L’Australie a pris les devants en imposant un âge minimum pour les réseaux sociaux. La loi « Online Safety Amendment (Social Media Minimum Age) Bill 2024 », entrée en vigueur le 10 décembre 2025, oblige TikTok, Instagram, Facebook, Snapchat, X, etc., à empêcher la création de comptes par les moins de 16 ans, sous peine d’amendes pouvant atteindre 49,5 millions de dollars australiens. Le gouvernement australien présente cette mesure comme une « reprise de contrôle » et un moyen de préserver le droit des enfants à « être des enfants ». En pratique, un projet pilote de vérification d’âge tourne depuis janvier 2025, avant le déploiement complet de l’interdiction en décembre.
Plusieurs observateurs soulignent cependant que ce cadre strict pourrait être contourné : VPN, comptes « parents », ou basculement vers des plateformes moins surveillées comme Discord ou Telegram sont déjà connus chez les adolescents tech-savvy. Les créateurs de contenus et certains experts redoutent ainsi que l’interdiction officielle ne déplace simplement les usages vers des canaux privés où la modération est quasi inexistante.

Europe et France : vers un encadrement renforcé
En Europe, le Parlement européen a voté en novembre 2025 une résolution non contraignante appelant à un âge minimum de 16 ans, avec 13 ans comme seuil légal absolu. Cela répond aux recommandations d’ONG et d’experts, mais n’a pas encore valeur de loi. Dans l’UE, les réseaux sociaux exigent déjà 13 ans, mais les études montrent que de nombreux enfants de 10-12 ans contournent cette limite.
En France, depuis la loi du 24 août 2023, les plateformes doivent obtenir un accord parental pour les moins de 15 ans, mais faute de systèmes fiables, l’application reste limitée. Un rapport remis à Macron en avril 2024 proposait d’aller plus loin (pas de portable < 11 ans, pas de smartphone connecté < 13 ans), mais ces recommandations n’ont pas encore été traduites en loi. Le Royaume-Uni a renforcé les contrôles et la vérification d’âge via l’Online Safety Act (en vigueur depuis 2025), sans fixer de nouvel âge plancher.
La France mise aussi sur la sensibilisation en milieu scolaire, des campagnes d’information et des outils renforcés via l’Arcom. Beaucoup rappellent que la réglementation doit s’accompagner d’un travail éducatif durable.

Effets sur la santé mentale et l’attention
Une analyse de l’AP-HP estime que l’usage intensif des réseaux sociaux a contribué à 590 000 cas supplémentaires de dépression chez les jeunes. La prévalence est passée de 2 % en 2014 à 9 % en 2021, parallèlement à une hausse du temps passé en ligne (2h12/j en moyenne). Les chercheurs évoquent aussi plusieurs centaines de suicides et un coût sanitaire de plusieurs milliards d’euros.
Une étude internationale menée par Karolinska/Oregon Health, publiée en décembre 2025 dans Pediatrics Open Science, a suivi 8 324 enfants (9-10 ans) pendant quatre ans. Elle établit un lien direct entre le temps passé sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Snapchat, Messenger) et l’apparition de symptômes d’inattention. Aucun effet similaire n’a été observé pour la télévision ou les jeux vidéo. Les auteurs soulignent le rôle des notifications, flux infinis et formats ultra-courts dans la fragmentation de l’attention.
Les experts confirment également des impacts sur le sommeil, la régulation émotionnelle, l’anxiété et les addictions comportementales.

Éducation et prévention
Face à ces constats, l’éducation au numérique apparaît essentielle. Écoles, familles et associations multiplient les actions : ateliers, supports pédagogiques, campagnes (« Non au harcèlement », « Je protège ma vie privée »), apprentissage de l’esprit critique et repérage des risques (harcèlement, fausses informations, radicalisation).
En Tunisie, lors du premier Forum national sur la protection des enfants en ligne (octobre 2025), les autorités ont rappelé que la cybersécurité des mineurs est une priorité absolue. Le ministère des TIC et les intervenants ont insisté sur l’importance de discuter régulièrement avec les enfants et de former parents et enseignants.

Outils techniques et contrôles parentaux
Les plateformes déploient des outils de plus en plus avancés :
TikTok : limite automatique de 60 min/j pour les moins de 18 ans + mode Family Pairing pour ajuster les horaires et consulter les statistiques d’usage.
Instagram, Snapchat, YouTube : limites de temps, filtres, dashboards, comptes privés par défaut.
iOS/Android : filtres Web, quotas d’utilisation, blocage d’applications.
En Tunisie, l’application Kidcare (2024), considérée comme la première solution locale de contrôle parental, propose gestion du temps d’écran, plages de blocage, géolocalisation, historique, filtrage YouTube et web.

Tunisie : pratiques massives, régulation encore limitée
En 2025, 58,9 % des Tunisiens (7,25 M de personnes) utilisent les réseaux sociaux. Facebook domine (7,3 M d’inscrits), suivi de TikTok (5,6 M) et Instagram (3,5 M). Chez les jeunes, on observe un basculement vers Instagram, TikTok et Snapchat, tandis que YouTube reste très populaire.
La Tunisie ne fixe aucun âge minimum légal pour l’inscription sur les plateformes. En septembre 2025, le député Tarak Mahdi a alerté le Parlement sur les contournements de l’âge minimum et a appelé à une régulation plus stricte, en coopération avec le ministère des TIC. En attendant, les autorités privilégient la sensibilisation des parents et des enseignants.
En synthèse, du niveau mondial au niveau tunisien, le constat est le même : les réseaux sociaux sont omniprésents chez les adolescents et suscitent des inquiétudes quant à leur bien-être et leur concentration. Si l’Australie a opté pour la voie répressive, l’Europe et la Tunisie misent davantage sur l’éducation, la prévention et des garde-fous techniques. Tous s’accordent néanmoins sur une chose : il faudra sans doute combiner ces approches pour protéger efficacement les jeunes générations.
