Zoom sur un événement

Le cinéma tunisien : Rétrospective enchantée de l’année passée

La vie culturelle tunisienne a été particulièrement active en 2017 mais ce fut surtout l’année cinéma par excellence. Fini l’ère de la censure, de la production faible et des films qui se ressemblent ; le cinéma tunisien connait depuis quelques années un moment de gloire qui a atteint son summum en 2017. L’occasion pour nous de faire cette rétrospective enchantée de ces 12 mois passés.

« El Jaïda », « La belle et la meute », « Vent du nord », « Mustapha Z », « L’amour des hommes », « Corps étranger » … et beaucoup d’autres films ont marqué les esprits. Les cinéastes affirmés nous ont offert des moments magiques et inoubliables, et nos jeunes talents n’ont pas démérité malgré le peu de moyens ou d’expérience.


Le cinéma tunisien est sorti de ses frontières élitistes pour toucher désormais un public plus large, sans pour autant perdre de son excellence. Les habituels cinéphiles ainsi que les spectateurs occasionnels ont rempli les salles obscures tout au long de l’année, mais évidemment les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) ou le festival le plus populaire du pays, sont restées le moment de concrétisation pour les artistes et l’occasion pour le grand public de découvrir une sélection exquise.

« La belle et la meute » était l’un des films les plus attendus suite à son passage au festival de Cannes (dans la section Un Certain Regard), et Kaouther Ben Hania qui avait obtenu le Tanit d’or lors des JCC 2016 a réussi encore cette année à se distinguer en raflant le Prix de l’UGTT avec sa fiction tirée d’un fait réel.


Salma Baccar, une autre figure féminine de taille a marqué son grand retour derrière la caméra avec « El Jaïda » dans lequel elle nous plonge dans le quotidien sombre des femmes tunisiennes avant la promulgation du Code du Statut Personnel en 1956. Le film questionne le rôle attribué à la femme dans cette époque révolue sous un angle informatif et véridique tout en gardant un ton de narration léger.


D’autre part, un nouveau nom a rejoint le cercle sélect des cinéastes les plus primés, il s’agit de Walid Mattar avec son premier long-métrage « Vent du nord » qui a été auréolé de 3 prix (Tanit d’or de la première œuvre, meilleur scénario et Prix TV5 Monde), véritable coup de cœur des cinéphiles ainsi que du jury de la 28ème édition des JCC, une édition où le Tanit d’or du court-métrage fiction est également revenu à un film tunisien : « Aya » de Moufida Fedhila.


L’effervescence du cinéma tunisien a pris forme artistiquement et techniquement certes, mais s’est aussi manifestée dans le vent de liberté qui a soufflé sur les œuvres présentées, où les cinéastes se sont montrés aussi engagés qu’audacieux. Nadia Mezni Hfaïedh a fait le choix de mettre la lumière sur les minorités sexuelles en Tunisie en filmant la lutte quotidienne de certains jeunes marginalisés. Son initiative a été saluée par les membres du jury des JCC qui lui ont attribué le Tanit de Bronze dans la catégorie documentaire.

Toujours du côté des femmes, un autre documentaire n’est pas passé inaperçu cette année : « Même pas mal » de Nadia El Fani qui a fait son grand retour en Tunisie après une absence de six ans. Ce film, qui se veut un hymne à la liberté et au respect des différences, retrace la lutte de la cinéaste franco-tunisienne et de tout artiste qui aspire à s’exprimer librement et vivre dignement.

Ce qu’on a aussi retenu de cette année passée, c’est la réouverture de la salle de cinéma Africart après une fermeture de presque 7 ans ; cette excellente nouvelle ne pouvait que réjouir les nostalgiques de cette fameuse salle du centre-ville qui a toujours offert à son public le meilleur du 7ème art tunisien et mondial.

D’autre part, plusieurs festivals ont vu le jour et d’autres se sont agrandis et pas seulement dans la capitale mais aussi et surtout dans les régions. Aujourd’hui, le cinéma répond à la demande de décentralisation, il est désormais présent un peu partout dans le pays et même dans les régions les plus récluses (Douz Days Doc, Rencontres du Film Documentaire de Redeyef, Journées du court-métrage de Gabes, Festival du Court au Kef …)

L’année 2017 placée sous le signe du boom cinématographique tunisien nous en a mis plein la vue car, derrière leurs caméras, nos cinéastes ont su garder les yeux rivés sur le réel qui les entoure. Ils ont cessé de remâcher le sujet de la révolution, qu’on a vu et revu à maintes reprises.

Qu’il soit réel ou fantasmé, dans la fiction ou le documentaire, dans un format long ou court… le cinéma tunisien est sorti des sentiers battus pour explorer de nouveaux horizons, toucher l’universalité et partir à la conquête d’un succès mondial. Cette année encore, on risque d’être ébloui devant le grand écran.

Fawz Ben Ali