Portraits d'artistes

Interview avec Amina Ben Smail, la Rising star tunisienne

Nous sommes allés à la rencontre d’Amina Ben Smail, une actrice au sourire élastique révélée par le court métrage ‘Best Day Ever’ du projet ‘Tunisia Factory,’ qui a fait l’ouverture de La Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes de 2018. Amina compte plusieurs cordes à son arc, touchant à la fois au théâtre et au cinéma.

L'actrice au profil multi-facettes se confie à cœur ouvert en interview.

Une rencontre tout en douceur, en réflexion et en sincérité mais surtout, une lueur d’espoir pour le cinéma tunisien..

Qui est Amina Ben Smail ?

J’ai 23 ans, j’habite à New York, tunisienne avec des origines italiennes et françaises.

J’ai à mon actif un bachelor en anthropologie et en arts visuels et je continue actuellement mon parcours d’acting à l’Actors Studio Drama School à NY. Parallèlement, je débute ma carrière d’actrice.


Quels sont vos centres d’intérêt ?

J’aime beaucoup le jeu, le théâtre, le cinéma, et la littérature en général me fascine; l'héritage familial n'y est pas étranger puisque mon père est éditeur. J’adore aussi sortir, voyager, et j’ai une passion pour la peinture.

Quand avez-vous découvert votre passion pour le cinéma ?

Ça a commencé tôt mais je ne m’en doutais pas; mon père me filmait à 6 ans et j’étais à l’aise devant la caméra... Jusqu’à peu de temps, je n’envisageais pas d’en faire mon métier: c’était un simple rêve.


Pouvez-vous nous parler de votre parcours.

J’ai fait une terminale L au Lycée Pierre-Mendès-France de Tunis puis j’ai choisi de me lancer dans des études d’anthropologie à Bowdoin College, dans le Maine (USA). Pendant ces 4 années, j’ai passé un an à Paris dans le cadre d’un échange à Paris et c’est là que j’ai eu un déclic.

Lors d’un spectacle d’Olivier Sauton, comédien et metteur en scène à Paris, ce dernier a annoncé qu’il donnait des cours de théâtre; j’y suis allée avec mes copines et c’était LA révélation qui m’a transformée. A cette époque, l’anthropologie ne me comblait plus : c’était très académique et pas assez ludique pour moi. J’ai donc fini par appeler mes parents. Ils étaient surpris au début mais m’ont encouragée par la suite à changer de parcours.

‘A la fin de sa vie, ton grand-père m’a dit qu’il aurait voulu être chanteur ; Je ne veux pas que tu aies les mêmes regrets,’ m’a confié mon père, ‘et puis, tu as déjà un diplôme en poche, tu ne prends pas de gros risques’.

Après de longues recherches, j’ai constaté que les meilleures écoles d’acting étaient à Londres ou aux USA et qu’il était difficile d’y entrer. J’ai donc pris des cours avec Christophe Lavalle à Paris, qui a été vraiment mon premier mentor. C’était un réel travail de collaboration ; il ne parlait pas couramment l’anglais donc on s’entraidait pour parvenir à préparer 4 monologues : du classique au moderne.

Je pensais devoir postuler plus d’une fois mais j’ai été acceptée à l’école Actors Studio à NY après une seule audition. J’en suis maintenant à ma 2ème année de master. C’est une école de renommée internationale dont les présidents sont les fameux acteurs Alec Baldwin, Ellen Burnstyn, et Al Pacino.; Plusieurs célébrités s’y sont formées notamment l’acteur américan Bradley Cooper.

En parallèle, j’ai fait un stage à Cannes sur le tournage du film ‘L’amour des hommes’ de Mehdi Ben Attia; Hafsia Herzi (qui y joue) était d’ailleurs une des premières personnes qui m’ont encouragée : Elle m’a présentée à Roberto Almagia (manager italien de Media Vision Artists) et à Abellatif Kechiche.

Beaucoup de gens m’ont aidé et m’ont appris les ficelles du métier: J’ai eu la chance de rencontrer Amy Hargreaves (des séries ‘13 Reasons Why’ et ‘Homeland’), une personne qui m’a énormément soutenue.

Quelle est l’audition qui vous a le plus marquée ?

L’audition qui m’a le plus marquée est celle que j’ai dû passer pour être admise à mon école: Ils me demandaient d’aller dans des extrêmes, que je m’énerve à en devenir presque hystérique. J’ai joué le jeu et ça leur a plu puisque que j’ai été accepté de suite.

Pouvez-vous nous parler de Tunisia Factory ?

J’ai auditionné en décembre quand j’étais en Tunisie pour des vacances; Dora Bouchoucha, qui est une amie de ma mère m’a parlé de l’audition. Elle m’a envoyé le contact de Houcem Slouli et j’ai auditionné sachant que je savais que je ne pourrai pas assister au tournage (en Mars) qui se déroulerait pendant ma période d’examens.
Après de multiples entretiens, on m’a convoquée pour jouer ; je me suis débrouillée avec l’école pour rentrer à Tunis pour le tournage. L’ambiance y était parfaite, Anissa et tout le reste de l’équipe m’ont apporté beaucoup de soutient. C’était une famille pour moi. Cette expérience m’a beaucoup marquée.

Qu’avez-vous aimé dans le personnage de ‘Halima’ ?

C’est un film qui retrace le quotidien d’une famille tunisienne de classe moyenne à travers des petits quiproquos. Ça montre entre autre les conséquences d’un manque de communication.

Dans ce court métrage, j’ai 17 ans, entre l’enfant et la femme : c’est précisément sur ce point que j’ai pu me reconnaître en Halima. Grandir, devenir femme, découvrir son désir, tout en restant attachée à un cocon familial n’est pas facile. Et puis Halima est poussée à un extrême qu’Amina ne connaît pas. C’est là que s’est présenté le plus gros challenge.  


Quels sont vos projets sur le court terme ?

A New York, j’ai joué dans plusieurs films d’étudiants de l’université de Columbia. J’ai également joué dans des films indépendants (un court et un long métrage). A Tunis, J’ai récemment collaboré avec Fatma Daldoul pour un court métrage sélectionné au concours du Goethe Institut et du CNCI: il est en montage sera sur écran en Octobre. Je joue aussi dans plusieurs pièces de théâtre chaque année avec l’Actors Studio à NY.

Comment vous faites pour évacuer le stress ?

On nous apprend à l’école une forme de méditation/relaxation pour évacuer les tensions physiques et morales où il s’agit d’harmoniser le corps et l’esprit. Et puis le métier d’acteur c’est ‘jouer’, donc j’essaye de ne jamais oublier de prendre du plaisir.

Quelles sont tes films références en matière de cinéma

Pulp fiction, c’est un film culte ! J’adore les films de Tarantino en général, ceux de Xavier Dolan, Martin Scorsese, Guillermo Del Toro, Wes Anderson, Danny Boyle.

Hafsia Herzi ou Lakeith Stanfield par exemple, qui ont commencé de rien et qui se sont construits eux-mêmes, sont des acteurs qui m’inspirent énormément. 

Cette année j’ai adoré Get Out, The Shape of Water I,Tonya et Call Me By Your Name où les personnages utilisent des langues que je parle (anglais, français et italien). En termes de films tunisiens, j’aime les films de Kaouther Ben Hania, Walid Mattar, et Abdelatif Kechiche, entre autre.


Que pensez-vous du cinéma en Tunisie ?

Le cinéma tunisien semble connaitre un nouveau souffle ; je suis contente de l'évolution dynamique du secteur, de son effervescence. Il y a une nouvelle génération qui apporte un élan au cinéma tunisien et les sujets des films sont de plus en plus intéressants.

Un message pour les jeunes qui veulent emboîter votre pas ?

Il est préférable de passer par le théâtre pour arriver au cinéma : c’est la philosophie de toutes les écoles d’Amérique. C’est faux de dire que le jeu est un don ; il faut vraiment y travailler.

Il faut être persistant, c’est un métier où il y a plus de ‘non’ que de ‘oui’ ; Il ne faut surtout pas le prendre personnellement et se dire que ça va finir par marcher.

Il faut être quelqu’un d’aimable, d’ouvert ; une personne avec qui on a envie de travailler parce qu’on se fait très vite une réputation même dans les grandes villes.

Il n’y a pas de secrets, il faut travailler et dire oui à tous les projets.

Crédits photos : Emna Jaidane

Pour contacter Amina :

Site web : aminabensmail.com

Instagram : aminabs

S.J