Portraits d'artistes

Karim El Hayawan, un artiste à multiples facettes

Karim El Hayawan est un architecte et un « street photographer » d’origine égyptienne. Après des études au sein de l’Ecole d’Architecture Ain Chams Univertsity au Caire, il ouvre son cabinet où il se découvre, grâce aux encouragements de son entourage, une passion pour la photo. Il est parmi nous à Tunis, pour une visite guidée virtuelle du Caire !


  • Depuis quand pratiques-tu la photographie ? 

Déjà, dans le cadre de mes études et de mon travail d’architecte, j’ai souvent été amené à prendre des photos, certes purement techniques, mais très souvent appréciées par mes profs…  Puis un jour, une camarade de classe m’a proposé de créer un compte instagram. A cette époque, je trouvais l’application plutôt futile, où les abonnés exhibaient leur manucure, ou prenait en photo leurs assiettes (rires). Pour moi, c’était loin de l’idée que je me faisais de l’art. J’ai quand même fini par créer un compte pour publier mes photos prises avec un iphone. C’est à ce moment-là que l’on m’a proposé de faire un stage en photo, afin de me perfectionner. J’étais le disciple d’un professionnel de Reuters tout de même ! Il m’a notamment appris la technique de la caméra. Pendant sept semaines, j’ai été mis à l’épreuve et appris à me surpasser…

  • Qu’est ce qui te touche le plus dans la ville du Caire ? 

Le Caire est une ville riche en diversité, elle m’inspire tellement de sujets ! Et ce qui m’attire le plus dans cette ville et dans la vie en général, c’est le contraste. Entre autres, le contraste entre mon métier d’architecte intérieur de luxe, et mon hobby de photographe de rue, où je montre notamment le peuple et la vie dans la rue (le marchand de poissons, le barbier, le serveur…).


  • Mis à part les photos « classiques » de la rue, tu as réalisé d’autres travaux plus étudiés avec un sujet prédéfini, peux-tu nous en parler ?

Oui, étant donné que la street photography n’a pas évolué depuis les années 70, les artistes photographes se doivent d’évoluer et de suivre la tendance de l’art contemporain qui lui en revanche, n’a cessé de se développer depuis ces années-là. C’est alors que je me suis décidé à réaliser des projets artistiques tels que « Hands » exposé lors de la biennale de Cape Town en 2015. Celui-ci montre une série de photos prises au souk, où j’ai focalisé sur les mains. En effet, nous sollicitons nos mains tous les jours pour payer, saluer quelqu’un ou nous appuyer contre quelque chose. Dans ce projet, j’ai utilisé la photo de rue, mais avec un concept. Certaines photos décrivent à elles seules l’Egypte.



J’ai également élaboré un projet sur le taxi du pauvre, intitulé « Touk-Touk » et qui représente notre transport en commun phare au Caire. J’ai utilisé un format de photo inspiré du niqab, pour montrer l’intolérance et parfois l’étroitesse d’esprit du peuple égyptien. De plus, j’ai voulu mettre l’accent sur l’aspect de compression et d’étouffement des gens qui utilisent ce type transport. Les « Touk-Touk » sont à l’image du pays : surpeuplés, stressés, et en mouvement ! D’où mon envie de monter la photo avec un champ de vision si étroit… En outre, j’ai fait un livre qui s’intitule « Forgotten Rooms », sur les pensionnats du Caire, et qui sortira en Décembre 2016.





  • Te considères tu plutôt architecte ou photographe ? 

  • J’ai commencé la photo avec le travail, puis c’est devenu un loisir. Il n’y a aucune retenue dans la photo, aucun calcul, on suit son intuition, c’est ce qui me plait. Le travail en studio ne m’intéresse pas, j’aime le contact qui se créée avec les gens dans la rue, chaque photo raconte l’histoire d’un lieu, ou d’un instant, et c’est cela qui me fascine dans la photographie de rue d’ailleurs. En revanche, dans le métier d’architecte, il y a beaucoup moins de liberté, et plus de responsabilités. Il n’y a pas de place à la spontanéité… Par conséquent, je ne peux pas classer mes deux activités, en sachant que les enjeux sont différents. Cela dit, j’aime la sensation de liberté que me procure la photographie.


  • Quelles sont tes références dans la photographie ? 

Dans la photo classique, j’apprécie le travail de Vivian Meyer, ou de Bruce Gilden… Maintenant dans le plus moderne, je porte une grande admiration pour Martin Parr qui a réussi à travers ses photos à exprimer parfaitement la vulgarité et l’absurdité de la société britannique. Ses images dans des couleurs criardes et kitsch, représentent la surconsommation, la superficialité du monde dans lequel nous vivons… Egalement Michael Wolfe qui fait un excellent travail sur Tokyo et la densité de sa population.


  • On remarque un regain d’intérêt pour le noir et blanc, et toi tu n’en fais quasiment pas, pourquoi ?

J’aime trop les couleurs ! Pour moi les couleurs c’est la distraction, c’est beau, ça me parle plus ! Le noir et blanc au-delà du sentiment de nostalgie ou de tristesse qu’il suscite, il fait un focus sur le sujet. Moi j’aime distraire avec mes photos, sans aller directement au sujet. Je veux faire ressortir les couleurs que je vois, les couleurs ont un effet magique, elles embellissent notre monde, bien assez gris déjà…  




  • Des projets à Tunis ? 

Oui, je suis actuellement en collaboration avec Nourchène Bahri, architecte d’intérieur tunisienne, pour l’ouverture à La Marsa d’un espace dédié à l’exposition de meubles et d’objets d’art en pièce unique, et dans des modèles exclusifs. Parallèlement, j’aurai le plaisir et l’honneur d’exposer pour la première fois ici en Tunisie. Je ne peux pas encore révéler de dates, ni le lieu, je tiens à vous faire la surprise ! J’expose également à Londres et en Ethiopie, puis je prépare la sortie de mon livre « Forgotten Rooms » ce mois-ci au Caire. 



Des conseils à donner aux amateurs de photo 

Avant l’aspect technique, en premier lieu il faut savoir ce qui nous intéresse vraiment et quel message on veut transmettre aussi, parce que l’on s’adresse à un public avant tout. Ensuite, penser à l’impact des photos sur le public et les émotions qu’elles procurent. Enfin, il faut savoir qu’il y a des photos ou des projets qui ne peuvent être publiés dans les réseaux sociaux, mais doivent être valorisés dans des expositions. 


Pour ceux qui veulent suivre Karim El hayawan sur instagram, et voir plus de photos :

@Karimelhayawan 

#cairosaturdaywalk


Propos recueillis par Feyza Bellamine