Dans ce deuxième épisode de La diaspora qui rentre pour entreprendre, six Tunisiens, nés ou formés à l’étranger, illustrent le phénomène du « reverse brain drain ». Ils mettent leurs compétences et leurs idées acquises à l’international au service du développement local, qu’il s’agisse de l’environnement, de l’art, de la tech ou de l’entrepreneuriat social.
Sarah Toumi

Née en 1987 à Paris d’un père tunisien et d’une mère française, Sarah Toumi grandit en France avant de s’installer à Tunis en 2012. Formée à l’Université Paris-Sorbonne, elle fonde en 2008 l’association Dream in Tunisia, un incubateur pour étudiants en environnement. En 2012, elle lance le projet Acacias for All à Bir Salah (Sfax), visant à lutter contre la désertification en plantant des acacias et du moringa. Ce projet a permis la plantation de plus de 130 000 arbres sur 20 fermes pilotes, avec une majorité de femmes agricultrices impliquées. En 2016, Sarah Toumi est lauréate des Rolex Awards for Enterprise, devenant ainsi la première Tunisienne à recevoir ce prix. Elle est également nommée dans le classement Forbes 30 Under 30 en 2016. En 2017, elle reçoit le Prix Takreem pour le développement environnemental et la durabilité. En 2021, elle rejoint le Great Green Wall Accelerator de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), visant à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées en Afrique.
Achraf Aouadi & Rim Bourguiba

Achraf Aouadi et Rim Bourguiba, tous deux ingénieurs en informatique, ont quitté la Tunisie en 2013 pour travailler en Allemagne. Leurs carrières respectives dans la vente (Achraf) et la gestion de la qualité (Rim) leur ont permis de voyager à travers le monde, mais ils ont souvent été frustrés par le manque d’expériences de voyage authentiques. C’est cette lacune qui les a poussés à fonder WildyNess en 2022, une plateforme dédiée à la création d’expériences de voyage immersives en Tunisie.
Le concept de WildyNess repose sur une approche participative du tourisme durable, en collaboration avec les communautés locales. L’entreprise propose des expériences telles que des randonnées dans le désert de Tozeur, des séjours immersifs dans le parc national de Bouhedma, et des découvertes culturelles à travers le pays. Ces activités visent à offrir aux voyageurs une immersion authentique dans la culture tunisienne, tout en soutenant les petites entreprises locales souvent exclues du circuit touristique traditionnel.
En 2024, WildyNess a franchi une étape importante en levant des fonds pour soutenir son expansion. L’entreprise prévoit d’étendre ses activités au-delà de la Tunisie, avec des projets en cours en Algérie, en Arabie Saoudite, aux Émirats Arabes Unis et en Oman
Mehdi Ben Cheikh

Né en 1974 à Tunis, Mehdi Ben Cheikh est un galeriste franco-tunisien passionné par l'art urbain et contemporain. Il fonde la Galerie Itinerrance à Paris en 2004, dédiée à la promotion de l'art urbain. Parmi ses projets les plus emblématiques, on retrouve Djerbahood, un musée à ciel ouvert dans le village d'Erriadh sur l'île de Djerba. En 2014, il invite plus de 150 artistes de 30 nationalités différentes à réaliser environ 250 fresques murales, transformant ainsi le village en une galerie d'art à ciel ouvert.
Ce projet a été un véritable succès, attirant l'attention internationale et revitalisant le tourisme local. En 2015, Mehdi Ben Cheikh reçoit la distinction honorifique de chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres, ainsi que le Prix Méditerranée du livre d'art et le Prix Bernier de l'Académie des beaux-arts pour son ouvrage sur Djerbahood.
Son engagement dans l'art urbain et sa capacité à fédérer des artistes du monde entier ont fait de lui une figure incontournable dans le domaine de l'art contemporain.
Omezzine Khelifa

Née le 7 juillet 1982 à Carthage, Omezzine Khelifa grandit à La Marsa, dans la banlieue nord de Tunis. Après l’obtention de son baccalauréat en mathématiques, elle part en France à 19 ans pour poursuivre ses études. Elle intègre l’École nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées de Grenoble (Ensimag), où elle se spécialise en télécommunications et en informatique. Elle travaille ensuite dans le secteur financier à Paris, notamment pour la Société Générale Investment Banking et des entreprises de fintech.
En 2011, à la suite de la Révolution tunisienne, elle quitte son poste en France et retourne en Tunisie pour participer à la transition démocratique. Elle rejoint le parti Ettakatol, devient membre du bureau politique et conseille les ministres du Tourisme (2012-2013) et des Finances (2013-2014) lors des gouvernements de transition.
En 2016, elle fonde l’organisation Mobdi’un - Creative Youth, visant à promouvoir l’inclusion sociale des jeunes à travers l’art, la culture, le sport et la technologie. Cette initiative s’adresse particulièrement aux jeunes issus de quartiers populaires de Tunis, leur offrant une plateforme pour s’exprimer et créer de nouvelles opportunités de vie.
Omezzine Khelifa a été reconnue par plusieurs organisations internationales pour son engagement. Elle a été désignée Young Global Leader par le Forum économique mondial en 2014, la première Tunisienne à recevoir cette distinction. Elle a également été boursière de la Hammamet Conference Series en 2015, du programme New Voices de l’Aspen Institute en 2017, et a fait partie du groupe inaugural de Obama Foundation Scholars à l’Université de Columbia en 2018.
Ezzedine Cherif

Né le 7 mars 1997, Ezzedine Cherif a grandi en Tunisie. Après des études en comptabilité en France, il retourne à Tunis en 2018 et intègre l’IHEC Carthage, où il poursuit des études en gestion. C’est au contact de l’écosystème entrepreneurial tunisien qu’il identifie un besoin crucial : l’accompagnement juridique et administratif des jeunes porteurs de projets. En réponse à ce défi, il fonde Startup Factory en 2018, une structure dédiée à la création d’entreprises, offrant des services tels que la constitution juridique et administrative de sociétés.
En 2019, Ezzedine Cherif lance Split, une application de covoiturage visant à améliorer le transport en commun en Tunisie. Cette super-app permet aux utilisateurs de partager leurs trajets, favorisant ainsi la mobilité durable et la solidarité entre citoyens. Bien que l’application continue d’opérer, Ezzedine a quitté la direction en 2023 pour se concentrer sur de nouveaux projets.
Outre ses activités entrepreneuriales, Ezzedine est également reconnu pour son engagement social. En 2022, il est nommé Social Entrepreneur of the Year par TotalEnergies, une distinction qui souligne son impact positif dans la société tunisienne. Il est également membre du comité de la British Tunisian Society, une organisation dédiée à la promotion des échanges culturels et économiques entre le Royaume-Uni et la Tunisie.
Leila Ben-Gacem

Née en 1969 en Tunisie, Leïla Ben-Gacem a grandi dans un environnement multiculturel. À l'âge de trois ans, elle accompagne sa famille aux États-Unis, puis aux Émirats arabes unis en 1972, où elle vit pendant quatorze ans. Elle poursuit des études d'ingénierie biomédicale à l'université de Boston, avant de travailler dans diverses entreprises telles qu'IMM en Tunisie, Hewlett-Packard en Allemagne et Assada Medical en Libye.
En 2006, elle fonde Blue Fish, une société de conseil visant à améliorer les dynamiques socio-économiques du patrimoine culturel tunisien, en particulier à travers l'artisanat féminin. En 2009, elle initie Sougha Est au sein du Khalifa Fund for Enterprise Development à Abu Dhabi, visant à aider les femmes artisanes émiraties à développer leurs entreprises locales.
En 2013, Leïla Ben-Gacem retourne en Tunisie et fonde Dar Ben-Gacem, un hôtel-boutique et une entreprise sociale située dans une maison de la médina de Tunis, ayant appartenu à une famille pendant 300 ans. L'objectif principal est de contribuer au développement de la médina tout en soutenant la communauté locale.
En 2017, elle fonde Dar El Harka, le premier espace de coworking dans la médina de Tunis, destiné aux industries créatives. Elle est également membre élue du conseil municipal de Béni Khalled depuis les élections municipales de 2018.
Leïla Ben-Gacem est reconnue pour son engagement en faveur de la jeunesse et de la culture tunisiennes. Elle a reçu le Prix Fatima al-Fihriya en 2017 et a été élue Ashoka Fellow en 2016, soulignant son impact dans le domaine de l'entrepreneuriat social.
