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Quand Forbes Afrique parle du nouvel eldorado des constructeurs automobiles en Tunisie

Avec seulement 2,5 millions de véhicules neufs vendus en 2018 rapportés à 1,2 milliard d’habitants, le continent africain représente le plus grand potentiel mondial pour les grandes marques automobiles internationales. Mais il faudra compter également avec le « made in Africa ». Des pays comme la Tunisie, le Nigeria ou l’Ouganda sont déjà engagés dans cette direction. Forbes Afrique a enquêté sur les tendances du secteur.

La question n’est pas de savoir si l’Afrique est un marché d’avenir, mais plutôt quand il va décoller­», a déclaré Mike Whit? eld, responsable de Nissan pour l’Afrique. Hyundai, Ford, Renault, PSA, Toyota, Volkswagen, Mercedes-Benz : toutes les grandes marques automobiles internationales sont désormais concentrées sur le continent africain d’assurer leur développement mondial, mais également de continuer à écouler leurs voitures à moteur thermique, en raison du prix encore trop élevé des modèles électriques et de l’absence d’infrastructures pour ce type de véhicules sur le continent. En 2018, il ne s’est ainsi vendu que 66 voitures électriques en Afrique du Sud, qui représente

la première économie du continent. Si jusqu’à présent l’Afrique n’était qu’un marché de revente de voitures d’occasion et de pièces détachées, les grandes enseignes automobiles commencent aujourd’hui à y implanter des usines pour y fabriquer des modèles en phase avec la demande et les budgets locaux. En étant l’un des plus grands consommateurs de véhicules d’occasion, le continent africain a très longtemps pénalisé l’émergence d’une industrie locale. Mais les investissements de certains pays dans les infrastructures routières, conjugués à une réelle volonté politique amorcée ces dernières années, semblent indiquer un changement radical, oscillant entre importation de véhicules et production « made in Africa ». Les velléités des constructeurs sont également portées par une courbe démographique impressionnante sur tout le continent africain. De 275 millions d’habitants dans les années 1960, la population est passée à 1,27 milliard de personnes en 2019 et selon les dernières projections, dans les années 2050, elle devrait se situer entre 2 et 3 milliards. L’autre indicateur très encourageant vient d’une classe moyenne en forte croissance dans beaucoup de pays africains. La dernière étude sur le sujet fait état de près de 350 millions d’individus, nouvelle

cible de choix pour les grandes marques automobiles internationales. Cette nouvelle génération est appelée à consommer davantage de produits qui ne soient plus les surplus, neufs ou d’occasion, du reste du monde, mais des productions neuves, adaptées aux réseaux routiers et si possible construites sur le continent africain. Après avoir manqué le marché asiatique il y a une trentaine d’années, les constructeurs automobiles ne veulent surtout pas passer à côté de ce marché-là. Produire sur ce continent revient moins cher qu’en Europe, en Amérique ou en Asie, grâce notamment au coût réduit de la main-d’œuvre et à des exigences réglementaires (sécurité, pollution, etc.) beaucoup moins strictes à ce jour. Néanmoins, les modèles proposés devront tout de même répondre à la double exigence de prix serré et de véhicules adaptés à des infrastructures routières parfois inexistantes.

Des marques africaines Avec seulement 2% du parc automobile mondial, l’Afrique a le taux de motorisation le plus faible de la planète. Il y a 12 fois moins de véhicules, neufs ou d’occasion, pour 1 000 habitants sur le continent qu’en Europe ou aux États-Unis. Meïssa Tall, responsable activités conseil automobile et industries au cabinet Deloitte, est formel : « Quatre véhicules d’occasion sont achetés pour un véhicule neuf, c’est sur cette tendance que les constructeurs veulent progresser. Avec un taux de croissance de 5 à 6 % actuellement par an, l’Afrique est l’un des plus grands potentiels de croissance dans le monde. Bien entendu, des disparités existent selon les pays. » C’est dans ce contexte que quelques marques africaines tentent de se frayer un chemin face à la rude concurrence des importations venues de l’étranger. Le constructeur tunisien WallysCar, le Nigérian Innoson Vehicle Manufacturing Co. Ltd (IVM), l’Ougandais Kiira Motors ou encore les Sud-Africains Optimal Energy Joule et Birkin sont actuellement les porte-drapeaux du continent, avec plus ou moins de succès. Selon un communiqué de l’agence Reuters, le Kenya devrait appliquer dès 2021 des mesures restrictives sur l’importation.

Cofondateur et PDG du constructeur automobile tunisien WallysCar, Omar Guiga est le jeune entrepreneur qui monte en Tunisie. WallysCar se distingue depuis 2008 par la production de petits véhicules utilitaires citadins, aux formes de Jeep mais avec un moteur Citroën de 75 chevaux. Le chef d’entreprise se bat pour le soutien de la production locale, mais aussi pour que des règles soient instituées a? n d’assurer son développement. Forbes Afrique a voulu en savoir plus sur l’unique constructeur actuel en Tunisie.

FORBES AFRIQUE : QUELLES SONT LES PERSPECTIVES POUR LE MARCHÉ AUTOMOBILE TUNISIEN­?

 OMAR GUIGA : Nous voyons l’évolution des véhicules neufs sur le marché africain progresser de manière relativement lente. Pour le moment, les voitures d’occasion européennes inondent le marché, ce qui ne favorise pas l’émergence de nouvelles usines automobiles ni l’installation de nouvelles concessions. Tant que la législation des pays africains ne favorisera pas unanimement le «­made in Africa­», que des normes contre la pollution (encore quasi inexistantes) ne seront pas régies par des règles et que le pouvoir d’achat demeurera faible, l’Afrique restera le dépotoir de l’Europe.

QUEL EST VOTRE MODÈLE ÉCONOMIQUE­? 

O. G. : Notre entreprise, qui emploie actuellement 60 personnes, peut créer 1­000 autres postes au cours des prochaines années. Mais actuellement, nous ne disposons d’aucune aide ni incitation ? scale. Nous comptons uniquement sur les ? nancements provenant de nos clients, ce qui limite notre capacité de production. Nous produisons environ 250 véhicules par an. 50­% pour le marché tunisien et 50­% pour le marché méditerranéen (France, Italie, Espagne). Nos marchés sont en majorité des villes balnéaires, comme Barcelone, Nice ou Marbella, ainsi que les îles comme la Sicile, Ibiza, la Corse et Saint-Barthelemy. des voitures d’occasion. Cela dans le but de réduire et surtout remplacer les vieux véhicules polluants, au profit de voitures flambant neuves fabriquées ou assemblées localement. C’est dans ce contexte qu’en juillet 2018 le Japonais Isuzu Motors a annoncé son implantation en Éthiopie avec la création d’une usine d’assemblage, prévue pour être opérationnelle en 2020. Au Rwanda, c’est Volkswagen qui a débloqué près de 20 millions de dollars pour créer son usine afin de sortir 5 000 véhicules par an. Dans la foulée, l’enseigne devrait faire de même au Ghana, puis au Nigeria. De son côté, Hyundai continue d’augmenter ses capacités de production et dépassera très vite les 10 000 exemplaires par an.

L’Afrique du Sud et Le MAroc se démarquent mais dans cette course des grandes marques étrangères à destination de l’eldorado africain, tous les pays ne jouent pas dans la même cour. Deux d’entre eux se détachent assez nettement. Tout d’abord l’Afrique du Sud, qui attire déjà pratiquement tous les grands constructeurs mondiaux. Volkswagen, Ford, MercedesBenz, General Motors, BMW, Renault, MAN, DAF Trucks, Toyota, Nissan : toutes ces marques ont déjà des unités de production industrielle afin de répondre à une demande grandissante. Le Maroc vient ensuite avec 1,5 million de véhicules produits localement en 2018 selon le cabinet Deloitte. Par exemple, le constructeur marocain Laraki produit et commercialise Fulgura, Borac et Epitome, des voitures de luxe aux allures sportives. Toujours au Maroc, après l’installation réussie de Renault à Tanger en 2012, PSA a annoncé en 2017 l’implantation d’une usine de 90 000 unités par an qui sera opérationnelle dès cette année. Les pays du continent africain se sont en outre engagés depuis quelques années dans une stratégie de construction massive d’infrastructures routières. C’est par exemple le cas en Éthiopie, où l’État a déclaré vouloir atteindre les 200 000 kilomètres routiers d’ici à 2020. Cette volonté d’investissement se ressent également dans beaucoup d’autres pays, qui veulent pour le moins moderniser leurs infrastructures, ce qui à terme devrait alimenter une demande en matériel de transport de qualité.

Meïssa Tall est responsable activités conseil automobile et industries au cabinet Deloitte. Il analyse l’évolution du marché africain. « Le marché de l’automobile est en pleine croissance en Afrique, avec plus de 2,5 millions de véhicules neufs vendus en 2018. C’est plus que le marché français, mais le continent part de très loin et a beaucoup de marge de progression. un exemple : il y a 50 véhicules, neufs ou d’occasion, pour 1 000 habitants en Afrique, alors que la moyenne est de 600 pour 1 000 habitants en europe ou aux États-unis. Quatre véhicules d’occasion sont achetés pour un véhicule neuf, c’est sur cette tendance que les constructeurs veulent progresser. Si la France voit ses possibilités d’infrastructures autoroutières limitées car saturées, c’est tout le contraire sur le continent africain, où routes et autoroutes sont encore à construire. Les grandes marques occidentales ont raté leur implantation sur le marché automobile asiatique il y a environ trente ans, tous veulent désormais leur part du gâteau sur le marché africain. Volkswagen investit dans des infrastructures de fabrication et d’assemblage au Rwanda, Renault s’implante en Algérie et les Chinois veulent imposer leurs véhicules électriques, sans oublier le Maroc qui à lui seul produit 1,5 million de véhicules par an actuellement. La zone francophone reste avec deux dominantes historiques, les véhicules Renault pour 40 % et Peugeot pour environ 20 %.


Source : Forbes Afrique, article rédigé par Robert Kassous

À PROPOS DE L'AUTEUR DE L'ARTICLE:

Robert Kassous à été le responsable Tourisme à l’Obs pendant près de 20 ans.Photographe, reporter, il a créé et dirigé le Magazine Week-end du Nouvel Observateur. Après un passage d’un an chez Challenges et Sciences et Avenir, il se consacre désormais à son site Infotravel.fr dont il assure le développement grâce à sa formation à Sciences PO Paris Master 2 en Management des Médias et du Numérique. Il collabore à différents magazines print ou web comme Historia, Tourmag, A/R, Cuba Magazine. Passionné de Voyages et de rencontres, il a créé et animé les déjeuners Tourisme de l'Obs pendant 10 ans. Il est également l’invité de grands médias français pour son expertise sur le tourisme, LCI, Soir3, Europe 1, AFP etc. Administrateur du PressClub depuis 2011, il organise avec Isabelle Bourdet, la directrice générale du PressClub de France, des déjeuners afin de connaître toutes l'actualité des Offices de Tourisme, Tours Opérateurs, Compagnies Aériennes, ainsi que toutes les institutions représentatives des professions liées au Tourisme. Avec le Sociologue Guillaume Demuth, il anime des conférences en entreprise ou sur des salons comme le Salon Mondial du Tourisme, Top Résa etc . L'idée étant de comprendre et anticiper les différents changements de comportement des touristes, connaître l’impact des nouvelles technologies, leurs applications et implications dans le monde du Tourisme. Robert est membre de l’Association des Journalistes de Tourisme (AJT).