La coopération tuniso-japonaise franchit un nouveau cap avec le lancement officiel d’un projet novateur à Béja, au nord-ouest de la Tunisie. Ce programme, fruit du Mécanisme Conjoint d’échange de Crédits carbone (JCM), vise à transformer le site de décharge local en y introduisant une technologie japonaise de pointe : la méthode Fukuoka, encore inédite en Tunisie.
Une méthode japonaise éprouvée depuis les années 1970
Développée à partir de 1975 dans la ville de Fukuoka, la méthode Fukuoka repose sur le concept de décharge semi-aérobie. Contrairement aux décharges traditionnelles, qui favorisent une fermentation anaérobie (sans oxygène) produisant d’importantes quantités de méthane – un puissant gaz à effet de serre – cette technique introduit de l’air dans les couches inférieures de la décharge. Cette ventilation naturelle active un processus de décomposition plus rapide, plus propre et plus stable des déchets organiques.
Concrètement, la méthode repose sur un réseau de tuyaux perforés et de canaux de drainage placés à la base de la décharge. Ces installations permettent une circulation de l’air constante, sans consommation énergétique additionnelle. L’air favorise l’activité bactérienne aérobie, ce qui accélère la dégradation des déchets et diminue significativement la production de lixiviats toxiques et de gaz nocifs. Résultat : un impact environnemental réduit et une gestion plus durable des déchets urbains.
Un site pilote de 3 400 m² à Béja
Le projet pilote à Béja concerne une surface d’environ 3 400 m². Il s’inscrit comme la première initiative tunisienne à adopter cette méthode dans le cadre de la coopération bilatérale avec le Japon via le JCM. À cette fin, des ingénieurs tunisiens de l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED) suivent actuellement une formation intensive à Fukuoka, afin de maîtriser cette technologie et d’en assurer la mise en œuvre sur le terrain.
Un partenariat exemplaire pour l’environnement
Ce projet s’inscrit dans un cadre plus large de coopération environnementale entre la Tunisie et le Japon, amorcée lors de la TICAD 8 tenue à Tunis en 2022. Selon l’ambassadeur du Japon en Tunisie, Osuga Takeshi, cette initiative « témoigne de la volonté du gouvernement japonais de soutenir la Tunisie à mettre en œuvre des solutions durables pour la gestion des déchets, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique et à la transition vers une économie verte ».
Le programme de Béja s’ajoute à une série d’actions conjointes déjà engagées dans le pays : micro-cogénération à la décharge d’Oued Laya à Sousse, valorisation des déchets organiques à Djerba en partenariat avec le PNUD, et projets solaires à Sidi Bouzid et Tozeur. Tous sont soutenus par le JCM, outil clé du Japon pour diffuser ses technologies de décarbonation et contribuer aux objectifs de l’Accord de Paris.
Une perspective d’avenir pour la Tunisie
À l’heure où la Tunisie fait face à une pression croissante sur ses ressources naturelles et à des défis environnementaux majeurs, cette expérimentation à Béja pourrait ouvrir la voie à un déploiement plus large de la méthode Fukuoka dans d’autres régions du pays. Elle illustre également le potentiel d’une coopération technologique internationale au service d’un développement durable local.
L’intégration de ce savoir-faire japonais, conjuguée à une expertise tunisienne en pleine montée en compétence, représente un exemple prometteur de transition écologique par l’innovation.