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Supersouk :les merveilles de Marlo et Isaure!

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Racontez-nous un peu votre parcours. Comment est né votre label Marlo et  Isaure ?

Marlo et Isaure : Nous sommes deux designers issus de l’Ecal, Ecole cantonale d’art de Lausanne. Nous nous sommes rencontrés là-bas pendant nos études où nous avons suivi une formation en design industriel. On a travaillé, pendant et après nos études, avec la Tunisie. On a produit notamment des tapis, des tables et quelques produits qui ont été présentés dans des expositions en Suisse, notamment aux Designdays.

Au départ, nous étions davantage un studio de design, nous intervenions en tant que designers. Puis, en voyant les capacités de production intéressantes en Tunisie, ainsi que le savoir-faire hors-pair ainsi que des avantages d’ordre financier, nous avons décidé de confirmer ce partenariat entre les deux pays en nous y installant. Nous sommes devenus non seulement un studio de design mais aussi une maison d’édition. La différence, c’est qu’on invite d’autres designers à créer, pour nous, en exclusivité. On s’occupe de la production et de la diffusion : on édite, on produit et les designers sont rémunérés par royalties comme dans d’autres marques.

Marlo : L’idée c’est de toucher à pas mal de matériaux. La Tunisie est super pour ça, elle offre une palette de productions vraiment très impressionnante. C’est ancré dans l’artisanat et dans la culture tunisienne. On a accès à vraiment beaucoup de choses ce qui n’était pas forcément le cas en Suisse.

Isaure : Oui, et par ailleurs nous avons travaillé auparavant en Suisse et nous avons été rapidement contraints et en même temps heureux de faire du design de galerie, parce que les frais de production étaient tellement élevés qu’il était par conséquent difficile de produire. Nous avons travaillé avec la galerie Nov à Genève et la galerie Mobilab à Lausanne. Ça, c’était le début, avant que Marlo finisse ses études.

Une fois nos études achevées, on a décidé de s’installer ici pour être au plus près de la production, car il n’y a pas de secret il faut être au plus près de la production pour pouvoir produire efficacement.

Marlo : Dès le début, nous avons invité une quinzaine de personnes, notamment des designers qu’on avait rencontrés dans notre réseau, soit des enseignants à L’Ecal, et qui sont  pour certains des designers prestigieux, soit des étudiants diplômés de notre entourage.

Isaure : C’est vrai que pour la première collection, ce sont des personnes ayant un lien étroit avec l’Ecal qui ont pris part au projet.

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Donc votre première collection date de quelle période, à peu près ? 

Marlo et Isaure : En janvier nous avons fêté notre première année. Tous les produits sont sortis en janvier 2016, il y a donc vraiment eu trois mois de développement. Ce qu’on recherchait vraiment, dans cette marque, c’était le contraste entre des formes parfois très simples  comme, par exemple, cette carafe et ces verres (Reservoir) de Dimitri Bähler, à savoir un design pas du tout évocateur de l’artisanat, mais en même temps un matériau et un savoir-faire très artisanal.

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Marlo : Dans ce cas précis, il s’agit de verre recyclé, extrêmement texturisé ; si on le regarde à la lumière, on peut voir les aspérités, les bulles (etc), c’est du verre comme il y en a beaucoup en Tunisie. Dimitri Bähler a voulu contraster ce matériau par une forme très simple, voire même minimaliste.

Isaure : Dans la première équipe : il y a Julie Richoz qui est franco-suisse, et qui a conçu le service Waterlily. Thévoz-Choquet, un couple franco-suisse également, qui a fait le banc wild, Dimitri Bähler qu’on a déjà cité, ainsi que Nicolas Le Moigne qui est responsable du master Luxe à l’Ecal qui a fait le miroir Sun.

Marlo : Ce dernier travaille avec des marques extrêmement prestigieuses et c’est souvent dans ces domaines-là, ceux du luxe, qu’on retrouve la présence de l’artisanat comme, par exemple, chez Hermès. Pour lui, c’est intéressant de travailler avec un des matériaux les plus artisanaux que l’on trouve ici, à savoir le martelage du cuivre. Il s’agit d’un artisanat assez traditionnel qu’il a choisi de réinterpréter en faisant un miroir.

Isaure : Je vais vous citer tous les designers qui ont participé à la première collection de notre maison d’édition : il y a également Adrien Rovero qui a travaillé également avec le verre soufflé (Tealight Holder) et le photophore U-turn. Zannelatoo et Bortotto sont deux Italiens qu’on a rencontrés à l’Ecal qui ont fait le Sofa Byzance et toute la série d’accessoires en velours qui va avec.

Marlo : Le nom « Byzance » évoque une abondance, une profusion et cette opulence de matières qui renvoie à  l’image que l’on peut se faire de Byzance et que l’on retrouve en peinture. 

Isaure : Il est important de préciser que nous les avons laissés assez libres. Par exemple, dans les réalisations d’A3 studio, qui sont des graphistes lausannois, il n’y a pas vraiment d’évocation de la Tunisie dans le design. Après, il y a bien sûr, le tapis qui est une technique plutôt traditionnelle ici, mais A3 studio a utilisé une technique assez contemporaine.

Marlo : L’évocation de la Tunisie n’était pas une contrainte, mais cela pouvait constituer une source d’inspiration pour certains designers. Justement, le shooting que l’on a prévu cette après-midi, ce sont les foutas Dar faits avec des designers français, SMP, qui ont repris les formes architecturales et notamment les arrondis des portes tunisiennes. Ils ont schématisé cela par des formes géométriques.

Isaure : Il s’agit de notre nouveau produit, il n’est pas encore dans le catalogue mais déjà sur le site internet.

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Vous avez donc surtout travaillé avec des designers internationaux ? 

Isaure : Oui, nous avons  d’abord travaillé avec des designers internationaux. Cependant, nous n’étions absolument pas fermés à une collaboration avec des designers tunisiens. C’est juste que nous n’avions pas encore eu l’occasion de collaborer avec des designers locaux. En ce moment, nous préparons notre premier objet avec un designer tunisien, et c’est notamment une pièce importante, puisqu’il s’agit d’un fauteuil.

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Pouvez-vous nous donner le nom de ce designer tunisien ?

Marlo et Isaure : Oui, il s’agit d’Achraf Chichini. Il se situe entre le domaine de l’ingénierie et du design, puisqu’il travaille pour des éoliennes  et, d’une manière générale, pour des projets industriels. Son produit sera  d’ailleurs  très technique. Ce fauteuil sera vraiment issu des industries qu’il y a en Tunisie. Il y aura des coques en types de verres, des pliages numériques de tubes…

Isaure : Il y a également la série Tatoos, des tatoueurs et graphistes lausannois. On aime beaucoup leur  style  de dessins. On les a donc invités à faire des patchs ainsi que des broderies sur des coussins comme s’ils tatouaient ces objets.

Dans cette première équipe, il y a aussi Marmo Spirito, qui est ma grande sœur, et qui a fait le buffet West. Elle a déjà un pied en Tunisie puisqu’elle habite ici. Elle est notre premier designer en lien direct avec la Tunisie.

Enfin, le dernier designer a avoir collaboré avec nous sur la première collection est Samy Rio, un Français, qui a réalisé le vide-poche en marbre, Barge.

Marlo : Par ailleurs, nous continuons à collaborer avec la plupart des designers avec qui on a eu l’occasion de travailler: là, par exemple, nous travaillons avec Samy Rio sur une lampe qui sera en palmier tissé.

Isaure : Il est gagnant de la design parade à Hyères et un de ses projets c’était de travailler sur le bambou. Nous, en Tunisie, nous n’avons pas de bambou mais nous étions intéressés à l’idée d’éditer cet objet. Nous allons l’adapter et le transformer un peu en utilisant des feuilles de palmier.

Enfin, le reste des objets qui constitue la première collection sont le fruit de nos propres créations, puisque nous continuons à être designers pour notre maison d’édition. Le tapis, Cement Tiles, a été pas mal médiatisé, car il est assez fort graphiquement, il est inspiré des carreaux de ciment méditerranéens. Nous avons aussi fait des petits yeux en céramique, Argos, qui se vendent bien. Il s’agit d’une série de petits d’objets décoratifs à accrocher au mur comme un clin d’œil. Il y a aussi les porte-cartes et porte-photos wagon en marbre, le tabouret atlas, et les tables circus qui ont rencontré un franc succès.

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Comment fonctionne votre maison d’édition ? Comment choisissez-vous vos artisans et vos designers ? 

Marlo : Dans un premier temps, nous avons pu récupérer un bon réseau avec lequel la sœur et la mère d’Isaure (propriétaire de la boutique Zina) travaillaient déjà. C’était assez pratique pour débuter.

Isaure : Nous avons pu bénéficier d’un réseau où les gens avaient plus de dix ans d’expérience. Ça, c’était le début, après, nous nous sommes entourés d’un plus grand nombre d’artisans et nous travaillons également avec des industries.

Marlo : En ce qui concerne nos designers, nous avons choisi ceux qui nous plaisaient et qui nous parlaient le plus.

Isaure : Oui, c’est vrai, cela fonctionne au coup de cœur. Pour certains, on les connaissait déjà. Et eux aussi, de leur côté, ils nous ont fait confiance, car c’est un peu un pari, une jeune maison d’édition, on ne sait pas vraiment si ça va marcher. Du reste, les designers sont payés en royalties. Lorsque nous nous sommes lancés, nous avons osé faire des propositions de collaboration à certains professeurs. Personne n’a refusé. J’imagine que c’est parce que le projet leur a parlé. Ils ont été enthousiastes et c’est comme ça que ça a marché.

Marlo : Par la suite, comme le projet a pris de l’ampleur, il y a pas mal de gens qui sont venus nous voir. Au commencement nous avons donné à chaque designer un matériau et un objet  car nous avions une vue d’ensemble sur la collection que nous souhaitions. On voulait compléter cet ensemble et donc nous cherchions, d’abord, une certaine diversification.

Isaure : Nous ne sommes pas spécialistes ni dans un matériau ni dans un domaine en particulier (ex : salle de bain, canapé…), le but c’est d’être assez varié.

Marlo : Mais il est vrai que dans ce cas, il est plus difficile aussi d’avoir une identité.

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C’est justement cette mixité qui va vous donner aussi une identité. Ce qui m’amène à la prochaine question : quelles sont vos influences majeures et celles qui sont plus originales ?

Marlo : Je pense que nous sommes surtout influencés par deux choses. La première influence est l’Ecal qui a un pouvoir de transformation assez important lorsque l’on passe de la première année à la dernière année, comme toutes les écoles, j’imagine. Ça, c’est l’influence majeure. Après, il y a bien sûr les concurrents, et tout ce qui se fait dans le domaine. On a l’occasion de voyager pas mal et de visiter les foires professionnelles et les salons de design. De plus, nous sommes tous deux quand même assez proches de l’art contemporain. On tente d’aiguiser notre culture au regard de l’art et du design.

Isaure : Oui, c’est-à-dire que ce sera davantage des expositions d’art qui vont nous inspirer que d’aller regarder dans le catalogue d’une autre marque. Ce sont des influences pluridisciplinaires, en somme.

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Comment vous démarquez-vous d’une certaine mode en matière de design ?

Isaure : La mode du Scandinave, des couleurs un peu tons pastel, qu’on adore et qu’on achète et qu’on revend dans le magasin Supersouk, ce n’est pas du tout pour critiquer, mais nous voulions davantage mettre l’accent sur la fabrication et le fait qu’on ait un lien entre les designers, les artisans et les revendeurs.

Marlo : Aujourd’hui, on peut observer, même dans d’autres domaines (agricole ou autre), un retour vers le local. Ce qu’on essaie de faire ici, c’est de travailler avec un pays et sous un maximum d’angles possibles. Nous agissons localement sur le pays, nous travaillons avec une quarantaine d’entreprises et plusieurs designers qu’on invite. Ce n’est pas du tout impersonnel comme toutes ces marques produites en Chine et qui ont un caractère assez froid finalement.

Isaure : Toutefois, on garde des critères de sélection exigeants, car nous restons intransigeants concernant la qualité des objets produits.

Marlo : L’objet peut être produit très facilement en Tunisie, mais les finitions sont ce qu’il y a de plus difficile à faire. Là, on garde ce côté fait-main. C’est important d’avoir ce côté humain.

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Décrivez-nous votre processus créatif.

On dessine à quatre mains, on est inspirés par notre quotidien, on commence par des croquis et très vite des plans techniques. Ensuite, nous établissons un dialogue et une discussion avec des fabricants (le design est un compromis entre une dimension technique et une dimension artistique). On est inspirés quotidiennement par des détails de la vie courante, de l’architecture, et des couleurs que l’on retrouve dans la nature.

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Quelle question vous posez-vous avant d’entamer un projet de design ? Quel est l’élément le plus important ?

En tant que maison d’édition, on réfléchit à la faisabilité, la capacité de la production de nos artisans en usine, et également à la rentabilité du produit. Nous laissons, avant tout, une place à l’originalité créative du produit ou de l’objet.  On collabore avec d’autres designers et c’est important de bien les trouver/choisir afin qu’il y ait une bonne entente et que nous puissions apprécier ce travail de collaboration.

 

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A propos de Supersouk. Comment l’idée de fonder un concept store vous est venue en parallèle de votre activité en tant que maison d’édition ?

La marque et le concept store sont deux projets différents mais complémentaires.

On est venus s’installer en Tunisie pour M&I, on fait toute notre production en Tunisie et on exporte. Après un an d’export, nous avions envie d’ouvrir la vente en Tunisie. Et de s’entourer de créateurs locaux. Nous avons commencé avec dix créateurs, aujourd’hui nous sommes ravis d’accueillir au Supersouk une soixantaine de créateurs tunisiens, dont notre marque.

Ce magasin était un bon moyen de rencontrer des créateurs contemporains. Toutes ces marques reflètent bien cette effervescence et ce dynamisme croissant qui existent en Tunisie. Il s’agissait aussi de rendre visibles ces créations contemporaines et de les regrouper dans un seul lieu. Prochainement, nous allons lancer Supersouk en ligne pour l’Europe, afin de distribuer ces marques tunisiennes à l’étranger.

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Aujourd’hui, vous revendez une soixantaine de créateurs tunisiens, pouvez-vous nous en citer quelques-uns ?

On a commencé à travailler avec des marques de mobilier et de décoration, par exemple Zina, Marmo Spirito et on a très vite invité des artistes à investir nos murs comme Yoan Cimier et Ymen Berhouma. Plus récemment, nous avons consacré notre 1er étage aux créateurs de mode comme Mademoiselle Hecy et aux accessoires et bijoux comme Ekcci, Zayn. 

Comme dans tout concept store,  il y a une sélection de livre, notamment la collection Elyzad, ainsi que plein de projets avec des nouvelles marques à venir. Nous avons commencé ce projet avec dix marques et en moins d’un an nous avons rencontré beaucoup de créateurs intéressants qui font un travail de qualité et qu’on est ravis de représenter. Nous souhaitons garder cette dynamique en accueillant constamment des nouveautés.

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Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Quelles sont vos pièces phares (éditées par votre maison d’édition) et quelles sont vos pièces inédites ? 

On travaille en ce moment avec le designer Samy Rio sur une lampe, et aussi notre première collaboration avec un designer tunisien Achraf Chichini ;  notre produit phare c’est les tables basse CIRCUS et, en ce moment, on a été invité à dessiner la scénographie de la design parade 2017 à Hyères ; nous sommes honorés d’avoir réalisé cette installation.

Quelle est, selon vous, la place du design en Tunisie ? 

Il y a une vraie demande de la part du public et de la part des clients. Grâce à internet et aux réseaux sociaux très actifs en Tunisie, le public est de plus en plus au courant. Il y a une véritable industrie pour produire ici, un artisanat, un savoir-faire hors pair, et une jeune scène créative qui commence à s’organiser et à s’affirmer. On est ravis de pouvoir discuter de notre passion avec des confrères d’ici comme NOKTA ou Flayou.


Nora SAIEB