Coup de cœur

Irane, l’artiste qui redonne vie à la ferraille

Comment avez-vous débuté la sculpture ? Quel est votre parcours, votre formation ? 

J’ai toujours été manuelle et bricoleuse.

Je m'amusais à fabriquer des personnages en carton, en papier etc. Puis un jour par hasard j’ai trouvé un beau morceau de bois flotté dans un vieux port que j'ai transformé en personnage. Et à partir de là je me suis intéressée à la récupération et j’ai fait ma première exposition personnelle que j’ai intitulée " ex nihilio",

Tout se transforme. Je collais des morceaux de fer sur du vieux bois, je les fixais avec des clous puis je me suis dit pourquoi pas travailler avec la soudure. C’est ainsi que j’ai débuté…

Artistiquement je suis autodidacte, je n'ai jamais pris de cours ni suivi de formations. J'ai appris sur le tas, essayé différentes techniques. Lorsque j'ai acheté mon premier poste de soudure à peine je savais tenir l'arc. Je suis allée chez un forgeron et je lui ai demandé de m'apprendre les abc de la soudure. Et je m'y suis lancée…


Où est ce que vous récupérez la ferraille ? Vos matières ? 

Je vais souvent aux ferrailles un peu partout! Ma préférée à Henchir Lihoudia,  j'y passe des journées entières à dénicher des objets me sentant comme Alice aux pays des merveilles.

Je travaille essentiellement avec du fer. Des morceaux de fer rouillé, des vieux objets, des boulons, des bribes de moteurs de voitures, des carcasses ... tout ce qui me tombe sous la main, je lui imagine une seconde vie.

Par ailleurs je suis professeur de langue et littérature française et j’ai un centre psychopédagogique de coaching et de soutien scolaire à La Marsa "Eduka" et je suis surtout l’heureuse maman de 3 filles.


Quel est le cheminement, les étapes de votre travail ? Quelles procédures suivez-vous lors de la création de vos œuvres ?

Lorsque je vais à la ferraille, j'y vais sans idée au préalable, je ne sais pas ce que je vais chercher ni ce que je vais trouver. C’est les morceaux et les objets qui m'interpellent et me guident quant à leur destinée et me dictent ce qu'ils vont devenir.

Quelles sont vos inspirations ?y a-t-il des choses étranges qui vous inspirent ?

Mon inspiration peut se déclencher n'importe quand, n'importe où ! Une phrase, une émotion, un paysage, une personne, un objet ... peuvent faire naître une sculpture ou même un thème. Mon inspiration peut aussi hiberner. Pendant plusieurs semaines je ne crée rien, aucune inspiration, aucune idée. Ça vient comme ça, comme par enchantement et là je me mets à travailler pendant des semaines entières quasiment enfermée dans mon atelier des journées et des nuits entières oubliant le temps et mon écosystème.


Avez-vous un style reconnaissable ? Comment peut-on identifier vos œuvres ? 

Je pense qu’aujourd'hui on reconnaît mes œuvres car il y’a dedans mon empreinte, mes couleurs, mon style et surtout mon esprit. Les gens viennent vers moi ou m'écrivent qu'ils ont vu une œuvre de moi et qu'ils ont tout de suite su que c’était de moi. Et honnêtement,  identifier une œuvre sans lire la signature est pour moi la plus grande reconnaissance.


Travaillez-vous par thème ? Si oui, lesquels ?

Généralement c’est par thème que je travaille ! Je ne choisis pas mes thèmes. C’est le thème qui vient vers moi. J’ai eu plusieurs périodes artistiques, chacune est différente de l'autre mais portent toutes mon empreinte

Comment vos œuvres sont perçues par le public ?

Je n'ai pas assez de recul quant à la perception des gens de mon art. Je suis toujours surprise quand les gens me disent qu'ils adorent mes œuvres ou qu'ils aiment mon travail. Je suis toujours critique vis à vis de moi-même et de mon travail. C'est bien sûr flatteur de voir mes expositions réussir et mes œuvres plaire mais je ne me prends pas au sérieux.

Le plus beau compliment c’est lorsqu'on me dit qu’il y'a beaucoup d'humour et d'amour dans mon art. Et je pense aussi qu’il y'a beaucoup d'amour en moi que je transmets dans mes sculptures.


Peut-on considérer vos sculptures comme innovantes et modernes ?

Oui objectivement mes œuvres sont modernes et innovantes. Transformer de vulgaires morceaux rouillés et inutiles en des sculptures colorées vivantes avec des messages ludiques et profonds parfois, selon la perception des gens ne peut être qu’innovant et moderne.

Comment peut-on se procurer vos œuvres ? Où sont-elles exposées et peut- on les acheter ?

Mes œuvres peuvent être visible n'importe où ! Je suis pour la démocratisation de l'art. D'où mon exposition de rue " le ballon rouge " le long de la promenade de Marsa plage. Je voulais que l'art parte à la rencontre des gens et que mes pièces ne restent pas enfermées dans les galeries qu'une minorité de gens fréquente !

Mon atelier est une porte ouverte à tous. Bien sûr, ça m’arrive aussi d’exposer dans des galeries mais je suis pour populariser l'art et le rendre accessible à tous.


Avez-vous une exposition prochainement ?

J'organise une manifestation artistique dans les rue de la Marsa avec la participation de qui veut, ça s’appelle KilimArt. Je peins les passages piétons avec les motifs et dessins de nos beaux kilim berbères pour inciter les gens à traverser dans les endroits qui leurs sont destinés, obliger les voitures à céder le passage aux piétons et apprendre aux enfants avec l’art. Et bien sûr c'est beau et plaisant à voir.

Je travaille également sur une exposition personnelle ! Un thème qui m'a été inspiré par un livre que j'ai lu et qui m'a touché.

J’ai aussi des invitations de galeries en Europe et ailleurs pour exposer en des dates qui seraient fixées bientôt !


Crédits photos : Orkhan Turki, Anas Driss, Irane Ouanes

Propos recueillis par Hella Nouri