Younes Ben Slimane est un jeune photographe en herbe dont les prises nous ont interpellées. Nous sommes donc allés à sa rencontre à l’Agora pour en savoir plus.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Younes Ben Slimane. J’ai 23 ans, je suis étudiant en architecture. Je suis actuellement en cinquième année. J’ai des origines multiples. Je suis principalement tuniso-algérien mais je ne me suis pas contenté de cela, j’ai fait des recherches et j’ai découvert que mes origines remontaient jusqu’en Irak et en Perse Antique. Non pas que je considère que nos origines définissent notre identité. Je pense que notre identité découle essentiellement de notre vécu et de notre expérience, il ne s’agit donc pas seulement d’un héritage vertical bien que je m’en inspire tout autant. Je pense que nous sommes le fruit de ce que nous sélectionnons de cet ensemble de données que forment l’héritage vertical mais également le vécu.
De tes deux passions pour la photographie et pour l’architecture, laquelle est venue en premier ?
L’architecture est venue non pas en second mais en dernier, car en dehors de la photo, je me suis essayé un peu à tout, notamment à la peinture, au théâtre etc. Mais je considère qu’il y a un lien très fort entre tous ces domaines, une grande énergie positive que je me sens dans le devoir de partager autour de moi. Quand je me visualisais dans le futur, l’architecture me semblait être un terrain tout à fait inconnu et particulièrement grandiose. J’ai donc voulu le décoder, c’est alors que je me suis inscrit à l’école d’architecture à Sidi Bou Said.
A quoi ressemblent tes débuts dans la photo ?
Lorsque j’étais enfant, j’avais tout le temps un appareil photo en main et je ne faisais que regarder à travers l’objectif, je ne prenais aucune photo, j’observais. Ensuite, ma tante, pour m’inciter à aller développer sa pellicule à sa place, me proposait les dix derniers clichés de chaque pellicule. J’avais carte blanche, à condition que j’aille faire développer la pellicule par la suite (rires). Pour moi, c’était un moyen de me comprendre moi-même. Le processus consistait à prendre un moment donné et à le figer. C’était un moyen pour moi de méditer et de contempler ce moment.
Nous vivons dans un cadre bien déterminé, une société bien réglementée mais grâce à la photo, grâce à cette irrégularité que j’opère sur le temps, je sens que je vis et que je fais vivre l’énergie et la folie que j’avais en moi lorsque j’étais enfant.
Pratiquement toutes tes photos sur Instagram semblent recouvertes par un filtre lumineux, est-ce dû à une opération de retouche ultérieure ?
Non, je ne fais aucune retouche sur mes photos. J’utilise un appareil argentique et c’est ce qui donne cet aspect flouté et cette luminosité énigmatique à mes clichés.
Y a-t-il des photos qui ont été construites ou mises en scène ?
Non, il n’y a presque pas de mise en scène, toutes ces photos sont des moments volées à ma vie. Je prends en photo mes amis, à Dogga, au festival Ephémère, à la Médina et partout où nous allons. Certaines photos combinent plusieurs moments volés à la fois. Grâce à l’appareil photo argentique, il est possible de prendre deux clichés et de les superposer. Chose que l’on peut effectuer aujourd’hui avec le numérique avec l’opération de double exposition. Cette possibilité de combiner plusieurs clichés à la fois me parait être encore plus fidèle à la réalité. Je pense que cela représente mieux l’essence de ce qui est vivant, il y a comme un mouvement statique ou un statique mouvant.
As-tu des influences particulières? Littéraires, cinématographiques ou autres ?
Je me nourris de tout ce que je vois, dans la vraie vie ou dans les différentes productions artistiques tous genres confondus. Je nourris mon subconscient qui est le reflet de ce que je produis par la suite. Je veux dire que je ne réfléchis pas à mes influences au moment où je prends une photo mais que ca forme mon instinct, ma perception et ma manière de faire au fur et à mesure que je m’imprègne des productions artistiques que je parcours.
En quoi la photographie t’aide-t-elle dans le domaine de l’architecture ?
C’est principalement une question de lumière. Grâce à la photo, je peux dire que je maitrise la lumière dans le sens où je sais ce que tel rayon lumineux peut donner sur les objets exposés, ce qui m’aide beaucoup dans le domaine de l’architecture.
Est-ce que tu sens une évolution ou une thématique récurrente dans tes photos ?
Je me suis récemment penché sur mes premiers clichés et j’ai découvert qu'en réalité, ce sont pratiquement les mêmes clichés que je prends aujourd’hui. C'est-à-dire que je n’ai pas changé ma manière de faire mais que j’ai plus de maîtrise.
As-tu déjà exposé ?
J’ai exposé en Angleterre. C’était à Londres dans le cadre d’une exposition collective sur les différentes visions du monde dont la Tunisie que j’ai représentée. J’ai aussi exposé trois fois en Tunisie. Une fois à Sfax capitale de la culture, une fois aux JCS, les journées cinématographiques de Sbitla il y a un ou deux mois et encore une fois à Monastir.
Laquelle de tes photos est ta préférée ?
Je pense que ma préférée est une photo que j’ai prise du centre ville de Tunis. J’aime beaucoup les lumières sur cette photo. Il y a aussi cette sorte de portrait à la fois oriental et électronique d’une fille qui n’aime pas être prise en photo mais qui a fait l’objet d’un portrait que je trouve très beau.
Malek Kammoun