière-plan. A un certain moment, on se dit que Gottayti est une pièce de théâtre grecque, sauf que l’on ne chante pas les louanges des dieux mais qu’on célèbre un temps révolu mais ô combien cher à nos cœurs.

Le public est, par ailleurs, incapable de rester indifférent à ce spectacle qui heurte doucement les sens. On distingue une multitude de sourires. Ceux qui sont également artistes dans l’âme laissent échapper des hochements de tête approbateurs. On voit certains qui tapent du pied, certains qui sont debout, certains qui sont en transe. Qui qu’ils soient, tout le monde a les yeux rivés sur cette troupe, buvant les paroles de Raoudha Abdallah et se laissant emporter par le flot de notes de sa musique. Il ne faut pas oublier que Gottayti ravive la nostalgie de l’enfance, et cela, personne ne peut y rester indifférent. La musique est un langage universel comme y atteste Esckil Agbo, un confrère journaliste béninois qui s’est laissé happer par l’œuvre :

«Je voudrais commencer par dire que je ne comprends pas l’arabe. Ce qui veut dire que le message de l’artiste m’est incompréhensible. Par contre, tout contribue à me faire imaginer des scènes. Le fait que la musique soit digeste, qu’il n’y ait pas de bruit malgré l’abondance d’instruments et d’influences musicales, le fait que tous les musiciens soient au point, tout ceci contribue à ce que la musique me touche personnellement. »  

Au final, c’est cela la musique. C’est l’unique canal de communication universel et auquel tout le monde peut avoir accès sans formation particulière. Au final, c’est cela les JMC, cet échange culturel qui est en mesure d’impliquer tout le monde sans discrimination, du moment qu’on daigne se présenter.

L’instant M vous encourage donc vivement à assister au reste du festival qui se tiendra jusqu’au samedi 15 avril et ne rien rater de plus.

                                                                                                          Med Amine Sehli