Coup de cœur

Le Journal de La Médina, ou comment voir la Médina autrement

Composée de six bénévoles, c'est avec beaucoup d'amour, d'énergie positive et de passion pour la Médina de Tunis que l'équipe du Journal arpente les ruelles de la Médina, allant à la rencontre des gens pratiquant la vieille ville pour nous raconter ce que les murs gardent en silence. 

Interpellée par ce charmant journal que j'avais découvert en janvier dernier à La Maison de l'Image à Mutuelleville, que je décide d'aller découvrir de plus près ses fondateurs et en savoir plus sur eux. 

C'est donc par une journée ensoleillée du mois de mai que je vais à la rencontre de Yosr Hizem, membre de l'équipe à qui j'avais donné rendez-vous devant la Casbah. 

Habitant loin de la Médina, c'est toujours avec beaucoup de plaisir que je retrouve ses portes, ses murs et ses bougainvilliers aux couleurs chatoyantes. 

Elle et moi marchons dans les ruelles de la Médina, en direction d'une annexe de l'hôtel 'Dar Ben Gacem' où nous attend le reste de l'équipe. 

Il est 11h et nous arrivons devant l'annexe à rue de Pacha.  Nous montons quelques petites marches et c'est à l'étage que je découvre l'équipe avec qui je fais enfin connaissance (Leila Ben Gacem, la partner project manquait malheureusement à l'appel). 

C'est un accueil chaleureux qui m'est offert. Raoul Cyril Humpert (project manager), Zeineb Mediouni (editorial manager) Mohamed Maaroufi et Yosr Hizem m'installent autour d'une table et me racontent leur histoire, simplement.

Après avoir été moi même interviewée par L'instant M  - le temps de quelques secondes, je ne savais plus si c'était moi qui allais écrire sur le Journal de La Médina ou si ça allait être eux qui allaient le faire pour L'instant M . 

@Med Amin Chouikh

Après quelques éclats de rire, je reprends les rennes, et c'est toute ouïe que j'écoute Raoul qui prend la parole en premier. 

Il y a quelques temps, alors qu'il travaillait avec l'Association de la Sauvegarde de la Médina (L'ASM), Raoul avait entendu dire par le directeur de l'ASM, M. Zoubeïr Mouhli une phrase qui l'avait marqué : « Il n'y a pas de choses à la Médina faites par les gens de la Médina et destinées aux gens de la Médina ». Il avait longtemps ruminé cette idée, car il la trouvait très juste et vraie. 

C'est donc après cette épiphanie que Raoul décide de concrétiser cette idée de génie. Au début de l'année 2015, à l'issue d'un brainstorming avec un collectif d'architectes et quelques amis, il est décidé de faire un livre qui raconte des histoires sur les gens de la Médina de Tunis. Puis, c'est après maintes réflexions sur cette idée de départ qu'ils aboutissent à faire un journal, dont le but principal serait l'esprit collaboratif et participatif. 

Suite à cette décision, ils rédigent et envoient plusieurs candidatures pour trouver un financement afin de mener à bien ce projet de journal papier.

Si c'est en mai 2015 que l'approbation a lieu, il faudra attendre septembre 2015 pour que le travail sur terrain à la Médina démarre réellement.

Raoul raconte qu'il y a eu même un workshop où avaient été invités des experts venus d’Égypte, d'Italie, d'Allemagne... « Nous avons ainsi développé de manière plus détaillée le concept de ce journal », dit-il.

En somme, Le Journal de La Médina s'appuie essentiellement sur la notion de proximité. Son but est de se rapprocher le plus possible des gens de la Médina. Le choix de l'écriture s'est donc porté essentiellement sur le dialecte tunisien - el derja. Quelques passages sont traduits en anglais et en français pour toucher une plus vaste audience. 

Le Journal de La Médina raconte ainsi des anecdotes, des histoires de la vie quotidienne qui nous sont parfois familières, souvent drôles ou émouvantes, mais  toujours avec une vision moderne et actuelle. Leur objectif est par là de s'émanciper des clichés et des images figées, pour pouvoir rentrer sans a priori dans la vie contemporaine de la Médina.

À travers un graphisme épuré qui laisse parfois place aux photos en noir et blanc (généralement les œuvres de Anouar Laabidi, Mohamed Amin Chouikh, Iheb Kassmi, Wajdi Borji et Wassim Ghozlani avec The Tunisians),  les lecteurs ont comme l'impression de déambuler dans la Médina et parfois même d'entrer dans l'intimité de ceux qui la pratiquent. 

Chaque page est une invitation à découvrir ce que l'on ne soupçonnait pas de la vieille ville. Certaines rubriques quant à elles sont plus nostalgiques, et viennent faire renaître des histoires enterrées en leur donnant un second souffle.

Le Journal prend donc une note intimiste qui touche ainsi les lecteurs en leur transmettant un doux sentiment d'appartenance. 

Zeineb m'explique d'ailleurs que l'un des buts de ce journal est le sens de la communauté. Elle me dit: « Nous contactons toutes les personnes qui pratiquent la Médina pour créer une communauté autour de la Médina avec les gens qui sont passionnés par la Médina [...] De parler de la Médina autrement car jusqu'à aujourd'hui on ne parle essentiellement de la Médina que pour sa préservation architectural etc... On veut que la communauté parle et s'exprime pour faire revivre ce sens de communauté. »

Elle me dit que la première édition en novembre 2015 était partie d'un thème : « L'ambiance de la Médina », ou « Jaou el Médina » , et qu'ils avaient par la suite décidé de se déplacer dans les ruelles pour récolter des informations parfois inédites qui ont souvent fait effet boule de neige.

Aujourd'hui, Le Journal de La Médina se trouvent dans deux points de distribution fixes qui sont: le Café El Anba, Rue Souk Ar Rouba et l'Espace Diwan, 9 rue Sidi Ben Arous, les deux lieux sont -logiquement!- à la Médina de Tunis.

Du fait d'une certaine notoriété, surtout à la Médina, la participation à la rédaction s'est amplifiée, et aujourd'hui ceux sont les pratiquants de la Médina qui prennent l'initiative de venir vers les l'équipes du journal pour leur raconter leurs histoires. Tous les moyens sont bons : à travers une discussion, un échange d'écrits ou de photos, parfois même par des recettes de plats traditionnels ou encore par un poème !

« L'essentiel est de participer. C'est donc un journal qui est fait par la communauté pour la communauté », me dit Raoul, reprenant ainsi cette phrase qui l'avait tant marqué. 

En plus de tout, des ONG ont intégré l'équipe comme Al Rachidia (héritage de la musique traditionnelle tunisienne) l'Association Aswar el Médina ou encore Carthagina, ce qui vient enrichir le contenu. 

Le collectif Doolesha a également une rubrique dans le journal, dédiée aux balades dans la Médina. À partir des circuits initiés par ce collectif est rédigé un article. En plus de la trace écrite, descriptive, de cette balade le journal ajoute une touche de fiction permettant ainsi au lecteur une évasion particulière et ludique. Cela vient renforcer cette vision contemporaine que le journal veut absolument faire véhiculer sur la Médina. 

Notez que le journal est gratuit, mensuel et est financé par L'IFA (ministère des affaires étrangères allemandes) qu'ils éditent à cinq mille exemplaires. 

Tous les moyens sont bons pour les aider à faire vivre leur projet. Vous pourrez par exemple leur poster des photos ou leur écrire des histoires sur la Médina (si vous en avez) en leur envoyant tout sur leur page facebook. Pour cela, tapez « Journal de la Médina».



Meriem Aïdoun