Sofian El Fani est un directeur de la photographie, et un artiste transcendant, qui grâce à sa persévérance et sa quête de l’excellence, a réussi à se faire une place parmi les grands du cinéma international. Né à Tunis, d’une mère française et d’un père tunisien, il jouit d’une double culture qui a sans doute été un atout dans son parcours professionnel. Après son baccalauréat, le jeune garçon passionné de cinéma et de cuisine, s’envole pour Paris où il entreprendra des études en histoire de l’art. Il retournera à Tunis une année plus tard, afin d’intégrer l’IMC devenu actuellement l’Ecole des Arts et du Cinéma (EDAC), pour se spécialiser dans l’image. Parmi ses professeurs, de grandes références du cinéma tunisien, à savoir Nouri Bouzid, Fadhel Jaibi, Ahmed Bennys, Kamel Ouannes pour ne citer qu’eux…
En plus, d’un enseignement de grande qualité, Sofian El Fani a eu l’opportunité de participer à des tournages étrangers, notamment celui du film américain aux neufs oscars, «Le patient Anglais » d’Anthony Minghella. Cette expérience en présence d’équipes italiennes, australiennes et américaines fut extrêmement enrichissante et l’une des meilleures pour lui en tant que stagiaire. Appliqué et doté d’une grande capacité d’écoute et d’observation, mais aussi d’une profonde sensibilité, il dispose alors des compétences requises en lumière et en cadrage, si bien qu’on a aussitôt fait appel à son talent sur de nombreux longs métrages tunisiens, mais aussi étrangers.
Et parce qu’il aspire à un cinéma innovant avec une vision internationale, en 2000, il s’installe en France où sa carrière connaîtra une ascension fulgurante !
Abdellatif Kechiche, qui lui aura permis de se surpasser, reconnaîtra en lui le partenaire idéal pour travailler l’image de ses films. Notamment «Vénus noire», «La graine et le mulet», et la Palme d’Or du festival de Cannes 2013 «La Vie d’Adèle». En effet, Sofian El Fani qui est loin d’être un chef opérateur conventionnel, aura une approche basée en particulier sur la relation qu’il établit avec le réalisateur, mais aussi le décorateur, ou les acteurs. La confiance, et l’échange humain avec l’équipe de tournage, sont les éléments clés et indispensables pour mener à bien un projet de film. Sofian El Fani porte une attention particulière au scénario, et aux émotions qu’il pourrait provoquer. D’ailleurs, il intervient souvent à tous les niveaux en ayant pour rôle de valoriser l’histoire, sous l’œil bienveillant du réalisateur.
Lui, qui depuis son plus jeune âge rêvait de passer devant la caméra en tant qu’acteur dans des films à Hollywood, où il endosserait tantôt le rôle d’un soldat, tantôt celui d’un cowboy, se distingue aujourd’hui dans le métier de directeur photo, derrière la caméra.
La consécration aura lieu en 2015, avec le film qui a reçu une pluie de césars « TIMBUKTU » d’Abderrahmane Sissako, et dont celui de la meilleure photo est remis à Sofian El Fani.
La beauté à couper le souffle du lieu du tournage, la complicité avec le réalisateur qui avait un talent de conteur, et l’instinct ont permis à notre chef opérateur de réaliser une performance d’une finesse remarquable, qui a fait du film une réussite absolue !
Parallèlement aux productions étrangères, Sofian El Fani très attaché à son pays la Tunisie, est non moins heureux et fier d’avoir pu travailler depuis l’âge de 18 ans sur des films locaux qui ont connu un succès international. « Poupées d’Argile » de Nouri Bouzid, «Challat » de Kaouther Ben Hania, ou « Les Frontières du Ciel » de Farès Naânaâ sont autant de références où il a fait preuve de rigueur en s’impliquant totalement dans ce qu’il fait. Perfectionniste et attentif au moindre détail, il peut aussi bien assumer le cadrage, la lumière, la manière de découper le film ou parfois la mise en scène. Il est une sorte de chef d’orchestre ou de chorégraphe qui avec sa caméra, donne vie à une histoire.
A l’heure actuelle, Sofian El Fani vient de terminer un long métrage d’une grande production américaine à Atlanta pour la HBO. Le film est tiré d’un best-seller qui raconte une histoire située dans les années 50, d’une noire américaine morte d’un cancer, et dont on a prélevé des cellules pour la recherche scientifique. En outre, un film tunisien est en cours de préparation, et en attente de financement… Je n’ai pas plus détails, faudra patienter les cinéphiles ! Il travaille également sur un projet de film irakien pour lequel il s’est démené pour le faire tourner chez nous, mais pour des raisons de sécurité le tournage aura lieu au Maroc, à notre plus grand regret…
Néanmoins, Sofian El Fani est plein d’espoir pour le cinéma en Tunisie, tant qu’il y’aura des jeunes, compétents, prêts à défendre avec ferveur leurs convictions et à surmonter tous les obstacles, l’amour du cinéma et de la Tunisie vaincra !
Filmographie
2002 : Poupées d’argile de Nouri Bouzid
2009 : Fin Décembre de Moez Kamoun
2009 : Le Fil de Mehdi Ben Attia
2010 : Linge sale de Malik Amara (court-métrage)
2010 : Vénus Noire d’Abdellatif Kechiche
2012 : Soulier de l’aïd d’Anis Lassoued
2013 : Le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania
2013 : La Vie d’Adèle : Chapitres 1 et 2 d’Abdellatif Kechiche
2014 : Timbuktu d’Abderrahmane Sissako
2015 : Les Frontières du Ciel de Farès Naânaâ
2015 : Five Nights in Maine de Maris Curran
2016 : Guyane de Kim Chapiron (Série)
2016 : Ecrits sur la neige de Rachid Mashrawi
2016 : The immortal Life of Henrietta Lacks de Geroges C. Wolfe (HBO)
Feyza Bellamine