Nous sommes allés à la rencontre de Bboy Emeer Guesmi Aka Zulu Rema à Sousse. C'était à la veille de sa performance 'The phenomenal all style dance Battle' qui a eu lieu au Lotus Club le 13 décembre dernier.

Suite à une amputation de ses deux jambes en 2002, Emeer Guesmi choisira de se créer une toute autre force. Marche ou crève ? Il choisit de voler.

Tout commencera 10 ans après, le temps de se chercher un peu dans le foot, puis dans la danse de rue en compagnie de son ami danseur Nader Jawadi, où il participera d'abord en simple spectateur. Poussé par son ami, Emeer nous raconte qu'il s'inscrit à un atelier de breakdance au centre culturel local de Hammam Zriba juste pour s'amuser. Peu à peu il tente sa chance, puis se surpasse jusqu'au bout et sans relâche ; et comme par enchantement, l'oiseau se libère ! Il déploie ses ailes et s'affranchit de sa condition. Tout parait comme une évidence " Je sentais que j'étais flexible, que je voulais bouger, il y avait comme une force qui m'habitait, qui était prête à jaillir ".

Du haut de ses 17 ans, ce jeune Bboy presque miraculeux, nous apprend que " dans la vie il faut se donner et à fond ".
Fort de son entourage et de son amour pour le challenge, Emeer s'abandonne à cet univers de la danse où il apprend à détourner cette énergie pour en faire son conduit. Il passera beaucoup de temps à peaufiner sa gestuelle et équilibrer ses mouvements et surtout il s'exercera à marcher sur ses mains ! Il nous raconte qu'il s'entraîne presque tous les jours et dès qu'il le peut, il met de l'argent de côté pour participer à des battles sur toute la Tunisie.
Contre toute attente, il perd son meilleur ami Nader suite à un accident de moto. Un moment douloureux pour lui car il était son compagnon de route dans cette aventure inédite. Mais il n'abandonne pas, il n'en sera que plus fort.

En guise de signe du destin, la chance lui sourit peu de temps après. Suite à une campagne de crowdfunding organisée par Chris Wright, fondateur de Freestyle Session, le jeune Bboy parvient à se rendre à New York pour obtenir de nouvelles prothèses. L'aventure ne fait que commencer.
 
" Je ne veux pas être une victime, le regard des autres me rend plus fort "
Au grès de ses voyages, Zulu Rema forge son armure. Rigoureux et aventurier, il suit son parcours avec beaucoup de conviction " j'ai appris tant de choses lors de mes voyages, l'amour, le partage mais surtout l'humilité. J'ai eu la chance de me rendre au Maroc, à New York ou encore à Berlin. J'ai rencontré des gens formidables qui me regardaient différemment qu'en Tunisie. Malheureusement ici on est limité, les gens me voient comme un handicapé dont ils ont pitié". Son désir de faire carrière à l'échelle internationale émane notamment de son désamour du pays, hélas, fléaux des jeunes tunisiens.

Il reprend " On n’est pas vraiment pris au sérieux par rapport à ce qu’on fait ici, la street-dance n’est pas considérée comme un art à part entière, les autres personnes dans la rue nous voient comme des voyous, et c'est parmi les raisons qui poussent les danseurs à vouloir se barrer d'ici, dans l'espoir d’être considéré et respecté... "

“ Il y a aussi un problème de structure pour les danseurs tunisiens, on manque de formations, workshop suivi, soins médicaux et de considération ".Heureusement que le jeune Bboy n'en reste pas là. Après Red Bull BC One Tunisia, Olympic games qualifiers, Germany ou encore War Zone Battle Tunis, Emeer est prêt à gravir les échelons. Armé de son courage et de sa propre volonté, il nous parle de ses projets pour l'année 2018:« Tout d'abord, Je suis ravi d'annoncer que je serai sur le nouveau clip de Popytirz Khey (FR). Il y a aussi un projet d'association The AB3AD Movement , ça sera un collectif de formation culture Hip Hop, pour former les jeunes danseurs sur l'autofinancement, les campagnes, les supports d'artistes. Avec entre autres Hosn Tebourski, Supaflava, Sabri Youssfi de BBoy World. Je participe aussi à une Freestyle Session en exclusivité from LA to Tunis ! J'ai également décroché le Premier rôle du film Edenya Dawara et je joue dans un film documentaire réalisé par Haythem Sakouhi. »
Zulu réfère à Zulu Nation, l'organisation internationale qui a émergé au ghetto du Bronx NY au début des 70's berceau même de la culture hip-hop. Et Rema, vous l'aurez deviné est Amer à l'envers.

Crédits Photos : Khalil Sellmy

Boussetta Balkis Afifa