Portraits d'artistes

Interview avec Kais Ben Farhat : La photographie ou le reflet de soi


Kais Ben Farhat jeune photographe diplômé de l'Académie d'Art de Carthage. Passionné de la photographie depuis son jeune âge. Il a travaillé dans divers domaines et notamment pour des magazines à l'instar de La Gazelle, IDdéco et l'Economiste Maghrébin. Kais Ben Farhat s'est imposé dans la communauté grâce aux prix nationaux qu'il a reçus et aux expositions auxquelles il a participé et qui lui ont valu une notoriété dans son domaine professionnel.



Et si vous nous parliez de vos premiers pas dans la photographie?

J'ai commencé à développer sérieusement ma passion pour la photographie à l'âge de 21 ans en 2007. Il faut dire que depuis mon enfance j'avais ce penchant pour la photographie. C'est le fondateur de l'Académie d'Art de Carthage Karim Kaddour -décédé il y a 3 ans- qui a repéré en moi mon talent de photographe. Ensuite c'est mon enseignant Hamideddine Bouali qui m'a toujours encadré pour aller de l'avant et évoluer. Il me disait toujours que j'étais comme un oiseau qui devrait se libérer de sa cage. 



Quelles sont les expériences qui ont marqué votre parcours? 

J'ai effectué des travaux dans plusieurs domaines. J'ai travaillé dans des magazines comme La Gazelle, L'Economiste Maghrébin, IDdéco et j'ai travaillé pour des showrooms de Marts's, Samsung, Brand Shop, Moda Vinci et la Bijouterie Ben Jannet. J'ai exposé dans plusieurs galeries en Tunisie dans le cadre de rencontres dans des espaces à Ghar El Melh, El Teatro, Palais El Abdélia, Galerie Sadika et le Café Culturel Liber'Thé.

Au bout de 6 mois d'études j'ai remporté le deuxième prix du Concours Canon en 2008. En 2017 j'ai décroché le troisième prix du Concours Beit El Bennani et au début de 2019 j'ai gagné le premier prix dans le cadre du Concours de l'Association Chokri Belaid pour la créativité et les Arts. 



J'ai déjà monté trois expositions personnelles en mon nom. La première exposition remonte à 2011 à la galerie Le Cap à Gammarth je l'ai baptisée La voix de la révolution, la deuxième c'était à La Maison de l'image en 2018 et la troisième s'est déroulée en 2019 à l'espace El Teatro.

J'ai participé également à des workshops avec des photographes étrangers dont Martin Bureau en 2008, Patrick Zachman en 2011, et Antonin Borgeaud en 2017 ce qui m'a permis de mieux immerger dans le monde de la photographie. Outre la photographie, j'ai fait deux ans de théâtre avec Tawfik Jebali à El Teatro en 2017.



Quels sont les thèmes que vous aimeriez le plus exploiter?

Je préfère prendre en photo des scènes de misère, d'art dramatique et tout ce qui se rattache au chaos. Je choisis des images liées à mon état d'âme. Il faut dire que ce sont des images qui traduisent mon vécu et ma vision peu optimiste de la vie et de l'espoir que j'aurai aimé avoir. 

Pour mes photos je n'utilise pas de Photoshop. Je les traite simplement pour créer un effet de contraste ou de noir et blanc. 





Qu'est-ce qui vous permet d'avancer dans votre passion?

A vrai dire ce sont les réactions des gens notamment sur les réseaux sociaux qui me motivent le plus. A travers leurs messages dans la rue ou dans les espaces de galerie d'art, leurs ''jaime, j'adore'', leurs commentaires et leurs partages. Je me rappelle une fois que j'étais assis dans un café une femme est venue me parler pour me dire qu'elle me connaissait à travers Facebook et qu'elle adorait mes photos. Les réactions des gens par rapport à mes travaux sont une sorte de reconnaissance pour moi qui me permettent d'évoluer. 


Vous associez l'écriture à la photographie. Quel rapport particulier avez-vous avec ces deux activités?



Le trou
Quelque part, à l’intérieur de ma poitrine, se trouve un large trou noir, avec de l’air qui y souffle fort, une sorte de vide que nul ne peut remplir, ni pendant le jour, ni durant la nuit sauf étant endormi …
Entouré par mes amis ou chéri par ma famille, je me sens moins seul, mais je sens cet air qui y rentre d’une manière terrible et qui juste après, ressort depuis ce trou profond dans mon pauvre être !
En train de travailler ou en train d’écrire, de déjeuner ou de me faire embrasser, même à faire l’amour, je prends du plaisir, mais il y a toujours ce trou, avec de l’air qui l’aère, avec du vent qui le fait trembler de peur et de terreur, lui procurant un sentiment que peu de gens ont connu par ailleurs, sauf ceux qui vivent avec ce trou large comme le ciel, collant tel du miel, et qui, plus que cruel, te fait sentir seul, lorsque tu es magnifiquement accompagné, te fait sentir poinçonné, par ce vide dégueulasse que ni tabac, ni café, ni bières ni crustacé ne peuvent combler… Ni même l’amour de la plus affectueuse des femmes, qui ne fera que partiellement le meubler !
Il existe quelque part dans mon âme un grand vide, que plusieurs femmes ont voulu garnir, et plusieurs substances ont pu l’envahir, que toute une famille et un groupe d’amis ont essayé de le farcir, sans pour autant pouvoir le remplir !
Et si par un nulle part ailleurs amour ce vide est comblé…
Je me sentirais désorienté, car il me suit depuis plus que des années!

Texte et photographie: Kais Ben Farhat


L'écriture et la photographie sont une sorte de thérapie pour moi pour me purifier l'âme. Je prends l'exemple de mon exposition personnelle Catharsis où j'ai mis l'accent sur la psychose et son impact sur mes crises émotionnelles.

J'extériorise ce que je ressens en photos. Tout ce que je photographie est né d'une douleur profonde ancrée en moi. Je ne prends en photo que ce qui touche à ma sensibilité. Mes photographies sont empreintes de mélancolie. Elles représentent le reflet de ma personnalité bipolaire. Ma pathologie m'a beaucoup inspiré pour écrire des textes notamment de prose et de poésie. 


Quelles sont vos influences et inspirations artistiques?

Mes plus grandes influences sont Bukowski, Baudelaire et Antonin Artaud. J'aime écouter Léo Ferré, Radiohead, Pink Floyd et le genre du DBM (Black metal dépressif). Je n'ai pas de style bien défini. Je prends en photo tout ce qui me permet de transmettre une émotion et toucher l'âme des gens.



Quels sont vos projets artistiques pour les prochains mois?

Je vais participer à une exposition collective en mois de janvier dans le cadre de la promotion d'un nouvel espace culturel au Bardo avec d'autres artistes. Au printemps j'ai une autre exposition collective avec la galerie Central Tunis où l'on va travailler sur le thème de Tunis: Centre ville et je vais faire partie, également, d'une exposition collective intitulée Patrimoini 2 au Goethe Institut avec 4 tableaux de l'hôtel du Lac. 

J'envisage également d'ouvrir mon propre studio pour y travailler et recevoir mes clients.



Un dernier mot à nous dire?

Je tiens à remercier mon cher ami décédé Karim Kaddour qui m'a initié à la photographie, mon professeur Hamideddine Bouali qui m'a encadré, mon très cher ami plasticien Mahmoud Chalbi qui m'a beaucoup soutenu dans mon parcours et mes parents qui ont toujours cru en moi. 



Crédit photo: Kais Ben Farhat

Interview accordée à : Yasmine Bouanani