Et si l’on vous disait que vous compreniez le Maltais, et le parliez presque couramment ? si si, vous en êtes capables, testez par vous-même en écoutant l’un des morceaux phares du groupe The Travellers, dont le titre Ximx u Xita en dit long, nom de l’album par ailleurs, ça vous dit quelque chose ? et oui c’est littéralement « Chams w Chté » en tunisien dialectal, ce qui veut dire « Soleil et Pluie » ! Évidemment j’exagère mais, ce n’est pas faux non plus.
En tête des commentaires Youtube du single en question, SamInDaFKNClub a écrit :
“I'm tunisian and I understand every word We are very similar though ! nifhim l malti hafna (is it true ?)”?
En réponse, on lit plus loin Zied Zayani :
“A language is a dialect with an army and navy.”
Le groupe a été fondé en 2013 avec la volonté de faire quelque chose de diffèrent sur la scène de musique Maltaise. Les membres sont tous originaires de l’île Gozo, siège de la plus grande ville du pays, Rabat, et l’île secondaire de l’archipel Maltais. En effet, en matière de transport, ils ne font pas l’exception : tout comme les habitants de Gozo, ils se déplacent essentiellement en bateau vers le centre de l’île, d’où l’inspiration du nom de leur groupe. Leur 1er single Semplicità sorti en 2016 fut un succès immédiat et les deux singles suivants sortis la même année furent en tête des charts Maltais. Les tournées s’enchaînent, et le groupe fait écho. En Tunisie, certains ont pu les voir dans le Comptoir de Tunis au centre-ville de Tunis, mais comme vous le constatez, internet a suffi au groupe pour constituer un fanclub Tunisien assez important.
Notre attachée de presse Noura Abdelhafidh, Architecte Tunisienne basée à Malte, nous livre en détails une rencontre inédite avec le boys band Maltais, dans une ambiance conviviale et décontractée, au sein même de leur studio de répétition dans la périphérie de Al Qala, à Hondoq ir-Rummien.
L’aventure commence un après-midi du Samedi à La Valette, Noura et son amie, architecte aussi, prennent le bus en direction de Mellieha, au nord de l’île principale, plus précisément vers le port de Cirkewwa pour prendre le ferry en partance pour l’île de Gozo. Arrivées à bord, Mgarr, la ville portuaire de Gozo, nos deux architectes enchaînent le trajet avec un bus vers Il Qala, où elles vont direction Hondoq. Cette fois le trajet s’arrête ici.
L’accueil fut chaleureux et les six membres du groupe étaient présents, les filles s’installent et firent les présentations de :
Clayton Bonello, basse
Joseph Xerri, Trompette
Chris Gatt, Chant principal
Andrew Vella, Guitare et back vocal
Sylvano Mizzi, Saxophone
Michael Camilleri, Batterie
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
On est tous de Gozo, et 90% de nos amis ont été avec nous à l’école à Gozo. Pour les études on est tous venu au Sud et depuis, on y vit. Vous savez, ici, tout le monde se connait !
Comment faîtes-vous pour répéter ?
On se rencontre presque tous les jours ici, c’est la zone industrielle maltaise, notre studio est basé ici, on y passe beaucoup de temps, et on y vit aussi. On se voit surtout pendant les weekends pour répéter, ayant tous un travail un plein temps excepté l’un de nous qui est étudiant en médecine, on essaye de s’organiser comme on peut. Nos rencontres sont essentiellement à partir de 18H00, 19H00, allant jusqu’à minuit. On a d’une à trois journées de repos, car on a tous notre petite vie à mener. On espère un jour ne faire que de la musique, et rien d’autre que la musique
Comment ont été les débuts de l’aventure The Travellers ?
La bande s’est agrandit peu à peu, moi-même je chantais et jouait de la batterie (Chris), Michael était batteur professionnel et Sylvano jouait au saxophone, Joseph qui jouait la trompette et Clayton à la basse nous ont contacté pour répéter ensemble, puis on cherchait quelqu’un qui pouvait faire le back vocal et jouer à la guitare, d’où la rencontre avec Andrew à qui on a mis la pression (rires), c’était soit chant et guitare, soit rien, et il pouvait le faire ! On a commencé en 2013 avec des reprises en anglais de groupes connus dont un Maltais qui est The Tramps des années 70, mais on avait en tête quelque chose de différent, et surtout de Maltais bien évidemment, mais à l’époque on avait commencé à écrire en Anglais.
Au début, pour le nom du groupe, on cherchait un nom facile à retenir en Malte, mais simple et universel aussi.
Après deux ans, on a s’est orienté vers le Maltais et réalisé 5 morceaux en guise de test. On a donné les enregistrements à nos amis pour écouter, au début ils trouvaient cela étrange et nous disaient « pourquoi en Maltais!?» mais on a persisté et on voulait vraiment changer les choses dans la scène musicale Maltaise. C’est très dur à entendre le Maltais, et encore plus dur à écrire et composer, surtout que l’on ne possède pas vraiment de références modernes sur laquelle on pourrait baser nos jugements et tout. Cela nous a pris beaucoup de temps avant de pouvoir écrire en Maltais une musique contemporaine, en fait, c’était le plus grand défi.
Ensuite on s’est mobilisé pour trouver l’argent afin de faire une vidéo, nos amis ont beaucoup aimé et ainsi va l’aventure.
Ces deux dernières années on a fait beaucoup de shows à Gozo, les gens se connaissent ici
Après vous êtes devenus des stars ?
Après les choses se sont accélérées, notre musique a fait du bruit en Malte d’abord, ensuite on a été surpris par le feedback qu’on a reçu de la Tunisie, Maroc, Syrie et le Sud de la Turquie, où on a été invité pour jouer d’ailleurs !
Et effectivement on a été invité pour des festivals car plus on produisait des singles plus ça marchait !
On a joué en Espagne aussi et c’était très intéressant, ensuite on a enchaîné avec une tournée en Allemagne où on a été surpris de la réaction du public ! Imaginez ! Ils ne comprenaient rien mais ils ont aimé notre musique quand même, il y’avait de très bonnes vibrations et c’était génial.
Il y’avait peut-être des Maltais dans le public ?
Certainement, Il y avait quelques Maltais ! C’était une grande expérience !
L’année dernière on a eu notre première performance en Tunisie
Où est-ce que vous avez joué en Tunisie et comment c’était ?
On a joué dans un restau-bar qui s’appelle Le Comptoir de Tunis, c’était notre première visite en Tunisie.
On était déjà en contact avec les Tunisiens et eu un feedback très encourageants avec des commentaires Youtube vraiment positifs.
On a des contacts de confiance là-bas. Quand on était arrivé, on y a passé 5 jours, dont un jour pour la performance et le reste des rencontres, des promenades...Vous savez, on a constaté que presque 40% des gens qui nous suivent ne sont pas Maltais, cela est très positif pour nous.
Le volet vidéo a joué un rôle important dans votre musique, comment faites-vous ?
Le fait que les gens viennent à nous, c’est en partie grâce aux vidéos qu’on fait, on investit une grande partie de notre temps et de notre argent pour cela. Cela accompagne le message derrière notre musique. On peut sortir un single sans vidéo, cela ne marcherait pas autant qu’avec une vidéo et n’aurait pas autant d’intérêt.
Aujourd’hui, le social media joue un rôle crucial dans la communication de nos productions, il y a dix ans, cela était presque impossible d’avoir un feedback instantané. Après le lancement de notre première vidéo, notre morceau est passé sur l’une des radios les plus importantes à Malte ! On était en train de défier la scène musicale locale sans le savoir, c’est rare d’entendre passer à la radio de la musique contemporaine chantée en Maltais.
Comment produisez-vous votre musique ?
On s’y met tous, on produit ensemble toute la musique, jusqu’à la vidéo.
Pour nous, c’est un grand challenge en termes de qualité et de budget pour faire une vidéo d’un single qui soit à la hauteur de notre public. Vous pouvez trouver notre dernier album sur spotify et évidemment sur les réseaux sociaux et Youtube, on a encore de projets pour le management de notre musique.
Ensuite on a nos tournées et concerts, mais en même temps, on doit produire un autre EP, et du coup une autre vidéo, ce n’est pas vraiment un business rentable, parfois, on se retrouvait sans aucun sous, mais la passion nous unit et nous pousse à continuer, à investir plus de temps et d’argent !
Quels genres de musique écoutez-vous ?
On écoute différents genres de musique, on a des goûts très différents, l’un aime les bandes sonores de films classiques, l’autre préfère jazz, on vient d’univers musicaux très variés mais on était tous passionnés.
Cela a donné à notre musique un timbre allant du pop, folk, indie au reggae fusion qui est accentué par les arrangements du saxophone et la trompette. Quoique chaque morceau a sa propre histoire, et les rythmes se chevauchent du thème sombre et triste au coloré et jovial.
On ne se limite pas vraiment, mais le thème principal reste autour des problèmes sociaux et du voyage, l’immigration…Parfois, nos paroles peuvent être abstraits et insaisissables afin de livrer à l’auditeur les sentiments et les émotions derrière le texte, pas seulement des mots.
Comment vous organisez-vous dans le groupe ?
Quand on a des désaccords sur certains aspects du projet, cela arrive à tous, on essaye d’en parler jusqu’à ce qu’on trouve un juste milieu. Personne n’est plus important que le groupe, on est 6 individus qui se connaissent et travaillent ensemble depuis 5 ans et on essaye d’être équitable entre nous, on a les mêmes buts après tout. On n’a pas de manager, on est notre propre manager, et on se partage les tâches équitablement, l’un s’occupe des concerts privés, les réseaux sociaux, les idées de vidéos et musique, la composition musicale, les paroles, la coordination entre les membres, l’aspect financier, les spectacles et les tournées publiques
Les meilleurs moments Live ?
MTV Malta, c’était de loin le concert le plus grand et le plus impressionnant dans lequel on a joué, il y’avait plus de 50 milles personnes, on se sentait comme des stars mondiales avec notre cabine personnelle le backstage et tout le délire !
Mais le plus fun des spectacles à nos débuts, c’était un concert plus restreint avec 600 personnes au Hondoq Fest où on a joué une heure et demi très peu de reprises et beaucoup de nos chansons originales jouées et écoutées par le public pour la première fois, c’était grandiose, le feeling était unique.
On a joué bien évidemment dans notre ville natale Gozo, ce qui était très important pour nous les membres, c’était dans la place principale de la ville durant le compte à rebours du nouvel an, c’était quelque chose !
Quels sont vos projets futurs ?
On espère avoir une performance prochaine en Tunisie (rire), vraiment on espère y revenir ainsi qu’au Maroc, Syrie et l’Espagne. L’an passé on a été booké de Janvier à Novembre mais c’est une erreur qu’on ne refera pas car cela va au détriment de la production musicale donc là on a des plans d’action sur 3 ans, on prépare un projet que l’île n’a jamais vu encore, vous allez découvrir bientôt la nouvelle sur les réseaux sociaux. On espère d’abord continuer à faire ce que l’on fait déjà pendant les prochaines années, on rêve de se focaliser uniquement sur notre musique, étant tous des salariés ou engagés autrement, on envisage des collaborations, même si cela est dur en Maltais, et que la scène musicale ici est devenue peu à peu compétitive, mais cela nous donne encore plus de volonté.
Par ailleurs, c’est quoi vos boulots respectifs ?
Vous êtes très curieuse! (rires)…Eh bien Michael est musicien batteur à plein temps et joue avec d’autres artistes sur la scène internationale, Sylvano est étudiant en médecine, Clayton est dans la restauration, Joseph est designer graphique, il joue du Djembé aussi, et Andrew est professeur enseignant en physique !
Merci pour cette rencontre, voulez-vous transmettre un message à la Tunisie ?
Eh bien on aimerait avoir un autre concert en Tunisie, aussi bien que celui de la dernière fois, et puis voilà !
Pour nous c’est magnifique de vous voir et découvrir que les gens écoutent notre musique, même sans comprendre notre langue, c’est surprenant !
Des fois on a des vidéos de notre musique enseignées dans des écoles pour être apprise par cœur et ainsi apprendre la langue, cela fait chaud au cœur.
Merci d’être venues !
Interview vocale et photos réalisées par Noura abdelhafidh
Propos recueillis, transcrits et édités par HADDOUK Asma