Zoom sur un événement

Waterlight graffiti

Waterlight graffiti, l'installation interactive d'Antonin Fourneau

Samedi 23 janvier 2016, après une pause déjeuner sur l'avenue Habib Bourguiba, nous prenons la direction de l'Institut Français de Tunisie, sur l'avenue de Paris au centre-ville de Tunis. 

Nous pressons le pas, car nous ne sommes pas très en avance pour assister au vernissage de l'installation interactive d'Antonin Fourneau intitulée "Waterlight Gaffiti".


                                                                                                                                                                             @Waterlight Gaffiti

C'est finalement pile à l'heure que nous arrivons essoufflés et enthousiasmés à l'idée de découvrir enfin cette installation ayant déjà fait le tour du monde et exposée à Tunis pour la toute première fois.

Nous découvrons une salle comble, un public âgé de 7 à 77 ans curieux de découvrir cette fameuse toile composée d'une multitude de LEDs qui s'illuminent lorsque leur surface est en contact avec de l'eau. 


C'est une expérience magique qui a su séduire le public, surtout que l'artiste graffeur prisé, The Inkman, avait donné le coup d'envoi en dessinant une calligraphie grâce à une éponge humide. Le temps de quelques minutes  nous avons eu le privilège d'admirer une œuvre éphémère dessinée par l'artiste graffeur tunisien The Inkman (l'artiste Mohamed Kilani Tbib, né en 1990 à Tunis, a exprimé son art un peu partout à l'étranger, du Moyen-Orient à l'Europe en passant par Djerbahood, cette fameuse manifestation autour du street art (village d'Erriadh, 2014). 

Tous les ingrédients étaient là pour rendre ce moment mémorable. L'installation était absolument captivante et la musique du Dj set de Khalil accompagnait avec justesse le rythme effréné de l'artiste. Le public ne pouvait alors qu'être entraîné dans la magie du moment .

Une fois le show d'Inkman terminé, ce fut au tour du public d'interagir sur le mur de LEDs. C'est alors que jeunes -et moins jeunes- artistes en herbe  se mirent à s'essayer au dessin ou à l'écriture grâce aux outils mis à leur disposition (pinceau, éponge ou brumisateur). 

Quelques minutes plus tard, nous allons à la rencontre de l'artiste Antonin Fourneau dans la cour verdoyante de l'Institut Français, au milieu du brouhaha des spectateurs. Curieux de savoir comment l'œuvre Waterlight Graffiti était née, nous lui posons quelques questions.

Antonin nous confie que cette idée lui était venue suite à différents événements rencontrés durant son parcours universitaire. En effet, c'est durant ses études en interactivité aux Arts Décoratifs de Paris, lors d'un repas "sushis", que tout avait commencé.

Il relia les sushis (conducteur) à des baguettes métalliques coréennes pour créer de la musique. Une idée de génie, qui faisait des convives, le temps d'un repas, de véritables virtuoses sortis tout droit d'un orchestre symphonique. Il cite "A chaque moment que les invités mangeaient les sushis, ils créaient une partition de musique sans même le savoir et dès qu'ils s'arrêtaient pour trinquer, la musique s'arrêtait de jouer". 

Puis, trois années plus tard, Antonin entamait un projet un peu plus particulier à ses yeux suite à la lecture d'un livre qui l'avait incontestablement touché : La forteresse vide, l'autisme infantile et la naissance de soi par Bruno Bettelheim. 

Cet ouvrage évoque le cas de trois enfants autistes dont 'Joé', qui a besoin d'électricité pour communiquer avec les gens. Joé s'invente alors tout un monde où il aurait besoin d'être connecté à des gens pour pouvoir parler et s'exprimer.

Cette histoire a su toucher la sensibilité de l'artiste. Dès lors, il décide de trouver une solution pour que le souhait de Joé puisse un jour s'exaucer. Il cite " Je me suis imaginé une prothèse pour Joé et j'ai donc fait une mâchoire avec des LEDs qui permettait d'allumer les dents au contact de la salive".

(La prothèse était exposée dans la vitrine de la galerie).

Antonin découvre qu'il utilise toujours le contact avec l'eau pour interagir.


                                                                                                                                                                                           @Waterlight Gaffiti

Mais c'est en 2012 en Chine, lors d'un workshop à l'école de Design à Pékin, autour de l'idée de mélanger la nature à l'électronique qu'il a une révélation aboutissant au Waterlight Graffiti. 

En effet, c'était lors d'une pause déjeuner dans un parc à Pékin, qu'il aperçoit un homme pratiquant le "Dishu" (c'est la pratique du dessin au sol en Chine, il s'agit de calligraphie éphémère en utilisant l’eau comme encre). Ce curieux personnage interpelle son imagination débordante. Il nous raconte : "c'est là où j'ai percuté ! avec tous ces panneaux d'affichage publicitaire, je me suis dit : tiens ! Et si je faisait une espèce de panneau à peindre la lumière à l'eau ? C'est là où ça a fait "tilt" !"

Sous l'effervescence de cette idée de génie, Antonin s'empresse de créer tant bien que mal un petit prototype de format A5 permettant à son idée de prendre forme. Il avoue : "J'avais fait un tout petit prototype, j'avais pas les moyens logistiques de faire un grand format".

Et là, coup de chance ! C'est avec la ville de Poitiers en France (avec qui il avait travaillé auparavant) qu'il trouve de l'aide à la réalisation de son projet. 

Ils contactent donc Antonin en lui demandant si il n'avait pas un projet "lumière",  étant à l'époque sur un événement autour de ce thème. Antonin Fourneau leur montre alors son petit format du "bébé" Waterligh Graffiti, et c'est là qu'ils découvrent un projet lumière pour le moins lumineux.

Complètement abasourdie par ce concept ingénieux, la ville l'aide à mettre en place le grand format. 

Aujourd'hui, la toile a déjà fait le tour du monde est s'est posée dernièrement à Tunis à l'Institut français de Tunisie avec tout un programme culturel autour de cet événement. En effet, Antonin s'est rendu à l’École des Beaux Arts de Tunis où il y a donné une conférence. Puis, ça a été au tour des étudiants de cette école d'intervenir sur Waterligh Graffiti. De plus, Imed Jemaiel, artiste visuel et enseignant à l'Institut Supérieur de Beaux-art de Tunis a lui aussi intervenu le 30 janvier dernier sur ce projet au sein de l'Institut Français. 

Antonin Fourneau cite "J'ai fait la toile, je crée l'environnement, mais ce n'est pas à moi de la remplir, c'est au public d'interagir avec" car avant tout, Antonin travaille sur l'interaction du public, sur la notion du partage et c'est grâce à son ingéniosité qu'il marquera les esprits...


Meriem Aidoun