L’indépendance de la Tunisie en 1956 n’a pas été obtenue du jour au lendemain. Elle est le fruit d’une lutte longue et complexe, marquée par la montée du nationalisme, la résistance populaire et une conjoncture internationale favorable à la décolonisation.
Les prémices du nationalisme tunisien et la montée de la contestation
Dès la fin du XIXe siècle, l’imposition du protectorat français en Tunisie suscite des résistances, bien que limitées à des élites intellectuelles et à certaines tribus. Mais c’est au XXe siècle que la contestation prend véritablement de l’ampleur.
Dans les années 1920, le mouvement nationaliste tunisien commence à s’organiser. En 1920, le Destour, premier parti nationaliste, est fondé sous la direction d’Abdelaziz Thâalbi. Il revendique des réformes politiques et une autonomie accrue, tout en restant dans le cadre du protectorat. Ce parti s’appuie sur une élite urbaine lettrée et se heurte à la répression des autorités coloniales.
Cependant, l’approche du Destour, jugée trop modérée et limitée dans son impact, conduit à une scission en 1934 avec la création du Néo-Destour, dirigé par Habib Bourguiba. Ce nouveau parti adopte une stratégie plus dynamique, cherchant à mobiliser les masses populaires, notamment en milieu rural, pour exiger une véritable indépendance et non une simple réforme du système colonial.
La répression coloniale et la radicalisation du mouvement
Face à cette montée du nationalisme, l’administration française réagit par une répression sévère :
- Arrestations massives des leaders nationalistes, dont Bourguiba, envoyé en exil à plusieurs reprises (France, île de La Galite, puis Madagascar).
- Répression sanglante des manifestations, notamment celles de 1938, où plusieurs nationalistes sont tués par les forces coloniales.
- Interdiction du Néo-Destour et surveillance accrue des militants indépendantistes.
Malgré cela, la Seconde Guerre mondiale va modifier le rapport de force en faveur du nationalisme tunisien. La défaite de la France face à l’Allemagne en 1940 affaiblit son autorité sur ses colonies. Bourguiba, alors en détention, perçoit cette faiblesse et mise sur un soutien international pour faire avancer la cause tunisienne.
L’après-guerre : un contexte favorable à l’indépendance
Après la Seconde Guerre mondiale, un vent de décolonisation souffle sur le monde. Plusieurs anciennes colonies revendiquent leur souveraineté, et la France elle-même est fragilisée par la guerre d’Indochine et les débuts de la guerre d’Algérie.
En Tunisie, le Néo-Destour relance son combat :
- En 1949, Bourguiba rentre de son exil et relance les revendications nationalistes, cette fois avec un discours plus international, en cherchant l’appui des Nations Unies et des États-Unis.
- En 1952, les manifestations et les actions de résistance se multiplient, provoquant une réponse brutale des autorités françaises, qui emprisonnent encore une fois Bourguiba et ses compagnons.
- Une guerre asymétrique éclate, où des groupes armés indépendantistes mènent des actions de guérilla contre les forces françaises.
Face à cette situation explosive, la France comprend que le maintien du protectorat est de plus en plus intenable. Elle est également préoccupée par la guerre d’Algérie (1954-1962), qui mobilise déjà une grande partie de ses ressources militaires.
Les négociations et la proclamation de l’indépendance
En 1954, Pierre Mendès France, alors président du Conseil en France, annonce des réformes importantes pour accorder une autonomie interne à la Tunisie. Cette décision marque le début de la fin du protectorat.
S’ensuivent des négociations entre la France et les leaders tunisiens, menées principalement par Tahar Ben Ammar et Habib Bourguiba. Ces discussions aboutissent aux Accords de l’Autonomie interne, signés en 1955, permettant à la Tunisie de gérer ses propres affaires tout en restant sous souveraineté française.
Mais cette autonomie n’est qu’une étape transitoire. En mars 1956, après d’ultimes négociations, la France accepte de reconnaître l’indépendance totale de la Tunisie, qui est officiellement proclamée le 20 mars 1956.
Lamine Bey devient alors le chef de l’État, mais rapidement, Bourguiba impose un changement radical en proclamant la République le 25 juillet 1957, mettant fin à la monarchie beylicale et devenant le premier président de la Tunisie indépendante.
Conclusion : Une indépendance obtenue par la lutte et la diplomatie
La chute du protectorat français en Tunisie est le résultat d’un combat de plusieurs décennies, alliant mobilisation populaire, résistance armée et diplomatie habile. La Tunisie a su tirer parti du contexte international favorable à la décolonisation pour imposer son indépendance sans sombrer dans un conflit aussi long et meurtrier que la guerre d’Algérie.
Depuis, le 20 mars reste une date symbolique et un rappel du courage et de la détermination du peuple tunisien à obtenir sa liberté.